Islamisme : le balek-gate ou la mort subite de la liberté d’opinion en Belgique<!-- --> | Atlantico.fr
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voile religion balek-gate polémique le soir Belgique
voile religion balek-gate polémique le soir Belgique
©Mads Claus Rasmussen / Ritzau Scanpix / AFP

Suicide du journalisme

Marcel Sel livre son analyse sur la polémique du "balek-gate" en Belgique. Dans le journal Le Soir, une tribune ("Le hijab et les errements du néo-féminisme") a été censurée avant d’être remise en ligne dans une version édulcorée. Son auteur, Florence Bergeaud-Blackler, est depuis menacée.

Marcel  Sel

Marcel Sel

Marcel Sel est un écrivain, blogueur, journaliste, chroniqueur et scénariste belge. Il a publié plusieurs essais : La Flandre ça n'existe pas, Walen Buiten, Les Secrets de Bart De Wever et Indignés de Cons. Il a également écrit des articles et cartes blanches pour plusieurs journaux, notamment en Belgique (Télépro, Marianne Belgique, Le Soir, La Libre, RTBF, La Revue Nouvelle) ainsi que des nouvelles.

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L’histoire est dingue. Comment, à partir d’une carte blanche de la journaliste Florence Hainaut dans Le Soir, est-on arrivé à clouer deux scientifiques expérimentées et compétentes au pilori du Conseil de l’Europe, pour harcèlement ? La question, polluée par l’intensité des échanges en réseaux sociaux, mérite un petit développement. Ceci n’est pas un article. Ceci est un dossier.

Car l’affaire, gravissime, révèle l’état pitoyable de la liberté d’opinion en Belgique. Si elle apparaît favorable dans les indices nationaux, elle est ici menacée par un maelström intersectionnel qui réunit des militants décoloniaux, des journalistes, le parti Ecolo et un ministère.

Le suicide du journalisme

Mais le pire, l’invraisemblable, l’hallucinant, c’est que les associations de journalistes, l’AJP (Association des Journalistes Professionnels) et surtout l’EFJ (Fédération Européenne des Journalistes), ont pris délibérément parti pour un camp, dans ce qui aurait dû rester un échange d’opinions. Petit un : la journaliste belge Florence Hainaut a publié une carte blanche. Petit deux : La docteure en anthropologie du CNRS, Florence Bergeaud-Blackler a répondu par une autre carte blanche. Dans un monde normal, au pire, en petit trois, la première aurait demandé un droit de réponse et re-argumenté. Point.

Mais on n’est plus dans un monde normal. L’histoire que je vais vous narrer mène à une toute autre finale : ici, le lobby du journalisme européen saisit le Conseil de l’Europe et accuse de harcèlement (excusez du peu) une jeune organisation antifondamentaliste qui se retrouve sur un mur d’infamie, entre  Orban, des mafieux russes et des fascistes ukrainiens, pour avoir émis une opinion qui ne lui convient pas à la corporation. Pilori. Délit d’opinion. Et les juges sont des journalistes !

En canardant une organisation courageuse (une de ses fondatrices fait l’objet de menaces de mort, dont j’ai pu prendre connaissance), la profession ne se contente pas d’abandonner toutes les femmes menacées par des fondamentalistes à leur sort sous prétexte de progressisme, elle se tire littéralement un missile thermonucléaire dans le pied, parce que si le journalisme lui-même se met à juger des opinions en symbiose avec un parti politique qui leur semble plus juste que les autres, je ne donne pas cher de leur propre liberté à terme.

Mais que s’est-il donc passé ? 

Samedi 18 juillet. Florence Hainaut annonce sur sa page Facebook : 

« Vous savez quoi ? J’ai écrit une carte blanche où j’estime qu’on devrait s’en balek que les femmes portent le foulard, où je tente d’analyser ledit tissu sous l’angle féministe et où en plus je termine en faisant un parallèle avec l’IVG (sic). Je pense passer un joli week-end riche d’échanges bienveillants et constructifs sur les réseaux sociaux ». Avec un lien vers une carte blanche publiée dans Le Soir.Elle récolte 490 « likes » et 306 commentaires, pour la plupart élogieux.

Dimanche 19 juillet. L’anthropologue française Florence Bergeaud-Blackler, co-fondatrice et directrice scientifique de l’Observatoire des Fondamentalismes, envoie au Soir une réponse sous forme de carte blanche solidement argumentée. Il faut dire que c’est une pointure : docteure en anthropologie chargée de recherche au CNRS, autrice de 62 ouvrages, articles et autres documents scientifiques et spécialisée dans l’islam depuis la bagatelle de 25 années. 

Le texte de Bergeaud-Blackler critique vigoureusement les positions de Hainaut, mais aussi sa légèreté d’analyse, et ce balek, qu’elle ne saurait voir. 

Déjà, la réaction se prépare. Sur la page Facebook de Florence Hainaut, l’islamologue Corine Torrekens écrit d’un mépris appuyé : « Ah tu as l’Observatoire aux fesses belle reconnaissance ». Réponse de la journaliste : « oh écoute je trouve que ça va. Je m’attendais à pire. Et le post de ‘l’observatoire’ est tellement méprisant qu’il en devient d’une grossièreté sans nom. Donc nul et non avenu. »

Une tentative de censure journalistique ?

Méprisant ? À peine. Musclé, à la française, certes. Mais trop pour Le Soir qui, quelques heures plus tard, la retire du site web pour « des éléments d’attaque personnelle qui n’apportaient rien au débat de fond et étaient contraire à la charte du Soir ». Apparemment, Le Soir a publié la carte blanche à sa réception, sans en parler d’abord avec son auteur, violant ainsi sa propre charte. C’est l’été, ça arrive. 

D’ailleurs, tout s’arrange promptement. Mme Bergeaud-Blackler consent à supprimer deux ou trois passages, reconnaissant elle-même que ces quelques piques — qui pimentent traditionnellement les débats d’idées en France, mais choquent dans notre pays discret habitué aux textes peu sipides —, n’apportent rien à la démonstration.

Bergeaud-Blackler renvoie une nouvelle version et suppose qu’elle sera publiée. Mais la rédaction lui demande à présent de nouveaux changement, et du lourd. Il s’agit cette fois de supprimer ou de remodeler plusieurs passages, et de faire disparaître les références à… Florence Hainaut ! Le Soir demande aussi le retrait de la citation balek extraite du statut Facebook de la journaliste. Bergeaud-Blackler est hallucinée : en gros, on ne peut réponde à une opinion de Florence Hainaut que sans la citer ! Pour elle, c’est du jamais vu.

L’anthropologue met alors les point sur les i, fait valoir que les réseaux sont en train de s’enflammer contre la censure journalistique, la carte blanche paraît finalement moyennant les deux ou trois modifications mineures prévues au départ.

Lundi 20 juillet. Florence Hainaut publie un second statut, victimaire et héroïque : « Comme prévu, je paye bien cher ma carte blanche sur le foulard […] Je savais que mon intervention, dans la cacophonie ambiante, allait faire couler des litres de mépris, de sexisme et de haine (sic). J’y suis allée parce que je m’en sais capable, j’ai les reins solides. » Et de classer ses opposants derechef : « Ces toutologues (sic) vocifèrent si fort leur haine, et souvent leur ignorance, en s’organisant si bien (sic), que les avis contradictoires ont tendance à rester dans leur tanière pour préserver leurs tympans, leur tranquillité voire leur sécurité (sic). C’est inquiétant. Mais, guess what ? J’irai encore ! » 

Voilà une réponse douce, respectueuse et modérée, selon nos standards journalistiques.

Le discrédit, arme de destruction massive des opposants

Le saviez-vous ? La conjonction de la victimisation et de l’héroïsme sont les mamelles de la manipulation de masse. Hainaut le fait-elle sciemment ou non ? En tout cas, ça fonctionnera admirablement : son statut recueille 924 likes et 290 commentaires, pratiquement tous encenseurs à son égard, et parfois très violents envers les critiques. Pour l’Observatoire des Fondamentalismes, c’est la curée. Qualifié « d’obscur », présenté comme un « brol » (mot belge péjoratif pour « machin ») par Hainaut elle-même, le travail de discrédit a sérieusement commencé. 

Un brol obscur ? Le amis Facebook de « Flo » avalent l’information tout cru. Pourtant, factuellement, l’Observatoire, c’est une flopée de personnalités qui n’ont rien « d’obscur ». Françoise LABORDE, journaliste de renom, Claude Wachtelaer, président de l’Association européenne de la Pensée Libre, Razika Adnani, philosophe et islamologue, auteure notamment de Islam, quel problème ? Le Défi de la Réforme ; Hassan Jarfi (père d’Ihsane Jarfi), docteur Honoris Causa de l’Université de Liège ; Linda Weil-Curiel, Secrétaire Générale de la Ligue du Droit International des Femmes ; Georges Dallemagne, député fédéral CDH connu pour sa rigueur ; l’écrivain et chroniqueur Kamel Bencheikh ; la romancière Hedia Bensahli ; Oncle Kinch, journaliste et producteur ; l’ex-présidente du Conseil des Femmes francophone, Viviane Teitelbaum ; Ian Hamel, journaliste et écrivain, auteur de La Vérité sur Tariq Ramadan ; Claude Moniquet, spécialiste du radicalisme.


Mais le travail de sape continue. Sur son mur, Florence Hainaut alimente, ne cesse d’applaudir les critiques et met son grain de sel ici et là. À aucun moment, elle ne fournit le moindre argument pour réfuter ceux de la docteure en anthropologie. Au contraire, elle raille sa compétence, et décide de se faire passer pour une experte elle-même : elle a rédigé son mémoire de master en études du genre (un an, 60 crédits) sur le voile !

En réalité, hormis cette carte blanche qui fait notamment référence à des travaux suspects eux-même de complaisance envers le fondamentalisme, Hainaut n’a rien publié : l’accès à ce mémoire a été interdit par l’autrice ! On n’en connaît que le résumé, où elle écrit, par exemple : « La Belgique est aujourd’hui l’un des pays qui a le plus de jurisprudence, d’interdictions institutionnelles et de pratiques interdisant les vêtements religieux pour les femmes musulmanes (sic). […] » Sa défense ne tient évidemment pas la route, ce qui va l’amener à chercher d’autres preuves d’expertise.

L’expertise d’une personnalité complaisante

Alors que sur Facebook, des « trolls » (selon la définition de Florence Hainaut) lui font remarquer qu’un mémoire ou même un diplôme ne fait pas d’elle une experte — et ne tient pas une microseconde face à un doctorat, 25 ans d’expérience utile, 64 publications, et le CNRS —, un compte pseudonyme, Kaou Mia Ou Ou, lui rappelle un autre point de vue très commode : pour écrire sur le voile, « la légitimité prioritaire revient aux femmes concernées » (voilées, donc), citant un autre compte pseudonyme, Haf Ha. Hainaut répond « Hou, c’est très bien que tu cites Haf Ha, je lui ai fait relire ma carte blanche avant de la publier ». Haf Ha qui a, la veille, appelé à ce que les médias l’interrogent prioritairement sur le voile, parce que c’est elle, la vraie experte. 

On pourrait aussi bien prendre le pape comme expert dans le débat sur le célibat des prêtres. Car Haf Ha est le profil de Hafida Hammouti. Et ce nom fait résonner les oreilles de l’Observatoire des Fondamentalismes. Il est connu. Il est apparu plusieurs fois dans le sillage des antennes reconnues ou soupçonnées d’être liées aux frères musulmans.

Petit rappel aux journalistes distraits : l’organisation des frères musulmans fonctionne largement comme une société secrète. Pratiquement personne, en Belgique, ne se reconnaîtra frère musulman. Pour les confondre, le journaliste est obligé d’établir un faisceau d’indices. Mais ses conclusions intéressent bel et bien le public et la subversion de ces mouvements islamopolitiques est vitale pour notre démocratie et plus encore pour les musulmans et apostats de Belgique.

Car — la composition de l’Observatoire le montre — ceux-ci ne sont pas si minoritaires à s’inquiéter, seuls, sans soutien des médias, et parfois sérieusement menacés par des islamistes, de l’ampleur que prend le prosélytisme fondamentaliste en Belgique et ailleurs. Or, ils sont soit niés par les intersectionnel-le-s, soit carrément présentés comme des « fascistes ». Rien que ce discrédit systématique qui touche toutes les personnes d’origine arabe ou turque critiques de l’islam devrait mettre la puce à l’oreille des journalistes. Ou le fait que dans ce marais néoféministe, on ne trouve pas une voix, même pas une toute petite, pour défendre Mennel, verbalement violentée par des musulmans (même pas des islamistes), agonie d’insultes sexistes, de menaces de viol ou pire, pour avoir tombé le voile !

Même pour les rarissimes journalistes couverts par une rédaction qui tentent de subvertir les fréristes et autres fondamentalistes, soulever le voile est souvent un travail risqué, et les pressions sont intenses. Pour avoir révélé des liens objectifs entre le frérisme et le président du CCIB Moustapha Chaïri (ex-candidat Ecolo d’un abord fort sympathique) ainsi qu’avec son vice-président Hajib el-Hajjaji (mandataire écolo verviétois), une journaliste du Vif a été sommée de s’expliquer au Conseil de Déontologie journalistique (voir mon article sur les liens entre le CCIB et Ecolo). Contre elle, plusieurs organisations, un ténor du barreau, un feu nourri de procédures, et une drache de journées de travail de rédaction de conclusions pour elle et sa rédaction.

Je le répète, au sens journalistique, la possibilité que Florence Hainaut ait fait relire son texte par une personne qui a effectivement eu des liens objectifs ou présumés avec une organisation frériste est une information qui intéresse le grand public. Et pose question. 

Comme l’aurait fait n’importe quelle organisation militante face à une telle adversité, et avec une telle information, l’Observatoire publie un résumé factuel : « Avec son mari Mohsin Mouedden, Hafida Hammouti est médiatisée par la Ligue des Musulmans de Belgique […] ‘qui affiche son appartenance à la mouvance des Frères musulmans’ », avec photo à l’appui, et citant l’ouvrage D’une foire musulmane à l’autre […], de Ghaliya Djelloul, Fadi Iskandar et Felice Dasseto. L’Observatoire ajoute un extrait de compte qui prouve le financement de l’organisme par deux « charités » du Golfe, d’obédience frères musulmans. L’aveu fait par Florence Hainaut mérite en fait plutôt un détour au Conseil de Déontologie journalistique.

Article 11 du Code de Déontologie journalistique (1) : Les journalistes préservent leur indépendance et refusent toute pression.

Le compte collectif de l’Observatoire, Laplume Kalam explique : « Il importe de savoir que Mme Hainaut a fait relire sa carte blanche avant publication par une femme qui est proche des Frères Musulmans. Pourquoi donc ? Et bien parce que sa carte blanche porte sur le hijab. Or justement les Frères Musulmans cherchent à l’imposer partout dans l’espace public. C’est un fait qui doit être connu du public parce que cela montre clairement les alliances entre néoféministes et islamistes. »

Article 1 du Code de Déontologie journalistique : Les journalistes recherchent et respectent la vérité en raison du droit du public à connaître celle-ci. 

L’Observatoire prend soin de rappeler que rien n’interdit le frérisme en Belgique, mais que les personnalités publiques (comme Florence Hainaut) qui travaillent avec des fondamentalistes feraient bien de le signaler, faute de quoi, l’Observatoire s’en occupera. Il est bien dans le rôle qu’il s’est assigné : combattre les fondamentalismes. Florence Hainaut a peut-être simplement manqué de prudence dans le choix de ses « expertes ». Et quand un-e journaliste est dans cette situation, il ou elle peut contester avec des faits, reconnaître une possible imprudence, ou argumenter. 

Il n’y a donc pas harcèlement, il y a invitation à s’expliquer. D’autant que dès son deuxième statut Facebook, le précédemment cité Mustapha Chaïri, président du CCIB, qui s’est tout de même fait prendre en photo faisant le signe des frères musulmans avec quatre fils (la plupart actifs dans la mouvance « anti-islamophobie » et provoile), a chaleureusement félicité Florence Hainaut sur son mur en écrivant : « mon idole ! » 

Heureusement qu’Allah n’est pas jaloux !

