Impact de la crise : les classes moyennes relativement épargnées et pourtant terriblement angoissées<!-- --> | Atlantico.fr
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La consommation joue un rôle fondamental dans l’intégration sociale et plus particulièrement dans la participation sociale à un groupe, amical ou familial.
La consommation joue un rôle fondamental dans l’intégration sociale et plus particulièrement dans la participation sociale à un groupe, amical ou familial.
©Reuters

Connait pas crise

Selon la dernière étude de l'Insee sur le revenu et le patrimoine des ménages, les personnes les plus modestes ont été davantage touchées par la dégradation du marché du travail : malgré les mesures exceptionnelles de soutien à leur intention. A contrario, les classes moyennes ont été moins touchées par la crise.

Anthony  Mahé

Anthony Mahé

Anthony Mahé est sociologue à l'ObSoCo (Observatoire Société et Consommation). Il est spécialisé dans les domaines de l'imaginaire de la consommation et de la sociologie du quotidien. Il a réalisé une thèse de doctorat sur le recours à l’endettement bancaire à l'Université Paris-Descartes.

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L’étude INSEE sur les revenus et le patrimoine des ménages montre que les classes moyennes ne sont pas forcément les plus touchées par la crise alors même que l’opinion publique tend à montrer que celles-ci sont au contraire les plus impactées par la fiscalité avec un niveau de vie qui se dégrade perpétuellement. Alors y-a-t-il un paradoxe ?

En fait, il faut surtout comprendre le contexte psychosociologique de la crise actuelle. La problématique du pouvoir d’achat, au-delà des mesures statistiques dont cet indice fait l’objet, masque surtout un désir de consommation mêlé à une angoisse de ne plus avoir accès à la consommation. C’est une hypothèse que je propose d’explorer.

En effet, la consommation joue un rôle fondamental dans l’intégration sociale et plus particulièrement dans la participation sociale à un groupe, amical mais également familial

Prenons l’exemple d’un des fleurons de la consommation : l’équipement de la maison. Le rapport à la maison n’est pas réductible à sa valeur de propriété privée définie par le droit, ni à sa valeur financière déterminée par les lois du marché. Il y a une valeur sociétale dans l’aménagement, la décoration et par extension dans tout ce qui fait la visibilité de soi (vêtements, high tech, etc.)

Gérard Mermet dans sa Francoscopie notait qu’en 2008, le budget alloué à l’habitat intérieur, particulièrement en termes de travaux visant à plus de confort (chauffage, éclairage, etc.), a quasiment doublé par rapport aux années soixante, c’est dire l’importance du phénomène.

La maison devient un « temple sacré » qui permet non seulement de construire et de se projeter dans un espace intime plein d’images personnelles (souvenirs, émotions, etc.)  mais permet également de partager avec les autres son intimité tissant ainsi du lien social. Ce rôle social de cohésion sous-jacent dans notre rapport aux objets est essentiel.

La question du pouvoir d’achat revient avec persistance dans l’opinion publique justement parce qu’il y a un besoin viscéral de consommer plus. Notre consommation nous lie au monde. Comme dans un parcours initiatique, il nous faut renouveler ces expériences de lien social au fil du renouvellement de sa décoration intérieure ou d’un téléviseur. En n’accédant plus à la consommation il y a un vrai risque de rupture sociale. Consommer au-delà de la satisfaction d’un simple besoin individuel est une norme pour vivre ensemble.

La crise dans tout cela vient plutôt accentuer le désir de consommation.

Nous vivons aujourd’hui, comme le montre bien l’étude de l’INSEE, une précarisation de l’emploi, du salariat, toute chose qui met en doute la projection de soi dans l’avenir. Même si cela touche dans les faits davantage les personnes les plus modestes, l’imaginaire angoissant qui entoure la crise se répercute auprès de  toutes les classes sociales et peut-être davantage chez les classes moyennes.

Cette angoisse du futur se traduit, de manière perverse, par un surinvestissement du présent et un repli dans la sphère domestique, dans ce qui est familier, rassurant et que l’on cherche à embellir.

C’est donc plus l’angoisse de ne plus accéder à ce monde intégrateur qui contribue à générer un sentiment pessimiste sur le niveau de vie des classes moyennes. Au-delà des constats de l’INSEE, la réalité sociologique montre que des leviers de croissance de l’économie portée par les classes moyennes sont bien tangibles et qu’ils ne tarderont sans doute pas à relancer pleinement la machine si tant est que le marché du travail se redresse aussi, atténuant ainsi les craintes sur l’avenir. Comme le souligne avec provocation le sociologue Michel Maffesoli, la crise est en grande partie dans « nos têtes. »

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