Jean-Pierre Mocky, cinéaste indomptable : "j’estime avoir raté ma carrière"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Jean-Pierre Mocky
Jean-Pierre Mocky
©Reuters

Bonnes feuilles

"Langue de bois, connais pas !", telle est la devise de Mocky l'indomptable, dont la filmographie illustre ses révoltes et indignations. Extrait de "Jean-Pierre Mocky - Je vais encore me faire des amis !", publié aux éditions Cherche Midi (1/2)

Jean-Pierre Mocky

Jean-Pierre Mocky

Réalisateur, acteur, producteur et scénariste. 

Artisan et ardent défenseur du cinéma populaire.

 

Voir la bio »

J’ai beau avoir commencé ma carrière de cinéaste il y a plus d’un demi-siècle, je m’estime moins bon que ceux qui m’ont inspiré. Et mes successeurs sont pires encore. Fritz Lang, Luis Buñuel et Orson Welles ont ouvert la voie.Godard, Chabrol et moi sommes arrivés derrière. Qui saura prendre le relais ? Aujourd’hui, il est de bon ton, chez les professionnels de la profession, de s’extasier devant des mélos aussi dégoulinants et surfaits qu’Amour, De rouille et d’os ou Le Gamin au vélo... Michael Haneke, Jacques Audiard et les frères Dardenne ont le don de me hérisser le poil. Non seulement ils n’ont rien inventé, mais ce sont des emmerdeurs opportunistes. Côté comédie, on n’est pas mieux lotis. Après les pionniers que furent Charlie Chaplin, Buster Keaton et Mack Sennett, il y eut Jacques Tati – lequel, sauf le respect que je dois à son immense talent, s’imprégna copieusement de leurs inventions. Aujour d’hui... on a Dany Boon !

>>>>>> A lire également : Jean-Pierre Mocky, cinéaste indomptable : "La France d’aujourd’hui me rappelle l’Union soviétique de l’époque du rideau de fer"

Pour éviter de servir de l’artificiel et du réchauffé, j’ai adopté le style décalé et iconoclaste qui est ma marque de fabrique. On n’est que de passage : autant s’essayer à un ton nouveau, à des couleurs différentes, pour qu’éventuellement il en reste quelque chose ! Bien entendu, on ne réussit pas à tous les coups. J’ai un parcours en dents de scie, où échecs et succès alternent avec plus ou moins d’écart et de retentissement. Il est bien normal de se viander de temps à autre, cela arrive aux meilleurs. On me le pardonne sans doute moins qu’à d’autres. Parce qu’il est toujours plus facile de tirer sur une proie isolée. Et malgré moi, j’ai toujours fonctionné en solo ! Moyennant quoi, je n’impute à personne d’autre la responsabilité de mes erreurs.

Mais c’est en cela que j’estime avoir raté ma carrière. Mon grand regret, c’est de n’avoir jamais trouvé mon alter ego. Mon inspirateur, ma muse. Quelqu’un qui galvanise ma créativité et m’aide à tirer le meilleur de moi-même, en dépit des obstacles et des ratages. Quelqu’un avec qui je forme un vrai tandem, comme autrefois Jean Marais et Jean Cocteau. Grâce au soutien constant de leurs femmes, de nombreux cinéastes, de René Clair à Jean-Jacques Annaud, en passant par Costa-Gavras et Philippe de Broca, ont pu donner toute la mesure de leur talent. Cela m’a manqué. Évidemment, si j’avais été calculateur, j’aurais pu, dans la perspective d’un juteux partenariat financier, épouser une femme pleine aux as ou m’acoquiner avec un gros nabab en multipliant les ronds de jambe. Hélas (ou pas), ce n’est pas dans ma nature ! Combien de fois ai-je été invité à ces réceptions mondaines et empesées, terrains de chasse favoris des lèche-culs professionnels ? Force est d’admettre qu’ils opèrent avec un art consommé. En les imitant, j’aurais peut-être pu, qui sait, m’attirer les faveurs du baron de Rothschild ou de Liliane Bettencourt... Mais non, c’est au-dessus de mes forces, tant je les trouve, rois comme valets, vains et antipathiques. D’où un net décalage entre ma condition de célébrité – voire, pour certains, de « star » – et mon train de vie, d’une banalité à faire peur.

 Extrait de "Jean-Pierre Mocky - Je vais encore me faire des amis !", publié aux éditions Cherche Midi, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !