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Inverser la courbe du chômage, c'est possible mais avec des solutions moins orthodoxes que celles auxquelles la France est habituée
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Défi

Alors que François Hollande n'en démord pas de sa promesse d'inverser la courbe du chômage, la situation de l'emploi ne semble pas s'améliorer de manière significative. Dans son dernier livre, l'économiste Bertrand Martinot propose une série de solutions bien souvent "politiquement incorrectes" pour y remédier.

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot est économiste et expert du marché du travail à l'institut Montaigne, ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle. Co-auteur notamment, avec Franck Morel, de "Un autre droit du travail est possible" (Fayard, mai 2016). 

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Atlantico : Dans votre dernier ouvrage, Chômage, inverser la courbe, vous proposez une analyse globale et désenchantée du phénomène, notamment en faisant état des nombreux blocages et contresens que l'on retrouve dans la politique de lutte pour le plein emploi en France. Quels sont aujourd'hui ceux qui vous apparaissent les plus handicapants à l'échelle nationale ?

Bertrand Martinot : Le chômage de masse en France a évidemment de nombreuses causes. Les deux plus massives sont à mon sens le coût du travail, en particulier au niveau du SMIC, et le niveau de taxation du travail à tous les niveaux de salaires.

S’agissant du SMIC, il est en France une véritable norme salariale (il concerne plus de 10 % des salariés en moyenne et 20 à 30 % dans certains secteurs) et non pas, comme dans les autres pays, un "filet de sécurité" protégeant les salariés contre des négociations salariales qui seraient déséquilibrées.

S’agissant de la taxation du travail (cotisations patronales, salariales, CSG, IR…), elle est excessive en France en niveau comme en évolution. La France est pratiquement le seul pays de l’OCDE qui a vu sa taxation du travail progresser depuis le début des années 2000.

Ne vous limitant pas au constat, vous proposez tout un panel de solutions pour s'attaquer frontalement au problème du sous-emploi. Vous plaidez tout d'abord pour une mesure "politiquement incorrecte" à savoir la modération progressive du SMIC pour augmenter la compétitivité des entreprises. Pourquoi un tel choix ?

Pour les jeunes salariés non qualifiés, le SMIC est une véritable barrière à l’entrée du marché du travail. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il existe depuis toujours l’équivalent d’un SMIC jeune pour les apprentis !

Autre chiffre : le coût du travail pour un jeune de 20 ans au SMIC est de 10,9 € par heure, contre 6,15 € au Royaume-Uni. Autre remarque : tous les pays européens qui ont un salaire minimum (pourtant moins élevé que la France) prévoient un niveau spécifique pour les jeunes sauf la France et l’Espagne.

Vous affirmez par ailleurs qu'il est "urgent de sortir d'une logique comptable de l'assurance chômage" et appelez à un constat mitigé sur la générosité du système actuel, ce dernier n'étant pas dénué d'intérêts sur le plan économique. Comment atteindre ce "juste milieu" ?

La logique comptable de l’assurance chômage, c’est "quand l’Unédic va bien financièrement, on augmente les droits et quand l’Unédic va mal, on réduit les droits". Il faut en sortir par le haut ! Certes, l’assurance chômage en France est plutôt généreuse en comparaison européenne, mais cette générosité doit être mise en regard de la situation très dégradée du marché du travail. D’où mon approche nuancée de la question. 

Il vaudrait mieux regarder sérieusement les taux de remplacement (i.e. rapport allocation / salaire antérieur) en prenant en compte toutes les prestations de solidarité ainsi que les taxes et impôts car il y a encore des situations à la fois aberrantes et injuste où l’incitation à reprendre un emploi est nulle. Les partenaires sociaux devraient en discuter avec l’Etat.

Vous notez que la plupart des dirigeant ont adoptés depuis De Gaulle la mauvaise habitude de déléguer aux syndicats les projets de réforme du fonctionnement du marché du travail, ce qui n'a permis d'accoucher que de réformes "a minima" sur les dernières décennies. Faut-il remettre en cause ce modèle de la "régulation sociale tripartite" ? 

La négociation sociale devrait avoir plus de place dans les branches et les entreprises, en contrepartie d’une désinflation normative de la part de l’Etat. Mais pour cela, il faut plusieurs conditions :

  • des partenaires sociaux plus légitimes : financement transparent du paritarisme, des branches plus puissantes en nombre beaucoup plus réduit, organisations patronales qui devraient faire la preuve de leur légitimité.

  • des incitations à négocier, via par exemple un traitement social et fiscal privilégié qui pourrait être réservé à des accords de flexibilité négociés par rapport à l’absence d’accord.

  • un Etat qui cadre les négociations au niveau interprofessionnel (assurance chômage, formation professionnelle, droit du contrat de travail, etc.).

L’Etat ne peut pas se contenter de dire : "sujet libre" ! Et il doit reprendre la main quand le résultat de la négociation est insuffisant.

Plus largement, existent-ils des modèles étrangers que nous aurions intérêt à importer en France dans ce domaine ?

Je suis sceptique sur l’importation tels quels de "modèles" étrangers. Mais je pense que nous devrions au moins regarder du côté de l’Allemagne et des pays scandinaves pour la capacité de certaines branches à chasser en meute et à accompagner les restructurations.

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