Victimisation, acte deux

22 juillet, 20h52. Dans un nouveau statut, Hainaut monte d’un cran et accuse « un ‘organisme’ (sic) qui se fait appeler (sic) Observatoire des fondamentalismes » de lui fournir « des baquets de trolls (sic) en continu » après l’avoir « accusée de travailler avec les Frères musulmans ». Récolte : 326 likes, 279 commentaires, 29 partages.

Art. 10 du Code de Déontologie journalistique : Les faits sont contraignants. Le commentaire, l’opinion, la critique, l’humeur et la satire sont libres, quelle qu’en soit la forme (texte, dessin, image, son).

Pour l’Observatoire, la curée s’intensifie. Mais des fameux « baquets de trolls », on ne trouve aucune trace sur la page de la journaliste. Il faut dire qu’elle affirme avoir masqué les « insultes ». Ça n’aide pas à valider son affirmation. Notons que même s’il y a des trolls — ce que rien ne permet de démontrer — et même s’il s’agit de « baquets » — ce que rien ne permet de démontrer non plus, absolument rien ne prouve que ceux-ci ont été « fournis » (entendez « envoyés ») par l’Observatoire ! Cette déclaration de Hainaut ne peut être utilisée sans vérification.

Article 3 du Code de déontologie journalistique : Les journalistes ne déforment aucune information.

Censure d’État : le ministère des Médias tente de museler l’Observatoire

Pendant ce temps, les soutiens à Hainaut affluent. Un parti en particulier est très représenté, et jusque très haut dans sa hiérarchie. Ecolo. Outre les députés Zoé Genot et Olivier Biérin, parmi bien d’autres, la ministre de la Culture et des Médias Bénédicte Linard affiche sa solidarité en proposant à Florence Hainaut, sur le ton de l’humour, de publier un recueil des commentaires de « trolls ». Son service Médias, en revanche, est plus direct : Sylvie Lejoly (cheffe de service, ex-AJP) et Maïté Warland (conseillère, journaliste) proposent « leur » aide. Le ministère a donc choisi un camp (vais-je devoir aller à Canossa pour obtenir encore des aides à l’écriture après cette présentation factuelle ? Voilà le genre d’inquiétude qui naît de ce manque de réserve ministérielle. C’est ça que les journalistes devraient écrire bon sang de bois !)

Maïté Warland explique même qu’elle a signalé à Facebook le profil Laplume Kalam, qui est le compte collectif de l’Observatoire destiné à protéger ses membres individuels, dont certain-e-s sont menacés de mort — des menaces que j’ai pu examiner. L’objectif de la conseillère médias de la ministre est de faire fermer le compte. La volonté de censure est établie.

Plus radicale encore, la députée Ecolo Margaux De Ré demande à Florence Hainaut de lui « donner les liens », précisant « on va leur faire une offensive ». Elle dit signaler à son tour le profil Facebook Laplume Kalam. Critiquée par plusieurs internautes qui lui font remarquer qu’elle a dépassé les bornes, elle tente ensuite de s’en justifier « Il s’agit de signaler les comptes anonymes qui ne sont pas autorisés par la plateforme Facebook et son règlement. Celui dont il est question en fait partie. Sur Facebook, un profil = une personne identifiable. C’est comme ça. C’est pas moi qui le dit. » 

Secouée par une communauté résosociale qui s’insurge (sans insultes ni sexisme) — suite à une copie d’écran de son « offensive » que j’ai publiée — contre cette étrange conception du rôle d’une députée, elle ferme son compte Twitter. Une semaine plus tard, Facebook n’a toujours pas fermé le compte Laplume Kalam. De Ré avait donc tort.

Entretemps, le député Olivier Biérin m’accuse à son tour sur Twitter de pousser des « jeunes femmes » à… quitter Twitter. 

Un quiproquo et beaucoup d’accusations fumeuses

Alors que tout devrait se calmer un peu, un quiproquo va relancer la machine. Sans base factuelle, Florence Hainaut réaccuse tout à coup l’Observatoire : « C’est de chez eux [que venaient] des accusations fausses (j’ai fait pression sur le Soir pour faire retirer mon nom du texte) »

L’énoncé n’est pas clair. Et la sortie est curieuse : Florence Bergeaud-Blacker n’a jamais accusé Hainaut. Je n’ai trouvé aucune trace d’une telle accusation sur Laplume Kalam, ni sur l’Observatoire — aurait-elle disparu ? Bergeaud-Blackler s’interroge sur cette affirmation sortie, pour elle, de nulle part, et pense visiblement comprendre que Hainaut pourrait avoir reconnu qu’elle avait fait pression. Sur Twitter, elle pose la question au Soir : avez-vous vraiment reçu des pressions de Florence Hainaut ?

Sûre de disposer d’une nouvelle arme contre ses « harceleuses », Hainaut republie le twit de Bergeaud-Blackler, qui ne contient pourtant qu’une question, en se lamentant « ils sont non-stop sur mon mur ces gens » et la Hainautsphère s’anime, vengeresse. Ce sont des « stalkers ! » 

Bien sûr, aucune loi, aucun principe n’interdit de visiter un compte public. De stalkers, il n’est pas question, et heureusement pour Hainaut, dont les abonnés (si pas elle-même) étaient visiblement non-stop sur les comptes Facebook et Twitter de Bergeaud-Blackler et le compte Facebook de Laplume Kalam, puisqu’elle publie rapidement plusieurs captures d’écran, à chaque « offense » qu’elle perçoit ou reçoit.

