Polémique Placé ou comment utiliser le racisme à des fins politiques<!-- --> | Atlantico.fr
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A gauche : Jean-Vincent Placé d'EELV. A droite : Alain Marleix de l'UMP.
A gauche : Jean-Vincent Placé d'EELV. A droite : Alain Marleix de l'UMP.
©Reuters

"Coréen national"

Le député UMP Alain Marleix évoquait ce samedi l'écologiste Jean-Vincent Placé comme "notre Coréen national". Ce dernier a décidé de porter plainte pour injures à caractère raciste. Une polémique montée en épingle ?

Raoul Le Chafouin

Raoul Le Chafouin

Raoul Le Chafouin est un journaliste qui préfère garder son anonymat. Il est originaire du Nord-Pas-de Calais.

Il est l'auteur du blog "Pensées d'outre-politique"

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Incroyable affaire que celle qui oppose le vice-président Europe Écologie Les Verts d’Ile de France Jean-Vincent Placé au député UMP Alain Marleix. Le second a affublé le premier du sobriquet de « notre coréen national ». Depuis, à gauche, on remue ciel et terre pour obtenir des excuses solennelles. La justice va être saisie. Et Placé, que personne ne connaissait avant-hier, a ainsi gagné un bon coup de projecteur gratuit en vue des sénatoriales. Merci l’UMP ?

Il est des polémiques qui définitivement, ne grandissent ni la sphère politique, ni celle des médias. Après le fiasco du retour de DSK à Paris, qui a mobilisé la moitié des rédactions parisiennes ce dimanche, et obligé l’autre moitié à commenter hypocritement ce déballage absurde, la bulle médiatique qui enveloppe le monde politique a décidé de changer de sujet : à droite, on a une grosse gaffe, là. Et ça c’est bon, coco : indignation facile, larmes de crocodile, émotion dans la voix, mais ce ne serait pas de l’audimat garanti à moindre coût, ça?

Alain Marleix : méchant raciste de service

En l’occurrence, le méchant raciste de service est Alain Marleix, le spécialiste de la circonscription électorale à l’UMP. En gros, c’est lui qui se débrouille pour tripatouiller les circonscriptions jusqu’à ce que cela convienne mieux à l’UMP dans l’intérêt général. Commentant sur Public Sénat les élections sénatoriales qui se profilent au bout du chemin, le député du Cantal a osé ce mot affreux au sujet de Jean-Vincent Placé : « Depuis 2 ou 3 jours, on voit des listes de gauche dissidentes : Daniel Raoult dans le Maine-et-Loire, en Moselle, en Meurthe-et-Moselle, dans le Pas-de-Calais, avec la liste du sénateur Sergent. Aussi dans l’Essonne, où notre Coréen national, Jean-Vincent Placé, va avoir chaud aux plumes ! »

Bref, un propos quelque peu douteux, qui n’a même pas l’excuse de l’humour puisqu’il n’est pas drôle, et qui n’a absolument pas sa place dans une interview politique. Une fois qu'on a dit ça, on a tout dit, mais visiblement, ça ne suffisait pas à certains.

Donc branlebas de combat ! Tous aux abris ! Faites sonner le tocsin ! Un élu a osé faire référence, en parlant d’un de ses confrères, de ses origines. Oui : Jean-Vincent Placé est né en Corée, et a été adopté à l’âge de sept ans par un couple de Français. Il est donc 100% Français par le droit, mais n’est-il pas un peu Coréen par le sang qui coule dans ses veines ? Qu’importe ! Si on en fait état, c’est sûrement avec une mauvaise idée derrière la tête ! Et un mauvais esprit qui nous rappelle #lesheureslesplussombresdelhistoire (un mot-clef désormais classique). Le verdict médiatico-socialiste tombe, aussi vite qu’une flèche se plante dans sa cible : Alain Marleix est un raciste. Dominique Sopo, le leader de SOS-Racisme,en fait des tonnes pour que surtout on ne relativise pas cette affaire insupportable : il évoque « une dérive extrêmement dommageable », il parle de propos « d’une grande violence », qui sous-entendent que « les Coréens nationaux n’ont pas tout à fait leur place dans notre pays ». Dans ce genre d’affaire, il ne faut pas hésiter à préjuger de ce que les gens ont voulu dire. Cela paie toujours.

Et tant pis si ce n’est pas du tout ce qu’Alain Marleix a dit : Sopo, lui, voit dans cette affaire la preuve qu’une élite blanche et catholique refuse de laisser le pouvoir dans ce pays : "Il y a des résistances dans tous les corps politiques sur ce sujet. L’évolution que connaît notre pays doit aboutir à un partage des responsabilités. Il y a une montée en puissance des personnes qui ne correspondent pas à ce que certains se figurent comme étant Français, à savoir blanc et catholique. Les élites qui ont eu l’habitude de tenir, génération après génération, toute une série de postes à responsabilités, qui ont déjà du faire de la place aux femmes, se demandent ce qui va leur rester à la fin", selon Dominique Sopo.

Comment sortir de l'anonymat...

Pas mal, comme extrapolation, pour une histoire de « Coréen national », non? Même Placé en rajoute une louche : il estime que « pour M. Marleix, manifestement, seul le sang donne le droit d’être français », et qu’il y a « lepénisation du dialogue ». Mais pourquoi Jean-Vincent Placé ne s’en est pas tenu à son instinct initial, à ce tweet rédigé juste après les propos de Marleix  :« Marleix parle de moi a Marseille "notre coréen national". Racisme, xénophobie, connerie, beauferie? Ou tout a la fois ».

Cela suffisait amplement. Mais Placé a reçu des dizaines de coups de fil sur son portable, de journalistes qui voulaient l’entendre réagir. Il a lu les communiqués de presse scandalisés de ses collègues de gauche. Et puis il a dû se dire :« pourquoi pas, après tout? »

Oui, pourquoi pas se faire connaître à peu de frais par la France entière ? N’oublions pas que Placé a beau être connu dans le sérail, je ne parierais pas qu’un Français sur cent sache qui il est. Cela reste un élu local de base. Avec cette particularité que quand on s’intéresse à la chose publique, on a déjà entendu parler de lui. Mais justement, de mon côté, la seule fois où j’avais entendu parler de lui, c’était en l’entendant à la radio raconter ses origines, son adoption, son « acclimatation ».

Bref, tant pis si une partie de la droite s’est excusée et a cherché à éteindre l’incendie : Placé n’est pas passé à côté d’une si belle occasion, et a porté plainte pour injure raciale. On saura désormais que faire référence à l’origine de quelqu’un, c’est l’insulter. Enfin, ça dépend si vous tenez ce genre de propos avant une élection ou pas. Et ça dépend aussi si la personne de qui vous parlez est un honnête homme au sens où on l’entendait au XVIIe siècle, ou si c’est un opportuniste de base.

[Pour lire le billet original, direction le blog de Raoul Le Chafouin]

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