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Mélenchon 2012, Sarkozy 2007 : même combat ?
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Sarkochon Melenchy

Le leader du Front de Gauche se pose désormais en troisième homme de la présidentielle. Au coeur de son discours : les classes populaires. Une stratégie qui n'est pas sans rappeler la campagne d'un autre candidat...

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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En août dernier, j’écrivais sur ce site une "Ode à Jean-Luc Mélenchon", un idéologue aux antipodes de mes convictions libérales, mais un homme politique, un vrai, tel que notre pays devrait en compter davantage. J’ai suivi depuis toute sa campagne, du plateau de Ruquier aux salles CGTistes de Nantes. Face à son indéniable charisme, face à la ferveur de ses partisans, j’ai été peu à peu gagné d’une impression de déjà-vu mal identifiable. Hier, le tweet d’un anonyme a tout éclairci : "Une pensée pour mon beau-père UMP-iste qui s’est foutu de moi pendant trois ans et qui m’a annoncé qu’il allait voter #Mélenchon". Suivi d’un autre quelques heures après : "Enorme ! Un militant UMP à la sortie d’un meeting déclare voter #Mélenchon". Beaucoup de beaux-pères, beaucoup de militants doivent être en train de suivre le même chemin. Car dans le Mélenchon de 2012, on retrouve les accents du Sarkozy de 2007 (que j’appellerai par commodité Sark07).

On pourrait réduire la question aux fameuses "classes ouvrières" qui inquiètent tant Terra Nova, et constater que les sondages donnent aujourd’hui 25 % du vote ouvrier à Jean-Luc Mélenchon, soit exactement la part captée par Sark07 au premier tour de la présidentielle. Mais au-delà de ces spéculations sondagières, je constate surtout que les deux candidats, l’un hier, l’autre aujourd’hui, ont su trouver les mots pour parler au "peuple", une notion que l’on n’ose plus guère utiliser mais qui reste au cœur de notre identité nationale. C’est le peuple des faubourgs, pas les avocats du Jeu de Paume, qui, pour le meilleur et pour le pire, a fait et défait les régimes depuis la première Révolution. Le peuple n’a jamais cessé d’exister, sous des formes constamment renouvelées ; le peuple sait encore se reconnaître et s’organiser. Clémentine Autain, la porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, l’a bien montré, dans son récent livre surLe retour du peuple : de la classe ouvrière au "précariat", une même réalité serpente au travers de notre histoire, défiant les catégories sociologiques. 

Ecoutons l’historien Jules Michelet dans son livre sur Le Peuple, en excusant son romantisme si XIXè siècle : "Le peuple réfléchit, sans doute, et souvent plus que nous. Néanmoins, ce qui le caractérise, ce sont les puissances instinctives, qui touchent également à la pensée et à l’activité. L’homme du peuple, c’est surtout l’homme d’instinct et d’action". Et c’est lui que Sark07 comme Mélenchon sont parvenus à séduire.

"Le peuple réfléchit"

Il ne faut pas confondre le peuple avec le téléspectateur des enquêtes d’opinion. Le peuple est avide de raisonnements. Sarkozy osait lui dire que le travail ne se partage pas et que la mondialisation était un défi ; Mélenchon n’hésite pas à lui expliquer les conséquences d’un défaut souverain (qu’il prône) ou à  rentrer dans les subtilités du droit du travail. Plus fondamentalement, les deux s’appuient sur une véritable idéologie, modernisée mais reconnaissable : libérale pour Sarkozy en 2007, autogestionnaire pour Mélenchon en 2012. Des idées claires et qui font système, pas un assemblage de propositions décousues.

"Les puissances instinctives"

Sark07 et Mélenchon inscrivent leurs paroles dans la grande Histoire. La comparaison entre le discours de Sark07 à Metz en avril 2007, et celui de Mélenchon à la Bastille le mois dernier, est saisissante de ce point de vue. D’un côté, la Lorraine et le sang de ses enfants, l’exacerbation du "sentiment national" à travers ses plus grandes figures, la fierté retrouvée contre la mode de la repentance. De l’autre, la Bastille et ses Révolutions, l’apologie des Communards, la volonté de "tourner la page encore une fois de l’Ancien Régime"Dans les deux cas, un même frisson, une même volonté d’incarner la nation, de renouer un fil rompu. Sark07 : "Être Français c’est faire sien l’idéal de la France". Mélenchon : "Partout où l’on parle français, où l’on rêve français."

"L’homme d’action"

Sark07 et Mélenchon payent de leur personne, loin de Hollande qui somnole ou de Bayrou qui ronronne. L’un changeait de chemise trois fois par jour, l’autre affiche des cernes jusqu’au nez. Ils brisent des tabous : refuser "l’assistanat" chez Sark07, "tout prendre" à partir d’un certain seuil de revenus pour Mélenchon. Ils appellent à une rupture institutionnelle : la "République irréprochable" pour Sark07, avec son protocole revisité et ses Ministres relookés ; passer à une VIème République pour Mélenchon. Ils donnent le sentiment de pouvoir renverser un système vermoulu.

Le peuple se fiche des étiquettes et des chiffres, il juge les hommes et les idées. Après avoir cru en Sark07, après avoir erré au début de cette campagne en quête de héraut, il a désormais adoubé Jean-Luc Mélenchon. Le clan sarkozyste le sent bien : Patrick Buisson, le conseiller en communication du Président-candidat, prétendait récemment "s'adresser à tout l'électorat populaire". Trop tard ?

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