Il faut dire que le surréalisme est courant sur son mur Facebook. À propos de ce twit de Mme Bergeaud-Blackler, un commentateur digne de l’inspecteur Gadget s’exclame ainsi après une enquête approfondie : « et en mettant le Marcel [Sel] en tag… le truc qui montre que l’objectif est bien de créer une attaque contre toi… » Bon sang, mais c’est bien sûr ! Voilà un autre délit. Me mettre en copie. Sauf que voilé, je ne suis même pas tagué dans ce twit !

Un autre commentateur revient sur l’épisode de la « censure » du Soir et tempête : « ils disent eux-même avoir supprimé ton nom pour avoir plus de portée. C’est du harcèlement pur et simple en fait ». Celle-ci répond : « Bah oui » et aussi « Et mon nom apparaît plusieurs fois dans la version publiée. » Suite à quoi le commentateur interpèle Ricardo Guttierez, secrétaire général du lobby européen des journalistes : « je penses (sic) que tu devrais jeter un œil ici ».

À ce stade, nous avons atterri dans un univers juridique parallèle où le simple fait de citer le nom de l’autrice d’une carte blanche que l’on critique serait du « harcèlement ». Et où le fait de le retirer serait du harcèlement aussi. It’s complicated.

La réalité juridique est bien entendu inverse : accuser Mme Florence Bergeaud-Blackler et les membres de l’Observatoire de harcèlement sur cette base relève de la diffamation qui, elle, est bien punissable.

Parenthèse cocasse. Rions un peu avec les intersectionnelles

Mercredi 23 juillet. L’association féministe Garance ASBL s’alarme : « Une fois de plus, une femme ose exprimer son opinion en public et à (sic) les frais à payer en forme de harcèlement intense […] parce qu’évidemment, une femme ne peut pas avoir ses propres idées, voir (sic) bien connaître un sujet, tout ce qu’elle dit doit forcément venir de la bouche d’hommes ».

Où l’on découvre donc que Florence Bergeaud-Blackler et Fadila Maaroufi sont des hommes ! Là, on tient quand même un sacré scoop !

Trève de plaisanterie. Car entretemps, une dame demande poliment à la journaliste si elle sait si Hafida Hammouti soutient les Frères musulmans. Réponse sèche : « votre question est obscène au revoir ». Florence explique ensuite sa réaction : « la question est par nature baisée ». La factualité de l’argument a de quoi impressionner… un pingouin.

La corporation se fait juge et partie

L’affaire prend alors un tour syndical. L’AJP (Association des Journalistes professionnels) a dès le départ partagé le statut de Florence Hainaut, en soutien. Elle avait déjà défendu la journaliste dans une autre affaire de prétendu harcèlement qui a fait un énorme flop, que la presse a omis de documenter. Il faut dire que la seule journaliste qui a osé en parler, sur un ton certes satirique, Aurore Van Opstal, a reçu prestement une lettre d’avocats et a été assignée par Hainaut devant le CDJ. 

Arrive Ricardo Guttiérez, appelé — souvenez-vous — par un ami Facebook de Hainaut. C’est un « ponte » du journalisme en Belgique. Il siège au Conseil de Déontologie journalistique et dirige la Fédération Européenne des Journalistes. Via son pendant international, l’IFJ (Fédération Internationale des Journalistes, la « plateforme internationale pour un journalisme de qualité »), il a le pouvoir de saisir le Conseil de l’Europe pour dénoncer des atteintes à la liberté d’expression des journalistes, ou les menaces dont ils feraient l’objet. 

Illico, sans donner la moindre chance à Bergeaud-Blacker ou Maaroufi de s’expliquer, il part en croisade pro-Hainaut sur sa page Facebook et, plutôt que de rendre compte de qui compose l’Observatoire des Fondamentalismes (soit les honorables personnes citées tout en haut de cet article et de nombreuses personnes originaires de pays de religion musulmane), Guttiérez le résume à un seul de ses membres : Claude Moniquet, qu’il qualifie « d’ancien membre de la DGSE », comme pour l’incriminer.

Article 3 du code de déontologie journalistique : Les journalistes ne déforment aucune information et n’en éliminent aucune essentielle […]

Jeudi 24 juillet. À la demande de Ricardo Guttiérez, la « plateforme du Conseil de l’Europe pour promouvoir la protection du journalisme et la sécurité des journalistes »publie l’alerte suivante :

Belgique : la journaliste Florence Hainaut ciblée par une campagne de harcèlement (sic). 

Le texte (ma traduction de l’anglais): « La journaliste belge Florence Hainaut a été visée par une campagne de harcèlement en ligne (sic) suite à la publication, le 18 juillet 2020 d’une carte blanche sur le port du voile islamique sur le site web du journal ‘Le Soir’. Des dizaines de commentaires insultants et diffamants (sic) visant la journaliste ont été postés sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter. Le profil Facebook La Plume Kalam, la page collective d’une organisation qui s’est autoproclamée (sic) ‘L’Observatoire des Fondamentalismes à Bruxelles’ a posté des messages accusant la journaliste ‘d’avoir des liens avec l’Islam politique ou des mouvements fondamentalistes antidémocratiques’ et d’être tombée ‘dans les bras des Frères musulmans’. Florence Hainaut envisage une action juridique. Elle a consulté le collectif Fem&L.A.W pour avis et conseil en la matière. »

Notons que cette accusation visant l’Observatoire de s’être « autoproclamé », est un calque de la thèse de Florence Hainaut. Si l’on veut être factuel, une organisation ne « s’autoproclame » pas, elle se donne un nom.

