Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour réinvestissent un champ du politique trop souvent rabaissé à des débats techniques par les autres<!-- --> | Atlantico.fr
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Le plateau de BFMTV à l'occasion du débat entre Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon.
Le plateau de BFMTV à l'occasion du débat entre Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon.
©BERTRAND GUAY / POOL / AFP

Débat BFM

Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour ont débattu jeudi soir sur BFM TV. Le candidat de la France Insoumise et l'essayiste ont tenté de réinvestir un champ du politique trop souvent rabaissé à des débats techniques.

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : Le débat Jean-Luc Mélenchon - Eric Zemmour a eu lieu ce jeudi sur BFMTV. Un des deux hommes s'est-il démarqué par rapport à l’autre ? Y-a-t-il un gagnant et un perdant ?

Arnaud Benedetti : Ce fut un jeu à somme nulle et c’était l’objet de cette joute dont le but était de renforcer chacun dans ses fondamentaux : tout au plus Mélenchon fut plus à l’aise dans les artifices de l’exercice quand Éric Zemmour sembla plus habité dans l’expression de ses convictions. L’intérêt du débat fut d’installer une contradiction puissante qui par contraste fit ressortir la vacuité actuelle de la scène partisane dont les ressorts intellectuels apparaissent pour le moins distendus. Cette confrontation était une entreprise dont la fonctionnalité était de susciter l’idée qu’entre les deux contradicteurs il n’y avait rien, à l’exception d’un vaste marais. Tout l’objectif du moment était d’absorber toutes les énergies politiques de l’instant et de certifier que les deux seules visions politiques, exclusives et inconciliables évidemment, relevaient de cet affrontement.

Jean-Luc Mélenchon ne voulait pas se laisser entraîner sur les thématiques d’Eric Zemmour mais l’emmener sur les siennes. Qu’en a-t-il été ? Quels thèmes ont été saillants ?

Arnaud Benedetti : Ils se sont neutralisés, et il ne pouvait en être autrement. Sur le fond l’agenda était néanmoins "zemmourien", effet d’actualité oblige puisqu’il impose dans la séquence que nous traversons sa centralité. Mélenchon a développé son contre-argumentaire relatif à la créolisation, alors que Zemmour a défendu pied à pied sa conception identitaire. Tout s’est passé comme si chacun dans sa forteresse ne céderait en rien à l’autre. Pour Mélenchon le fond était de se recréditer politiquement en capitalisant sur le phénomène Zemmour ; pour Zemmour c’était l’occasion aussi de sortir de sa zone de confort pour se tester sur des terrains où il est moins présent : l’économique, l’environnement où il est parvenu à ce stade à susciter l’impression d’une certaine maîtrise des problématiques.

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A-t-on vu plutôt des points de rapprochement ou plutôt des différences irréconciliables entre les deux hommes ?

Arnaud Benedetti : Il y a un fond commun qui les réunit : le déclin du politique, son impuissance, son rapetissement, sa dévitalisation intellectuelle. À partir de ce constat, leur rhétorique vise à ébranler un système qu’ils estiment vermoulu, dépassé, sans volonté autre que celle de s’accrocher à la dynamique incontrôlée des événements. Après, ils en tirent des perspectives et des conclusions diamétralement opposées, à l’exception du rôle de l’Etat qu’ils jugent indispensable, bien qu’ils ne lui assignent pas les mêmes finalités : l’assomption d’une égalité fantasmée au prisme d’un logiciel proto-révolutionnaire pour Mélenchon, la préservation d’un organicisme bien entamé pour Zemmour. Ce qui de facto les fait converger, par-delà leurs immenses divergences, c’est que le moteur de la politique est d’abord alimenté par l’histoire et la philosophie politique. Ils sont aux antipodes d’une chose publique réduite à une ingénierie technique. De ce point de vue, ils réhabilitent le politique là où les forces concurrentes en banalisent la matrice.

En définitive, quel a été l’apport de ce duel médiatique ?

Arnaud Benedetti : L’apport, justement, a été de rappeler cette dimension créatrice du politique à un moment où le politique est perçu par de larges segments des opinions comme le territoire du vide, un théâtre d’ombres. Zemmour comme Mélenchon réactivent la motricité politique et la réenracinent dans sa fonction vitale, première, historique. Ils occupent une béance, sans trop se soucier des tergiversations communicantes. C’est tranché, vif, et suffisamment explicite pour que les partisans de l’un et de l’autre s’y retrouvent. Après, reste à savoir si l’exercice a contribué à les crédibiliser aux yeux d’une opinion nourrie aux conformismes du rabaissement du politique et à l’inéluctabilité de sa faiblesse, c’est une autre paire de manche.

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