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« Même pas peur ! »
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EDITORIAL

Sondages et effet Borloo aidant, le centre travaille activement à la reconquête de son autonomie perdue depuis la création de l’UMP. A la centriste… chacun dans sa chapelle, tout en prenant des risques, mais pas trop.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Deux scènes de la vie politique : deux illustrations de la lente gestation de la confédération centriste dont la naissance officielle est annoncée avant les vacances d’été…

Le premier acte s’est déroulé mardi matin, dans ce haut lieu de la vie parlementaire qu’est la salle Colbert, lieu de réunion hebdomadaire des députés UMP. Quelle ne fut pas leur surprise de voir arriver Jean-Louis Borloo prendre place sur son banc, presque comme si de rien n’était !Le président du Parti radical avait annoncé jeudi dernier sur France 2 qu’il quittait l’UMP. Le parti, oui, mais pas le groupe parlementaire dont font partie tous les radicaux valoisiens. Cette présence inespérée a comblé d’aise les dirigeants du Parti, pas franchement à la fête ces temps-ci. Elle a permis à Jean François Copé, qui a troqué sa fonction de président de groupe contre le secrétariat général de l’UMP de faire publiquement part de ses sentiments mêlés à l’ancien ministre d’Etat : tristesse de le voir quitter le mouvement et joie de le retrouver à cette réunion. L’intéressé n’a pas bronché, laissant les uns et les autres élucubrer sur ce positionnement subtil consistant à partir sans couper entièrement les ponts.


Fonder un nouveau groupe parlementaire

Car le véritable acte de rupture consisterait à quitter le groupe UMP pour fonder un nouveau groupe parlementaire. Outre qu’une telle hypothèse serait difficilement réalisable à moins d’un an des législatives, elle buterait sur la question arithmétique : il faut en effet vingt membres pour créer un groupe à l’assemblée nationale. Or les radicaux sont à peine une vingtaine et une bonne moitié d’entre eux ne veut pas rompre avec l’UMP. Autre possibilité pour ceux qui voudraient définitivement tourner le dos à l’UMP, rejoindre le groupe du Nouveau centre qui leur tend discrètement les bras sans pour autant leur mettre la pression.

Car, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, cet équilibrisme radical n’irrite pas ceux avec qui Jean-Louis Borloo projette d’unir un jour sa destinée, à savoir les centristes canal historique du Nouveau centre aujourd’hui présidé par l’ancien ministre de la Défense Hervé Morin !

Vers une future confédération centriste

C’est avec eux que s’est déroulé le deuxième acte : mardi en fin de journée, s’est tenu un bureau politique, prélude au conseil national du 7 mai, au cours duquel seront adoptés les statuts de la future confédération centriste. Et ces statuts, s’ils sont adoptés prévoient une « structure d’accueil « pour les députés qui voudraient rejoindre la confédération sans quitter l’UMP ». Vous suivez ? La double appartenance est une vieille pratique en politique ; elle était tombée en désuétude sous la Ve République mais va sans doute renaitre en cette période de balkanisation de la majorité présidentielle en proie au doute. Le communiqué diffusé mardi soir rappelle que la confédération doit voir le jour au plus tard le 1er juillet prochain, qu’elle a vocation à présenter un candidat à l’élection présidentielle qui sera désigné à l’automne, et qu’elle s’inscrit dans le cadre de la majorité présidentielle .

Hervé Morin avait manifesté son désir d’être candidat, avant même de quitter le gouvernement. Il est aujourd’hui supplanté par Jean-Louis Borloo dans les sondages de notoriété ; qu’à cela ne tienne ! Il s’effacera, au nom de la survie ou de la résurrection du centre. C’est que dans ce contexte de climat politique terriblement mouvant, toutes les hypothèses sont sur la table, notamment celle où Nicolas Sarkozy en chute libre dans l’opinion, serait devancé par un centriste, à la manière d’un Chaban, semé par Giscard en 1974. «Quand le candidat UMP est crédité de 30 % des voix, les autres ne sont que des supplétifs, mais quand il est crédité de 15 à 20 %, les choses sont différentes », observe Hervé Morin qui se voit manifestement davantage dans les habits du « supplétif »que dans ceux du vainqueur mais qui ajoute : «que Borloo soit plus médiatique que moi ne fait pas de doute, mais où était François Hollande il y a quelques mois ? »

Consolider les réseaux centristes

En attendant la réponse, l’ancien ministre de la Défense poursuit sa course de fond, sous forme de tour de France pour consolider les réseaux centristes, et démontrer sa capacité d’endurance, qu’il estime supérieure à celle de Borloo. Les sondages trancheront le moment venu. D’ici là, Nicolas Sarkozy ne sera pas demeuré inactif. Ceux qui déplorent que « Nicolas Sarkozy, qui a été élu sur un projet équilibré entre humanisme et fermeté, ne retienne aujourd’hui que cette dernière thématique avec l’immigration et la sécurité » espèrent qu’ils finiront par être entendus. D’une certaine façon un signal clair vient d’être envoyé à ceux, qui à l’instar du Nouveau centre réclamaient depuis des mois la suppression du bouclier fiscal et une réforme de l’ISF.

Les élus du Nouveau centre avaient, il y a quelques semaines, fait plier le gouvernement contraint de retirer un amendement sur la déchéance de la nationalité ; pour y parvenir (ils ne sont qu’une vingtaine), ils avaient bénéficié du renfort des modérés, dont les ex-centristes de l’UMP. Depuis, les élus du Nouveau centre se sentent pousser des ailes et ne se voient plus en simple force d’appoint. Ils entendent maintenant se montrer offensifs pour la réforme à venir de la dépendance. Quant à ceux qui ont choisi d’adhérer et pour le moment de rester à l’UMP, ils s’interrogent : pour faire pencher la balance en faveur de leurs idées, et surtout en être crédités, vaut-il mieux peser de l’intérieur, ou de l’extérieur ? Tout va dépendre de la réaction de l’opinion à la création de cette confédération à laquelle viendra se joindre la Gauche moderne de Jean-Marie Bockel. Parviendra-t-elle à séduire les 20 % d’électeurs convoités qui incarnent traditionnellement le centre en France ? Malgré le non-choix de François Bayrou, Nicolas Sarkozy les avait rassemblés sous sa bannière au deuxième tour en 2007.

Aujourd’hui on brandit le spectre d’un 21 avril à l’envers dans le camp d’un Nicolas Sarkozy affaibli. Pour le moment les centristes lui répondent : « Même pas peur ! ». Dans six mois, on verra.

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