Article 1 du Code de Déontologie journalistique : [Les journalistes rapportent les informations ] avec honnêteté. 

La veille, Florence Hainaut écrivait : « Mais allez, faut vraiment être super débile ou de mauvaise foi pour penser déjà que j’ai les moyens de faire pression sur un journal et qu’en plus je vais le crier sur tous les toits. » Elle a pourtant clairement les moyens de mobiliser le Conseil de l’Europe. Excusez du peu.

Et tout à coup, rendez-vous compte, cette journaliste surtout connue comme chroniqueuse gastronomique, se retrouve propulsée sur le podium des journalistes d’investigation menacés en Europe, entre un reporter russe battu par un inconnu, la journaliste ukrainienne Katerina Sergatskova qui a dû se réfugier dans la clandestinité pour échapper à un meurtre probable, le journaliste d’investigation slovaque Peter Sabo qui a trouvé une balle dans sa boîte aux lettres ou encore, une maison d’édition varsovienne pillée et vandalisée. Florence Hainaut est désormais une héroïne du journalisme. 

Le Washington Post devrait bientôt en parler. Après le Watergate, voici le « Balek-gate » !

Traîner l’Observatoire dans la boue sans défense possible

Dès l’annonce de la saisie du Conseil de l’Europe, un Belga est publié, et presque toute la presse répercute automatiquement l’accusation de harcèlement, sans même contacter les accusées. Les pro-Hainaut partagent et exultent. De nombreux écolos « likent » l’annonce. L’Observatoire n’a même pas la possibilité de se défendre.

Article 22 du Code de déontologie journalistique : Lorsque des journalistes diffusent des accusations graves susceptibles de porter atteinte à la réputation ou à l’honneur d’une personne, ils donnent à celle-ci l’occasion de faire valoir son point de vue avant diffusion de ces accusations.

Alors que l’Observatoire est agressé de toutes part, humilié, méprisé, par les médias, la corporation et le parti Ecolo, ne trouvant pas un-e journaliste qui accepte de publier sa version (et n’en trouvant pas plus au cours de la semaine qui suivra), un membre de l’Observatoire, Willy Wolsztajn, journaliste qui connaît très bien les milieux fondamentalistes bruxellois, décide de publier sur la page Facebook de l’Observatoire un rappel de quelques « exploits » de Ricardo Guttiérez.

« Le 18 septembre 2018, Ricardo Guttiérez […] participe […] au lancement du ‘Counter islamophobie-kit’ en compagnie des militants islamistes et de leurs soutiens Michaël Privot, Julie Pascoët, Hajib El Hajjaji et Fatima Zibouh. […] 

Le 14 décembre 2014, [Il] participe au ‘Forum belge contre l’islamophobie’. Il y partage la parole avec les militants Hajib el Hajjaji, Michaël Privot et Farida Tahar. Ainsi qu’avec Houria Bouteldja, porte-parole du groupe racialiste identitaire Parti des Indignes de la République et auteure du pamphlet au titre évocateur « Les Blancs, les Juifs et nous » et avec les intellectuelles Nadia Fadil et Corinne Torrekens coutumières de ce genre de caucus.

Cette séance se tenait sous l’égide, entre autres, des organisations islamistes CCIB, Empowering Belgian Muslims, European Muslim Network (président Tariq Ramadan) […] ainsi que FEMYSO (une fédération européenne de jeunes et d’étudiants liées aux Frères musulmans […] 

Le 30 avril 2008, dans Le Soir, [il] carbonise le rapport du chercheur américain Steve Merley sur les Frères musulmans en Belgique, qui identifie Michaël Privot et Hajib El Hajjaji comme leaders de la confrérie dans notre pays. Il y étrille ses confrères du Vif qui, contrairement a lui, ont pris ce rapport au sérieux. »

En réponse, Guttiérez publie à son tour ce papier sur sa page, assorti de son CV sensé démontrer que l’accusation est fallacieuse (il a publié des milliers d’articles sur l’islam dans Le Soir, donc voilà, il ne peut être accusé de rien), mais sans la moindre explication sur sa présence auprès de personnalités clairement prosélytes, ou extrémistes.

L’islamologue Corinne Torrekens, souvent invitée dans nos médias par le passé, et elle-même mise en cause par Wolsztajn, alimente alors la réflexion de Guttiérez sur un mode victimaire et avec énormément de petits points égarés : 

« C’est leur stratégie de diffamation : si tu es musulman.e et que tu milites contre l’islamophobie […] tu es un islamiste. Si tu es blanc/che tu es un.e islamogauchiste allié.e plus ou moins naïf de l’islamisation de l’Europe. Autant de rhétoriques et de stratégies discursives de l’extrême droite. Car il n’y a évidemment jamais d’empirisme ce qui je le rappelle est le baba de la recherche scientifique. Oui, on sait à qui on a affaire et les médias qui leur offrent une tribune devraient y réfléchir à deux fois. » 

Si vous lisez bien cette démonstration hautement scientifique de Corinne Torrekens, elle préférerait donc que les tribunes opposées au voile ne paraissent pas dans la presse. On note. 

Elle vient aussi, avec une arrogance sublime, renvoyé une docteure en anthropologie du CNRS à son cours l’empirisme. Mais surtout, elle vient de classer l’Observatoire à l’extrême droite. Le sort commun de pratiquement toutes les musulmanes qui, ayant largué le voile ou l’islam, osent le critiquer.

