Israël se dirige-t-il vers une troisième intifada (et de quelle sorte) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Israël a mené tôt lundi 5 octobre une frappe aérienne sur la bande de Gaza en réponse à un tir de roquette au sud de l'Etat hébreu.
Israël a mené tôt lundi 5 octobre une frappe aérienne sur la bande de Gaza en réponse à un tir de roquette au sud de l'Etat hébreu.
©Reuters

Gestion du risque

Dans la vieille ville de Jérusalem samedi 3 octobre, un Palestinien a tué deux personnes et blessé un jeune enfant, avant d'être abattu par les forces de l'ordre. Peu de temps après, un autre Palestinien a été neutralisé par des policiers israéliens après avoir agressé un adolescent juif avec un couteau. L'ombre d'une troisième intifada règne sur le pays.

Gil  Mihaely

Gil Mihaely

Gil Mihaely est historien et journaliste. Il est actuellement éditeur et directeur de Causeur.

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Atlantico : "C’est une intifada, la troisième intifada" écrit Nahum Barnea dans l'édition du quotidien israélien Yediot Aharonot dimanche 4 octobre. Est-ce un scénario plausible ?

Gil Mihaely : Si la question est sommes-nous devant une nouvelle intifada ou « juste » face à une nouvelle vague de violence – n’oublions pas le couple israélien assassiné jeudi soir alors qu'il circulait en voiture non loin de Naplouse – la réponse est qu’un embrasement général et durable de la Cisjordanie et de Gaza est tout à fait possible. La raison principale est que pour les Palestiniens un affrontement violent mobilisant des centaines de milliers de personnes semble aujourd’hui une option raisonnable et légitime. Ils n’ont pas un horizon politique crédible et leur défaite dans l’intifada de 2000-2003 est trop loin dans le temps pour les dissuader d'agir.   

Israël a mené tôt lundi 5 octobre une frappe aérienne sur la bande de Gaza en réponse à un tir de roquette au sud de l'Etat hébreu. Des salafistes se déclarant de l'Etat islamique (EI) ont revendiqué les récents tirs de roquettes alors qu'Israël estime le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, responsable de ces incidents. Entre l'EI, un Etat iranien plus puissant que ces derniers mois, des pays déstabilisés comme la Syrie ou l'Irak, dans quelle mesure ce contexte aurait un impact sur une éventuelle intifada ?

Les deux fronts – Gaza et la Cisjordanie – sont liés, et même si un arrangement informel entre Israël et le Hamas permet un calme très relatif (les tirs sporadiques n’ont jamais cessé depuis la guerre de l’été 2014), il est certain qu’une déflagration à Jérusalem ou en Cisjordanie changera immédiatement la donne. Les Gazaouis ne resteraient pas les bras croisés ! Mais ce n’est pas tout. La défense des mosquées à Jérusalem et la haine d’Israël restent, dans un Moyen Orient plus que jamais divisé et déchiré, l’unique trait d’union entre ethnies et obédiences qui se haïssent. De ce fait, les pyromanes de la région, et à leur tête l’Iran, pourraient en profiter. Rappelons que l’incident qui a déclenché la guerre de 2006 au Liban – embuscade contre une patrouille israélienne - a été lancé par le Hezbollah quand Israël et le Hamas étaient en guerre suite à l’enlèvement du soldat Shalit. 

Qui a à y gagner ?

Tous ceux qui ont intérêt à démontrer que Israël est le problème majeur de la région et non pas l’échec du nationalisme arabe et la déconfiture des Etats et des sociétés nées il y a un siècle sur les décombres de l’empire ottoman.  Concrètement il s’agit de l’Iran et du régime syrien mais aussi des Frères musulmans.  


Si l'on se penche sur les intifadas de 1987 et 2000, quel(s) est/sont le(s) dénominateur(s) commun(s) à ces mouvements ? Cet élément est-il présent aujourd'hui ? 

Tout d’abord, dans les deux cas, il y avait chez les Palestiniens un sentiment d’impasse. En décembre 1987, vingt ans après la guerre de six-jours, les Palestiniens de l’intérieur ne voulaient plus de la tutelle jordanienne et commençaient à trouver que la stratégie de l’OLP tardait à donner des résultats. La poudrière était donc prête à exploser quand un accident de voiture a déclenché des rumeurs qui ont embrasé Gaza puis la Cisjordanie. Après cinq ans de violence et la chute de l’URSS, l’OLP ayant peur à la fois de l’ère post Guerre froide et des forces de l’intérieur qui menaçaient son hégémonie, a fini par accepter le compromis d’Oslo en 1993. La deuxième intifada s’est déclenchée en septembre 2000 après l’échec du sommet de Camp David et le sentiment que la dynamique d’Oslo est arrivée à l’impasse. En fait, à chaque fois que les Palestiniens ont le sentiment qu’ils n’ont rien à perdre, nous sommes dans un climat favorable à une intifada – ce qui ne veut pas dire que un tel scénario est inéluctable. Il ne faut pas oublier que la société palestinienne n’est pas monolithique et qu'il y a ce sentiment qu’il faut « retourner la table » coûte que coûte. A noter, dans les deux cas, les intifadas ont accouché d’une avancée politique considérable : Oslo suite à la première intifada, et l’évacuation de Gaza et du nord de la Cisjordanie en 2005.  

Quels sont les outils du gouvernement israélien pour appréhender ce type de soulèvements ? 

Ce sont essentiellement des mesures de répression accompagnées d'un excellent service de renseignement. Mais ces réponses ont leurs limites : les deux intifadas étaient longues et ont coûté très cher en vie humaine, en termes économique et en termes d'image. C’est pourquoi, dans les deux cas, à un certain moment le gouvernement israélien s’est employé aussi à proposer un horizon politique, un espoir aux Palestiniens. Cette fois-ci la configuration régionale est tellement fragile et surtout méconnue – le « printemps arabe » a profondément changé la donne et la guerre civile syrienne a créé une situation imprévisible – que, si jamais la poudrière prend feu, il ne faut pas s’attendre à une troisième édition d’un phénomène connu mais plutôt à quelque chose d’inédit. 

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