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Cette incertitude juridique que fait peser sur les entreprises le doublement du délai de prescription pour les crimes et les délits
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Menace

Jeudi dernier, l'adoption définitive d'un amendement au Parlement a permis de revoir et de corriger en profondeur le délai de prescription des infractions pénales en matière financière. Une réforme qui pourrait se révéler plus protectrice des délinquants.

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier est Avocat, fondateur & coordinateur pédagogique du diplôme Start-up Santé (bac+5) à l'Université Paris Cité. Il est également Président de l'UNPI 95, une association de propriétaires qui intervient dans le Val d'Oise. Il est titulaire du Master 2 droit fiscal, du Master 2 droit financier et du D.E.S. immobilier d’entreprise de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

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Le délai de prescription des infractions pénales en matière financière a été profondément revu et corrigé par voie d’un amendement définitivement adopté au Parlement jeudi dernier. Présenté comme un "petit amendement", il s’agit en réalité d’une véritable révolution juridique ! Va-t-on mettre fin à une ère d’imprescribilité de certaines infractions pénales ?

Les infractions concernées sont potentiellement très nombreuses. Certaines vont naturellement impacter les entreprises. Il est ainsi possible de citer quelques délits prévus par le Code pénal :

-                 L’escroquerie ;

-                 L’abus de confiance ;

-                 Le recel ;

-                 Les atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données ;

-                 Le blanchiment ;

-                 La corruption active et le trafic d'influence ;

-                 L’usurpation de titre ;

-                 Le faux (et usage de faux) ;

-                 La fausse monnaie.

Il existe également des comportements non prévus par le Code pénal qui sont réprimés par le Tribunal Correctionnel. On peut également citer quelques exemples tirés du Code de la propriété intellectuelle, du Code de commerce, du Code de la consommation, du Code monétaire et financier :

-                 La contrefaçon ;

-                 La banqueroute ;

-                 La répartition de dividendes fictifs ;

-                 Publication de comptes annuels ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine ;

-                 Le fait d’empêcher un actionnaire de participer à une assemblée d'actionnaires  ;

-                 Le fait d'émettre des actions ou des coupures d'actions sans que le capital antérieurement souscrit de la société ait été intégralement libéré ou sans que les nouvelles actions d'apport aient été intégralement libérées ;

-                 Procéder à une réduction du capital social sans respecter l'égalité des actionnaires ;

-                 Attribuer frauduleusement à un apport en nature une évaluation supérieure à sa valeur réelle ;

-                 Publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur ;

-                 Délit d’initié ;

-                 Délit de manipulation des cours sur un marché financier ;

-                 Délit de fraude fiscale.

Pour faire court, le champ d’application de la réforme en matière de délais de prescription est très large. La prescription des délits passe de trois à six ans pour les délits et dix à vingt ans pour les crimes.

Désormais, la prescription aura pour point de départ la commission des faits au lieu de la date à laquelle l'infraction commise a été découverte. Une date butoir de douze ans pour les délits et de trente ans pour les crimes a toutefois été introduite. Le point de départ se situera désormais au moment de la commission des faits et non à leur découverte. Néanmoins, le délai pour engager des poursuites ne pourra excéder douze ans.

Les parlementaires ont pu constater qu’en matière d’abus de confiance, la chambre criminelle de la Cour de cassation n'appliquait plus tout à fait les dispositions du code de procédure pénale relatives au point de départ du délai de prescription…  Aussi, ils se sont demandés si la notion de prescription avait encore un sens. Pour les parlementaires, la justice ne respectait plus les termes de la loi. Aussi, ils ont voulu remettre un peu d’ordre dans un système qui leur semblait chaotique. Pour autant, cela suffira-t-il pour que la Chambre criminelle de la Cour de cassation applique correctement les délais des prescriptions… ? Il y a lieu d’en douter.

Autre implication : la réforme de la prescription va-t-elle servir à M. François Fillon et sa famille dans l’affaire judiciaire menée par le parquet national financier ? La réponse est négative car la loi pénale nouvelle n’est pas rétroactive : elle ne peut s’appliquer qu’aux crimes et délits commis après sa promulgation. En l’espèce, cette nouvelle loi ne s’appliquera donc pas à l’affaire Fillon.

En tout état de cause, cette réforme pourrait se révéler plus protectrice des délinquants. En effet, le parquet n’a manifestement pas les moyens de découvrir, dans un délai de 6 ans, l’ensemble des délits commis tant par un particulier que par une entreprise. Autrefois, en faisant courir le délai de 3 ans à compter de la découverte des faits, la prescription pouvait se révéler bien plus longue. Les délinquants avaient moins de chance de passer au travers des mailles du filet. Toutefois, c’est aussi un moyen d’améliorer la paix sociale : certains délits ne seront plus imprescriptibles dans le temps ! 

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