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Islam de France : le bal des hypocrites et des irresponsables
©ERIC PIERMONT / AFP

Contradictions

Mohamed Sifaoui revient sur le paradoxe et les contradictions entre les discours publics de Ghaleb Bencheikh (le président de la fondation de l’islam de France), Haïm Korsia (le Grand rabbin de France) et Hakim El Karoui (le président de l’AMIF) et certains de leurs choix et de leurs positions.

Afin que personne ne puisse dire demain « je ne savais », je veux informer l’opinion du jeu malsain auquel s’adonnent Ghaleb Bencheikh (Président de la fondation de l’islam de France), Haïm Korsia (le Grand rabbin de France) et Hakim El Karoui (Président de l’AMIF). 

Que la chose soit dite : on ne peut pas d’un côté tenir un discours public qui prétend fustiger l’islam politique et d’un autre s’allier avec les principaux sponsors de l’islam politique.

Récit :

Au lendemain de sa cooptation, en décembre 2018, à la tête de la Fondation de l’islam de France (FIF), par Jean-Pierre Chevènement, le très médiatique Ghaleb Bencheikh, référencé pourtant comme pourfendeur de l’islamisme, s’est empressé de se rendre en Arabie Saoudite. Son objectif avoué, essayer de faire financer l’institution, dont il a désormais la charge, par les États du Golfe et notamment par la monarchie wahhabite. 

Cela tombait bien : Ryad sous l’impulsion du jeune prince Mohamed Ben Selmane - que d’aucuns en Occident appellent affectueusement MBS - veut se reconstruire une virginité. L’image du royaume est en effet considérablement écornée. Et pour cause : condamnations à mort d’opposants, y compris un mineur chiite est exécuté, lapidations de femmes, emprisonnements arbitraires, nombreux cas de tortures et, en cette fin 2018 l’élimination, dans des conditions particulièrement sordides, du journaliste Jamal Khashoggi commandité et réalisé par l’entourage du prince héritier Ben Selmane. Les bonnes âmes françaises aiment rappeler que Khashoggi était proche des frères musulmans. Ce qui est vrai. Mais un démocrate digne de ce nom ne se réjouit jamais d’un assassinat, fut-il celui d’un intellectuel engagé en faveur des islamistes.

En ce début d’année 2019, la monarchie est donc obligée de déployer ses tentacules et allonger les billets de banque pour lancer une vaste campagne de communication à même de lisser son image en Occident. Le prince héritier veut faire croire à ses alliés que, sous son impulsion, l’Arabie Saoudite serait en train d’évoluer. À court d’arguments, ses nouveaux apologistes vous expliqueront que les femmes sont désormais autorisées… à conduire en Arabie Saoudite. Mais ils oublieront évidemment de préciser que ce « changement révolutionnaire » n’est possible que si les tuteurs des dites femmes accordent l’autorisation à leur épouse, fille, sœur, etc. Mais ne faisons pas de chichi. Quand la puissance de l’argent vous dicte de dire qu’un prince est un grand prince, il faut rappeler que c’est un grand prince. Dans cet « orient compliqué », on sait que l’occident est à la fois cupide et corruptible de différentes manières.    

Tout ceci pour dire que Ghaleb Bencheikh arrive donc à point nommé. Les Saoudiens écoutent ses doléances, lui font comprendre qu’ils sont prêts à le financer, mais ils lui mettent leurs conditions et lui demandent d’organiser à Paris, pour septembre 2019, une pathétique « conférence pour la paix et la solidarité ». On imagine tous évidemment des Saoudiens qui viennent d’infliger une condamnation à mille coups de fouet au blogueur Raïf Badawi, ceux-là mêmes qui bombardent des civils, y compris des femmes et des enfants, au Yémen et qui ont fait disparaître dans de l’acide le corps de Jamal Khashoggi, sont à la fois aptes et légitimes pour s’inviter à Paris et nous livrer une leçon en matière de pacifisme. L’indécence n’a finalement pas de limites. 

Toutes ces contradictions ne semblaient pas gêner le très prolixe Ghaleb Bencheikh qui a su visiblement avaler les scrupules qu’il ne énonce, à chaque occasion, non sans pédantisme, lors de ses discours face au microcosme parisien, souvent peu au fait des réalités du monde musulman. Ceux-là qui lui pardonnaient ses complaisances à l’égard des Frères musulmans français qu’il n’a eu de cesse de légitimer en allant discourir devant eux lors des congrès du Bourget, excuseront volontiers ses nouvelles amitiés intéressées avec la monarchie saoudienne.

Après son retour à Paris, Ghaleb Bencheikh s’est employé à essayer de convaincre les pouvoirs publics. L’enjeu pour lui consistait à faire modifier, dès l’été 2019, les statuts de la fondation de l’islam de France afin qu’elle puisse bénéficier désormais de financement étranger. Le gouvernement serait même prêt à changer de paradigme et à renoncer à la disposition qui interdit les financements étrangers pour aller vers un simple contrôle de ces financements. Ce qui serait à mon sens une grossière erreur, mais c’est déjà un autre sujet. 