Réponse de Ricardo Guttiérez : « très juste Corinne ».

D’ailleurs, le même Ricardo Guttiérez qui reproche à l’Observatoire ses « amalgames » au point de le clouer au pilori du Conseil de l’Europe, utilise sans vergogne une photo de Zineb El-Rhazoui avec Papacito pour écrire « Les liens de Mme Rhazoui avec des personnalités de l’extrême droite sont connus et documentés. »

Donc, classer à l’extrême droite une rescapée d’un attentat islamiste sauvage qui vit sous protection policière avec la plus sérieuse menace de mort sur la tête depuis cinq ans, en oubliant même de considérer son statut de victime par excellence, menacée de mort, harcelée, pourchassée, insultée, humiliée, ça ne pose aucun problème. Mais relever que Florence Hainaut aurait confié la relecture d’un papier très agréable pour les islamistes à l’une d’elle, ça, ce serait du « harcèlement ». Deux poids, deux mesures. Et megafail.

Et ce n’est pas encore fini.

Le « boss » du journalisme européen veut annihiler l’Observatoire pour délit d’opinion

Pendant que Guttiérez ridiculise le Conseil de l’Europe (ma conclusion personnelle de ce qui précède), des amis de Florence Hainaut commencent à travailler d’autres membres de l’Observatoire au corps. L’objectif : leur faire quitter l’organisation. Ce sont en particulier les députés Georges Dallemagne (CDH) et Viviane Teitelbaum (MR). Ils sont interpelés à leur tour, par Guttiérez lui-même, qui s’est visiblement donné la mission de ratatiner la jeune organisation : « Je ne suis pas sûr [qu’ils] soient bien conscients des méthodes (sic) (attaques ad hominem, amalgames) de l’Observatoire ». Les mêmes « méthodes » que les siennes envers El Rhazoui, mais passons.

Épuisée par sa convalescence du Covid-19, Viviane Teitelbaum finit par jeter le gant, suite à quoi Ricardo écrit sobrement : « La députée MR Viviane Teitelbaum a demandé à être retirée de la liste des ‘soutiens’ de l’Observatoire. Son nom n’y apparaît plus. »

Une « victoire » qui ne sera que temporaire : dans un billet aussi courageux que pondéré, Teitelbaum réitère fermement sur Facebook son soutien à l’Observatoire, en critiquant néanmoins le ton rude de la carte blanche de Bergeaud-Blacker. 

En revanche, l’intimidation échoue lamentablement avec le député Georges Dallemagne, qui soutient expressément Fadila Maaroufi, « une femme admirable » et sort l’artillerie lourde : « Florence Hainaut bénéficierait-elle d’une immunité empêchant toute réplique alors qu’elle publie une carte blanche (comme n’importe quel citoyen) dans un média qui n’est pas le sien, sous prétexte qu’elle est journaliste ? » C’est une opinion conforme à la Charte européenne des Droits de l’Homme, qui protège aussi les « chiens de garde de la démocratie », dont Laplume Kalam fait indubitablement partie.

Plus lourd : sur Guttiérez lui-même, Dallemagne sort un scud :

« En 2013, alors qu’il était journaliste au Soir, il m’avait sérieusement étrillé dans un article où j’étais accusé d’avoir dérapé gravement pour avoir déclaré sur RTL-TVI que des mosquées salafistes bruxelloises étaient à l’origine de recrutements de jeunes partis au combat dans les rangs de Daech en Syrie. Nos services de sécurité ont depuis amplement confirmé le lugubre rôle de certaines mosquées. Leurs prédicateurs ont été expulsés. Lorsque j’avais téléphoné à Ricardo Gutierrez (sic) pour lui demander pourquoi il ne s’était même pas donné la peine de me demander mon point de vue [ce qui est une faute déontologique NDLA], il m’avait rétorqué que j’avais dépassé la ligne rouge… curieuse vision du journalisme ».

On rappellera ces faits apparemment déjà enfouis sous une chape de plomb : dans les années qui ont suivi cette attaque de Dallemagne par Guttiérez, des centaines de Belges de naissance ont rejoint Daesh, et une dizaine d’entre eux, passés par le fondamentalisme si innocent, ont massacré des civils de tout âge en France et en Belgique. Parmi les victimes, il y avait aussi — pour rappel — des musulman-e-s.

Conclusion : censure institutionnelle et musellement de la liberté d’opinion

La saisie du Conseil de l’Europe est un acte grave. Ce dernier devra interpeler le gouvernement belge. Dès lors que le procès est achevé avant même que les accusé-e-s aient eu le droit de se défendre, et que ce droit fondamental leur est toujours refusé à l’heure où j’écris, comment le gouvernement pourra-t-il répondre ? Dans la presse, Ricardo Guttiérez déclare : « la plainte sera transmise au gouvernement belge, dont nous nous réjouissons de lire la réponse. » Un triomphalisme indécent dans un tel débat. Une ambiance de tribunal révolutionnaire. 

De plus, il me semble évident que l’EFJ a abusé de son pouvoir de saisie pour régler les comptes personnels du secrétaire général, clairement acquis à la même idéologie que Florence Hainaut alors que lui-même est aussi mis en cause pour des relations et des complaisances envers le fondamentalisme dont, en journaliste chevronné, il aurait dû répondre sérieusement. 

