Inflation : voilà les courbes qui prouvent que l’économie européenne n’est pas en surchauffe contrairement à ce que redoute la BCE<!-- --> | Atlantico.fr
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Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, lors d'un sommet européen.
Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, lors d'un sommet européen.
©JOHN THYS / AFP

Réalités économiques

La Banque centrale européenne a annoncé pour juillet sa première hausse des taux depuis plus de dix ans. La BCE va procéder à « une série » de relèvement des taux aux cours des prochains mois pour tenter de limiter la hausse des prix, selon sa présidente Christine Lagarde. Malgré la crainte de l’inflation, des données permettent de reconsidérer la situation économique.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Alors que la Banque centrale européenne annonce relever ses taux, quels sont les éléments statistiques qui indiquent qu’il n’y a pas de surchauffe de l’économie ?

Don Diego de la Vega : Je suis market monétariste, je regarde les dynamiques de croissance du PIB nominal, mais sur ces graphiques ce n’est pas forcément évident de le voir. Il faut regarder les trends, observer les ruptures de trends. Une fois qu’on a calculé le trend il faut voir où on en est, mais aujourd’hui les calculs de l’inflation ne sont pas évidents, surtout que l’inflation est essentiellement importée – ce n’est donc pas vraiment de l’inflation mais un mouvement de prix relatif et une dérive de coûts.

Comme on peut néanmoins le voir sur ce graphique, il y a une sorte de "nominal output gap" (osons créer le concept) qui est quasi nul aux Etats-Unis ( ce qui implique une politique monétaire neutre) et qui reste très négatif en zone euro (c'est d'ailleurs sans doute pire en Italie, et cela implique dans tous les cas une politique monétaire accomodante) L'avantage de ces courbes est qu'elles regardent au niveau macro sans se soucier de considérations sectorielles. Mais il n’y a même pas besoin de ces graphiques là pour voir que nous ne sommes pas en surchauffe. Je le vois dans la rue, les salaires ne vont pas augmenter de 8 %, mais surtout je le vois sur les marchés. Si on regarde la pente de la courbe des taux, les spreads de crédits, les actions, on voit bien ce qu’il se passe. Si on regarde la pente de la courbe des taux, on voit qu’il y a de moins en moins de pentes, c’est le signe que les banques centrales sont en train de resserrer trop fort et trop vite. Si on observe les spreads de crédits, notamment aux Etats-Unis, on se rend compte que là aussi on est à la limite du gouffre. Si on atteint les 500 points de base, il ne faudra pas s’étonner si on entre en récession. Enfin, si on scrute la bourse, on constate une dynamique baissière depuis six mois. Tous ces signaux-là, plus quelques autres font qu’on ne peut pas parler de surchauffe. Avec une surchauffe on va au-dessus du potentiel et on y reste. A mon sens, nous sommes en surfroid. Nous sommes dans une situation certes masquée par les prix du baril, les ruptures d’approvisionnements post-Covid, etc. mais qui est celle d’une japonisation à moyen-long terme. Les indicateurs du marché ont l’avantage d’être beaucoup plus en temps réel que ceux des ménages ou des Etats. Si l’on croise la croissance du PIB nominal et son écart au trend par rapport aux données de marchés, on a un tableau assez clair. Et les perspectives ne sont pas réjouissantes, surtout en zone euro.

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Que penser, dans ce contexte, de l’annonce de la BCE d’augmenter ses taux en juillet ?

Je pense qu’elle fait le minimum syndical pour les Allemands, mais ça n’en est pas moins très fautif. Notre monnaie, nous l’appelons l’euro, mais c’est un deutschemark. Ce sont les Allemands qui ont écrit la partie monétaire du traité de Maastricht. Ils ont présenté ce projet en étant persuadés qu’il serait refusé, mais les autres ont dit oui, alors même que les conditions étaient largement pro-allemandes. Derrière la BCE, il y a la Bundesbank. Chaque fois qu’on nous dit que cette dernière fait des concessions, comme sous Draghi, elles sont faites pour sauver les pièces essentielles et notamment l’indépendance de la banque centrale. Aujourd’hui, avec un CPI à 8 %, la Bundesbank commence à présenter la facture. Et tout le travail de Christine Lagarde, c’est d’essayer de limiter la casse. C’est un effort méritoire. Elle va néanmoins devoir lâcher quelques concessions : l’arrêt du Quantitative easing (ce n’est pas la première fois qu’ils essaient), couper la liquidité (ils essaient depuis quinze ans mais il y a chaque fois de nouveaux TLTRO) et enfin augmenter les taux. On nous dit que la BCE est raisonnable car elle n’augmente que de 25 points de base, mais puisque c’est de l’inflation importée, cela ne veut rien dire. Augmenter les taux ne va pas agir sur les hydrocarbures qui sont responsables du semblant d’inflation. En revanche, cela va effectivement tuer l’économie européenne pour 2023. Le combat sur ce sujet, n’est plus économique, il est idéologique et diplomatique, il se fait dans des couloirs feutrés à Francfort. Monter les taux aujourd’hui n’a pas de sens. Il aurait fallu le faire soit il y a un an, soit dans un an. Ce que veulent les Allemands, par orgueil, c’est éviter de passer sous la parité avec le dollar. C’est un effet de seuil. L’économiste en chef de la BCE, Philippe Lane, est largement combattu à l’intérieur de l’institution, ce qui débouche sur des compromis qui ne satisfont personne.

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A partir du moment où on se sert du CPI comme indicateur, qu’on raisonne sur 12 mois glissants, il ne peut y avoir aucune bonne décision. La BCE n’est pas armée pour prendre des bonnes décisions. Elle a de mauvaises cibles et de mauvaises mesures. A cela s’ajoute que tout le clan bancaire réclame des hausses de taux depuis 10 ans.

Faut-il saluer le fait que la hausse annoncée ne soit que de 25 points de base ?

Christine Lagarde résiste et tant mieux, mais je préfèrerai que cela se passe par une solution monétaire. Pour la BCE, il faut raisonner macro tout en essayant de protéger les maillons les plus faibles, notamment l’Italie, et vu où elle est actuellement en termes de spread, il ne faut pas pousser trop fort. C’est à mon sens, le message que cherche à faire passer, en creux, Christine Lagarde. Elle est obligée de faire passer des hausses de taux, mais en sous-main elle incite à une grande prudence car il suffirait de peu pour arriver à une grosse récession. C’est aussi ce que disent les économistes qui répètent qu’ils ne faut pas se calquer sur l’exemple américain.

Aux Etats-Unis, il y avait un vague débat sur la surchauffe, mais pas en Europe. Il ne faut pas suivre l’exemple américain qui sont déjà en train de s’interroger sur le bien fondé de leur resserrement monétaire. La BCE devrait continuer à ne rien faire. Concernant les hausses de taux futures, ils semblent prévoir une seconde hausse en septembre. La BCE est toujours très prudente, elle maintient une ambiguïté productive et choisit ses mots très prudemment. 

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