En septembre 2019, très fier de sa compromission avec le régime saoudien, Ghaleb Bencheikh se transforme donc en VRP de la monarchie des Saoud et, avec l’argent de la Ligue islamique mondiale, il organisera un colloque qui sera abrité par le palais Brogniart. Il invitera les représentants des cultes, juifs, catholiques et musulmans, mais s’empêchera de convier ceux des musulmans. Ni le CFCM ni la Grande mosquée de Paris n’étaient représentés. Seuls des seconds couteaux et quelques pique-assiettes sont venus écouter les uns et les autres pérorer un discours convenu et creux, fait de salamalecs et d’hypocrisie. Ainsi, les musulmans de France seront en vérité représentés par… les Saoudiens. Bencheïkh avait failli manipuler le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur puisqu’il avait osé, toute honte bue, mentionner leur participation dans le programme initial qui a été rendu public, annonçant qu’ils allaient prendre la parole : le chef de l’État lors de l’ouverture du colloque, le Premier ministre lors de sa clôture et le patron de Bauveau dans l’une des tables rondes. Elle aurait été belle la France de Ghaleb Bencheïkh ! Tous les représentants de l’exécutif d’une nation démocratique répondant chez eux à l’invitation d’une institution wahhabite liée à un État criminel pour faire la promotion dudit État. 

Finalement Bencheïkh avait vu trop grand et aucun des responsables politiques, avertis à temps de la manipulation qui se mettait en place, ne s’adonnera à cette mascarade. Fin du premier acte… 

Celui qui s’était considérablement investi aux côtés de Ghaleb Bencheikh pour dérouler le tapis rouge aux wahhabites saoudiens fut le « Grand rabbin de France », Haïm Korsia. Ce religieux, dont on ne sait plus s’il s’agit d’un acteur politique, d’un communicant ou d’un entremetteur est nourri visiblement par un autre agenda. Lui qui n’en rate pas une pour faire une leçon de républicanisme - y compris à ceux qui n’ont guère besoin – fut, à l’évidence, totalement séduit par Mohammed Ben Selmane qu’il a eu l’occasion de croiser plus d’une fois, semble-t-il. Lui aussi l’appelle affectueusement MBS. 

Haïm Korsia, dans sa rhétorique officielle, explique autour de lui qu’il a été séduit par son petit prince, qu’il a ensuite rencontré Mohammed Al Issa, le Secrétaire général de la Ligue islamique mondiale ((LIM), parce que les Saoudiens ont décidé de normaliser  leurs relations avec Israël (enfin c’est ce qu’ils prétendent !), parce qu’ils ont proposé de se rendre à Auschwitz, et que partant, Haïm Korsia a décidé de considérer unilatéralement que les représentants du wahhabisme international étaient des personnes respectables, dignes de confiance, crédibles et j’en passe. 

Vous l’aurez compris : le grand rabbin de France est en train de vivre une lune de miel avec les wahhabites saoudiens et ils souhaiteraient qu’on puisse tous partager son bonheur et, pourquoi pas, vivre aussi la même lune de miel. Plus sérieusement : Qu’Israël décide de se rapprocher d’un État comme l’Arabie Saoudite, que bien lui fasse. Que le grand rabbin de France se refuse de voir l’antisémitisme que continue de véhiculer le régime saoudien, c’est plus ennuyeux. On ne peut pas condamner l’antisémitisme du salafiste Français vivant en Seine Saint-Denis et s’accommoder des sponsors de cette haine du juif qui le nourrit à partir de Ryad ou de Médine. Qu’en plus, le grand rabbin de France veuille imposer les Saoudiens comme acteur de l’islam de France, c’est carrément inacceptable. Et c’est cette mascarade qui doit cesser et immédiatement !

Naturellement, c’est un secret de polichinelle que de rappeler que le même Haïm Korsia a l’oreille du président Macron et qu’il aime bien parfois jouer à l’influenceur, d’autant qu’il lui arrive de se prendre pour un islamologue. Le personnage connait une douzaine de mots en arabe, mange le couscous et pense donc que du haut de sa « grandeur » rabbinique il serait en mesure de faire la leçon à tous les imams. 

D’autorité donc, le grand rabbin de France a décidé que le régime saoudien n’était plus antisémite, qu’il n’était plus criminel, qu’il n’était plus extrémiste et qu’il est même devenu respectable et donc fréquentable au point d’essayer de l’imposer comme interlocuteur privilégié des musulmans de France. Car oui l’enjeu est là, Ghaleb Bencheïkh et Haïm Korsia, chacun pour défendre un agenda personnel et animé par de courtes vues, ont décidé de livrer les musulmans de France – et leurs représentants légitimes – aux Saoudiens et à leur ligue islamique mondiale. 