Mais était-il même légitime de défendre Florence Hainaut à ce point, alors que sur son mur Facebook, elle animait une petite chasse aux sorcières, à sa manière habituelle : des complaintes « je n’en peux plus » ; des jugements « faut que ça s’arrête, c’est indigne » ; des plaisanteries, et du mépris « ce brol qui se fait appeler observatoire ». À aucun moment, elle n’y a agit en journaliste, curieuse des faits, ni ne s’est interrogée sur ses propres certitudes. Le journalisme n’est pas une fonction. C’est une attitude.

Les réactions de ses affidés furent elles aussi violentes et militantes : « C’est quand le bûcher ? Hâte de venir instagrammer avec mes copines » ; « Ces types [sic] prétendent lutter contre Al Qaida (sic) mais ne font qu’exposer leur racisme »  ; « Elle a un peu trop fumé en l’écrivant » (visant Bergeaud-Blackler) ; « Obsessionnels et monomaniaques » ; « Méthodes balkaniques » ; « fachos », « profil de facho »,« écervelés de masse »« bêtise assumée » et bien sûr : « si tu as besoin de quelqu’un qui collecte des captures en vue d’une action en justice, n’hésite pas ». Je relève aussi un commentaire sacrément confusionniste : « les Frères musulmans is the new ‘juiverie mondiale’ ».

Sur Twitter, le député écolo Olivier Biérin est carrément tombé dans la diffamation : « soutenu par des personnalités comme Françoise Laborde et Zineb el Razahoui, ouvertement islamophobes voire proches de l’extrême droite comme Zineb »

Le journalisme ne protège pas de la critique, faute de quoi il se nie lui-même

Dans ce contexte, un journaliste indépendant aurait au contraire dû faire la part des choses entre deux camps, de façon indépendante. D’une part, Florence Hainaut qui se déclare harcelée, une affirmation à corroborer. D’autre part, Florence Bergeaud-Blackler qui — tout comme l’Observatoire — est ici une lanceuse d’alerte. Une scientifique reconnue. Une femme volontaire qui se bat contre une hydre : l’islamisme rampant. Tout comme Fadila Maaroufi, elle est une chienne de garde de la démocratie au sens de la Charte des Droits Humains du Conseil de l’Europe. 

On peut ne pas apprécier son ton. Mais c’est un tout autre débat. 

L’histoire est grave. Car le journaliste qui nie l’influence des salafistes et des fréristes en Belgique et refuse par principe d’examiner toutes les pièces, toutes les accusations, même quand elles le choquent, trahit les principes fondamentaux de son métier. 

Le journaliste qui décide de clouer le bec à des lanceurs d’alerte en usant d’un pouvoir qui lui a été confié par ses pairs, est un traître à la liberté d’expression. 

Guttiérez n’a d’ailleurs pas saisi le Conseil de l’Europe quand d’autres journalistes ont été réellement harcelés par ce qui ne peut plus qu’apparaître que comme son propre camp idéologique. On pense à Marc Metdepenningen et Dominique Demoulin, accusés récemment de racisme pour une plaisanterie qui n’en contenait pas un gramme, et traînés dans la boue par une autre mandataire écolo, Sarah El-Ghorfi (qui a également pris part au balek-gate), ainsi que par deux personnes liées à la RTBF et par un professeur de sociologie de l’UMons, qui ont partagé et incité à signer une pétition infâmante adressée aux employeurs des deux journalistes plus que respectables et plus qu’expérimentés.

Je lance l’alerte. Qui me suivra ?

Plutôt que de se ranger derrière un cercle corporatiste qu’elle ne critique jamais, la presse devrait  à présent sérieusement s’alarmer de la consanguinité devenue évidente entre le parti Ecolo, les intersectionnels ou néo-féministes, et les associations de journalistes professionnels, qui ont uni leurs forces et usé de leur influence dans le seul but de faire taire des opposants à ce qui constitue leur gravissime péché : être devenus des idéologues partisans. Le tout, au bénéfice de fondamentalistes islamistes. Quant à l’intervention d’un ministère dans cette affaire, elle transforme la tentative de censure institutionnelle en tentative de censure d’État. Elle est d’extrême mauvaise augure. Dans certains pays regardants, elle vaudrait à la ministre des appels à la démission immédiate.

Je ne peux que conclure qu’une chape de plomb menace la liberté d’expression en Belgique, et ce n’est pas Florence Hainaut, la victime. C’est nous tous. Le jugement express, le tribunal populaire, constitué sur les réseaux, lance désormais ses anathèmes comme le faisaient jadis les inquisiteurs et les puritains. Certes, tout le monde y participe — moi aussi, certainement — mais quand les pouvoirs réels s’en mêlent, on entre dans une autre dimension, qu’on appelle dictature.

Vu le nombre de plaintes déjà déposées par les personnes que j’ai citées, je poste ce papier le ventre noué, avec la crainte de nouvelles attaques sous la ceinture me concernant (ainsi que mes proches qui ont déjà payé très cher ma liberté de ton), et des procédures diverses dont ce réseau prétendument progressiste est devenu un habitué.

Cette semaine, pour avoir défendu le droit de l’Observatoire à s’exprimer, j’ai déjà été qualifié de proto-facho et accusé de harcèlement par un député. Autrement dit, par un pouvoir, et j’ai eu beau interpeller Ricardo Guttiérez, je n’ai pas eu l’ombre d’une réponse. 

Je m’appelle Marcel Sel. Moi aussi, je suis journaliste. Et je ne suis pas inquiet. Je suis terrifié.

Cet article a été initialement publié sur le site de Marcel Sel, cliquez ICI

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