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Et si Israël armait les Syriens ?
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Amants maudits

Isolé diplomatiquement dans le monde arabe, Israël pourrait profiter de la révolte syrienne pour tirer son épingle du jeu, en soutenant le peuple syrien, réprimé avec violence par le régime de Bachar el-Assad.

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo est économiste et écrivain, ancien fonctionnaire à la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Il est diplômé d’économie politique de l’université Johns Hopkins (Baltimore).  Son dernier ouvrage, Ternes Eclats - Dans les coulisses de la Genève internationale (L'Harmattan) présente une critique de la diplomatie multilatérale.

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La détérioration des relations bilatérales entre Israël et ses deux principaux partenaires au Moyen-Orient, l’Égypte et la Turquie, a de quoi inquiéter. La réaction tardive des autorités égyptiennes lors de l’attaque de l’ambassade israélienne au Caire par une foule enragée est un signe avant-coureur des dangers à venir. L’hostilité grandissante de la Turquie vis-à-vis d’Israël n’est pas de bon augure non plus.

Les tensions émergentes ont sans doute des causes multiples. Parmi elles, on doit citer le réflexe qu’ont certains gouvernements de la région, quand ils traversent une mauvaise passe, à s’en prendre à l’État d’Israël pour ainsi dévier l’attention de leurs propres difficultés.

Deux exemples récents illustrent une telle tendance. Primo, la Turquie – majoritairement sunnite – ne parvient pas à aider efficacement les Syriens, en majorité sunnites, massacrés par les forces de Bachar al-Assad… Eh bien, Ankara intensifie ses diatribes contre Israël, faisant par ricochet oublier son impuissance à l’égard de la Syrie. Secundo, au Caire, une manifestation est programmée pour protester contre la lenteur des réformes politiques promises par le nouveau gouvernement égyptien… Eh bien, le Premier ministre se dépêche pour déclarer juste quelques heures avant la manif, comme pour caresser les protestataires dans le sens du poil, que les accords de paix entre l’Égypte et Israël pourraient être remis sur le tapis.

A cela s’ajoute que le contexte géopolitique se prête à la rhétorique anti-israélienne. Avec la chute d’Hosni Moubarak et les difficultés qu’éprouve l’axe Téhéran - Damas, il existe un vide de pouvoir que plus d’un pays arabo-musulman aimerait bien remplir. Et chaque aspirant à ce rôle si convoité pense que tirer à boulets rouges sur Israël peut lui donner les lettres de créance nécessaires pour y parvenir.

Or, ce que ces aspirants au trône de la puissance régionale ont tendance à négliger, c’est que la haine d’Israël ne figure pas aujourd’hui parmi les motivations principales de la « rue arabe ». Pour preuve, à part l’incident isolé de l’ambassade israélienne au Caire, les slogans contre Israël, de même que les drapeaux israéliens brûlés, ont jusqu’ici brillé par leur absence lors des manifestations du Printemps arabe.  Pour preuve encore, la tentative de Bachar al-Assad d’envoyer des Palestiniens manifester contre Israël sur le plateau du Golan, cela dans le but de faire oublier ses propres déboires, s’est soldée par un échec.  Pour preuve enfin, un des manifestants syriens a déclaré l’impensable à un journaliste de l’agence Associated Press : "Qu’Israël vienne prendre la Syrie ! Que les Juifs viennent ! N’importe quoi est mieux que Bachar al-Assad”[1].

Il est temps pour Israël d'intervenir

Pour isolée qu’une telle déclaration puisse être, et elle l’est, le simple fait de sortir de la bouche d'un manifestant montre que la haine d'Israël n'est pas un trait distinctif du Printemps arabe. Et pourquoi, alors, Israël ne pourrait-il pas venir en aide au peuple syrien, se mettant ainsi en phase avec l’état d’esprit qui prévaut actuellement dans la région ?  Il existe un moyen d’aider les Syriens, que voici. Compte tenu et du niveau de répression et de l’indolence de la communauté internationale, et après plus de 2,700 tués et des dizaines de milliers de torturés ou emprisonnés, le mouvement de protestation syrien est en train de muer en résistance armée, aidé pour cela par les quelque 10,000 défections déjà enregistrées au sein de l’armée.[2]

Dans l’état actuel des choses, une aide d’Israël à la résistance syrienne, en termes d’appui logistique et de fourniture d’armes, pourrait s'avérer utile et appréciée.  Bien sûr, les ennemis d’Israël pourraient invoquer une aide israélienne aux Syriens comme prétexte pour livrer à leur tour des armes au Hamas, et autres mouvements terroristes opérant sur Gaza ou la Cisjordanie. Sauf que, depuis belle lurette, et sans attendre un quelconque prétexte, ils le font déjà.  Bien sûr, aussi, pour Israël le danger est réel de voir la révolte syrienne finir entre les mains d’islamistes qui n’ont que faire de la démocratie et qui vouent l’État juif aux gémonies. Il n’en demeure pas moins que, en toute vraisemblance, les jours du régime de Bachar al-Assad sont comptés[3]. Autant aider le mouvement de contestation et engranger une part de crédit lors de la chute de ce régime sanguinaire.

Pendant que la Ligue arabe, le Premier ministre turque et le Président des États-Unis tergiversent et tiennent des propos sans suite, pendant que l’Iran fournit de l’aide au régime syrien pour mieux tirer sur les foules de manifestants, pendant que le Conseil de sécurité de l’ONU faillit à sa « responsabilité de protéger » une population martyre, et pendant que les manifestations de solidarité envers le mouvement de protestation en Syrie ne parsèment pas les rues d’Europe et d’Amérique, Israël apparaîtrait comme le soutien en dernier ressort d’un peuple arabe en quête de démocratie et de liberté.

Voilà de quoi faire voler en éclats plus d’un stéréotype en vogue dans la région, et dans l’opinion occidentale.

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[1] “Let Israel come and take Syria”, ynetnews.com, 26 avril 2011.

[2] Anthony Shahid, “Syria’s protesters, long mostly peaceful, starting to resort to violence”, 16 September 2011.

[3] Un article du New York Times signale que les services d’intelligence et des diplomates du Moyen-Orient, de l’Europe et des Etats-Unis croient de plus en plus à l’éventualité de la chute du régime de Bachar al-Assad (Helene Cooper, « U.S. is quietly getting ready for Syria without Assad », 19 septembre 2011).

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