Grâce au Coronavirus, nous avons échappé à une nouvelle ignominie. Le Secrétaire général de la LIM avait fait affréter un avion pour emmener les représentants des musulmans de France à Auschwitz. Le lieu de mémoire a été déjà instrumentalisé par Mohammed Al-Issa. Il avait embarqué, fin janvier 2020, quelques dignitaires musulmans pour aller faire la photo. Ce premier voyage organisé avec l’AJC, l’American Jewish Committee avait permis aux Saoudiens de dérouler le plan de comm’ avec la complicité d’organisations juives. Quoi de mieux ? Rarement – ou probablement jamais – des organisations faisant la promotion de l’antisémitisme n’avaient réussi à instrumentaliser le symbole de ce lieu de mémoire qu’est Auschwitz pour faire de la communication. Mais disons que les wahhabites ont probablement des arguments à faire valoir que d’autres antisémites n’ont pas. 
C’est dire que la seconde opération devait être rééditée, cette fois, avec quelques représentants de l’islam de France. Je crois savoir que le président du CFCM avait initialement délégué un sous-fifre pour le représenter. Fin du deuxième acte…

Bencheïkh et Korsia ne sont pas les seuls à faire les yeux doux aux wahhabites saoudiens. Un troisième larron est intervenu récemment dans le débat autour de l’islam de France. Lui est plus fin en apparence, mais il est évident qu’un certain cynisme l’amène à essayer de faire la cour à ceux qu’il a pourtant critiqués dans un passé récent les rendant, à juste titre, responsables, avec les Frères musulmans, de la perversion du message islamique. Je veux parler de Hakim El Karoui. Drôle de personnage quand même qui vous fustige les Frères musulmans, mais qui vous crée une association avec des rebuts des Frères musulmans et autres identitaires maghrébins communautaristes. Et drôle de personnage celui qui vous critique le wahhabisme et les wahhabites, mais qui va lorgner du côté de l’argent des wahhabites. 

Depuis plusieurs mois, maintenant qu’El Karoui a créé son association, il veut peser également dans le débat. Mais pour peser, le personnage qui est à la réalité de l’islam de France et à la maîtrise de la situation des quartiers populaires gangrénés par l’islamisme ce qu’est un boucher pour le véganisme, pour peser donc, il a choisi, non pas les questions idéologiques, mais, disons les plus lucratives. Hakim El Karoui veut récupérer une partie de la « finance islamique » et pour atteindre cet objectif, il fait des pieds et des mains pour convaincre le Bureau central des cultes du ministère de l’Intérieur et ainsi le Président de la République de lui donner une partie de la certification halal. De plus, il demande à Emmanuel Macron d’interférer en sa faveur auprès des Saoudiens pour que ceux-ci lui accordent le droit d’agir comme intermédiaire dans l’organisation du Pèlerinage à la Mecque, activité très lucrative qui représente un marché global de 23 millions d’euros au total. À la limite nous pourrions dire pourquoi pas ! Mais la question est simple : pourquoi Hakim El Karoui qui ne représente rien ni personne au sein de la communauté musulmane, sinon trois pelés et un tendu, pourquoi donc, un acteur non représentatif, parachuté récemment dans un sujet si complexe devrait-il bénéficier du copinage présidentiel et devenir ainsi le représentant d’une association à tendance frériste bien financé indirectement grâce à l’argent que récupèrent les Saoudiens aux musulmans français ? 

Pourquoi faut-il observer ce qui précède avec sévérité et pourquoi faut-il être conscient des enjeux ? Parce qu’il y a trois acteurs toxiques, sponsors de l’islam politique : la Turquie, le Qatar et l’Arabie Saoudite. Il faut donc les empêcher de poursuivre leur ingérence dans l’islam de France. Les trois. Sans hiérarchiser leur dangerosité, car les trois sont porteurs et diffuseurs de projets antidémocratiques, antilaïques, antirépublicains, misogynes, homophobes, antisémites, en somme archaïques et haineux. 

Les erreurs du passé ont permis aux Saoudiens de financer les Frères musulmans et d’autres acteurs qui ont tous travaillé la communauté musulmane de France dans le but de déstructurer ses membres, de les faire douter dans leur double identité ou dans leur identité multiple. Ce sont leurs idéologies islamistes, tantôt différentes, toujours complémentaires, qui ont amené des Français à détester les valeurs de la République, à haïr les Français et in fine à prendre les armes contre leur propre pays. Certains par indigence intellectuelle l’ignorent. D’autres par cynisme le savent, mais pour défendre des petits intérêts font l’impasse sur cette réalité. 

S’il y a une alerte à lancer, ce serait celle-ci : appeler les citoyens à empêcher les apprentis sorciers de réintroduire le loup saoudien dans la bergerie française.  

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