Il paraît que personne ne veut plus travailler ? Non, il n’y a pas de grande démission<!-- --> | Atlantico.fr
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Des franciliens lors d'une pause déjeuner sur les marches du Parvis de La Défense en région parisienne.
Des franciliens lors d'une pause déjeuner sur les marches du Parvis de La Défense en région parisienne.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Les entrepreneurs parlent aux Français

Les entreprises françaises souhaitent recruter mais ne trouvent pas de candidat. La crise sanitaire a dégoûté la population d’un certain nombre de secteurs professionnels.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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La grande démission. « The great resignation ». Il parait que personne ne veut plus travailler et que nous ne travaillerons plus jamais comme avant. Le Covid aurait opéré une transformation anthropologique accélérée chez l’homo sapiens, et que même le sapiens-pompier deviendrait fainéant, pire même, qu’il ferait sa profession d’allumer lui-même les feux qu’il tentera d’éteindre le lendemain. 

Tentons de faire le tri de ces « copier-coller » informatifs, qui par leur répétition aveugle, tente de nous donner la sensation que ces commentaires faciles par des répétiteurs sans âme, serait une vérité absolue.

 Réponse n°1 : Oui, il existe une forme de démission. 

Mais elle n’est pas nouvelle, elle est accélérée. Les plus pauvres de nos sociétés occidentales pensaient encore récemment que le travail préservait des seuils de pauvreté. Ils ont réalisé, à travers l’aveugle hyper-développement des grandes métropoles au détriment des territoires plus petits, que l’on pouvait travailler et fleurter ou sombrer sous ces seuils. Pourquoi travailler pour survivre alors qu’on peut survivre sans travailler, notamment en France ? 

Le Covid y a ajouté sa touche funeste, car il leur a donné la sensation (fausse, merci les gouvernements occidentaux) que l’entreprise pouvait être un lieu dangereux pour leur santé, dont ils estiment qu’elle n’a pas de prix, et qu’il était dès lors urgent de ne pas fréquenter « cette expression infâme du monde capitaliste ». Aux USA, le Gouvernement précédent et l’actuel, a inondé d’aides diverses les particuliers et entreprises, les mettant à l’abri pour un long moment du besoin de travailler. Ils ne se pressent pas de revenir, surtout qu’ici c’est le plein emploi, et qu’il y a simplement un manque de bras, et non une démission de la totalité de la population.

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En France, les aides et minimas sociaux donnent à un large nombre de personnes, un soutien qui leur permet de survivre sans travailler, sans incitation à faire autrement, alors ils restent chez eux. C’est d’ailleurs très avantageux pour une partie de la population qui cumule « plusieurs familles » et autant d’allocations. Mais à défaut de collection des données sur ces différentes aides, il est quasi impossible en France d’en calculer le montant et le nombre de personnes concernées.

Au final, les entreprises françaises souhaitent recruter (mais cela ne va pas durer, la récession arrive), mais ne trouvent personne, non pas du fait d’une démission soudaine et généralisée, mais d’une accélération d’un mouvement en cours depuis un long moment. Les « grands penseurs » de gauche viennent, devant les micros, arguer du fait qu’il ne faut pas diminuer les minimas sociaux, car cela n’inciterait pas plus au travail ! Ce n’est pas nécessaire disent-ils, car (argument choc selon eux) « croyez-vous vraiment qu’une personne au RSA n’ait pas envie de s’en sortir ? que cette personne ne prendrait pas un job s’il lui était proposé ? ». Pourtant la réalité prouve que oui, un très grand nombre préfère ne pas travailler. Et prendrait ce job si on lui enlevait ou raccourcissait ces aides. Mais à l’heure de la NUPES et d’une élection mal gagnée, ce n’est pas « tendance » de travailler le sujet. L’inflation ajoutée à la récession pourrait changer la donne et avoir le courage que les politiques n’ont pas. La réalité est toujours plus forte. 

Réponse n°2. Non il n’y pas de démission générale, mais un transfert vers de nouvelles professions.

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Le Covid, géré par la peur dans nombre de pays, a dégoûté la population d’un certain nombre de secteurs professionnels. Les métiers au contact du public. Les funestes convoyeurs de la peur hystérique, en France, Italie, Australie et autre Canada, ont sonné le glas de la peur panique, persuadant y compris les plus jeunes - que la maladie épargnait pourtant totalement-, que se mettre en contact avec l’autre représentait le « baiser de la mort ». Il était donc urgent de bouder ces professions. C’est ainsi que le tourisme au sens large a perdu au bas mot, 120 000 personnes, que nous ne retrouverons JAMAIS en France ! Idem pour une partie du corps médical, des professeurs, tous ceux qu’on a accusé de convoyer la maladie ou que l’on a persuadé qu’ils allaient en mourir, ou que la crise a « rincé » par sa gestion chaotique et hystérique. Ils ont changé de cap, vogué vers d’autres métiers, et ils manquent à l’appel des recruteurs, de façon massive. 

On observe une migration vers de nouvelles professions, indépendantes ou non, ce qui manifeste, non une grande démission, mais un transfert vers des formations leur donnant un métier éventuellement plus « safe », pas forcément mieux payé, mais plus sécurisant. Surtout pour l’avenir. La prochaine fois, ils ne mettront pas leur vie en danger, pensent-ils ! (danger qui était statistiquement nul pour les moins de 35 ans pourtant). Aucune chance de les retrouver avant des années, le temps que le traumatisme se soit évaporé, chauffé à blanc par d’autres crises, comme celle de l’Ukraine.

Raison n°3 : Le pouvoir aux salariés, versus le pouvoir aux syndicats. 

La France, parmi les nations les plus riches, a réussi, à force de démissions successives, a produit le droit du travail le plus détaillé et le plus imbécile au monde. Afin de protéger le salarié, il l’a condamné à n’avoir aucun pouvoir, en direct, sur l’entreprise ou sur les partenaires sociaux, qui en forment les rangs. Quel que soit le sens provisoire de l’histoire, plus favorable au salarié aujourd’hui, ou à l’entreprise le lendemain, le salarié français protégé à l’extrême par un arsenal de Lois punitives, fruit de l’ignorance crasse du politique en matière d’économie et pire, de détestation de ces entreprise, fini toujours par être protégé par des minimas, qui ne fonctionnent jamais vers le haut, mais toujours vers le toujours plus bas. A force de garantir le minimum, on interdit le maximum. 

Aux USA, c’est le contraire. Quand le marché est favorable au salarié, le salarié peut gagner beaucoup plus. En ce moment, un coiffeur débutant qui gagnait moins de 20$ de l’heure, peut en gagner plus de 35. A Austin, Texas, un salarié de restaurant-par exemple- âgé de moins de 20 ans, gagne désormais non plus 12$ comme il y a 2 ans, mais plus de 22$. L’horloge bascule rarement vers le salarié, mais il semble, qu’à ce moment de l’histoire, le salarié puisse ici, aux USA, être en position de force vis-à-vis de l’entreprise, qui doit faire le choix de mieux payer ses salariés. Dans le même temps, la folie de la hausse des prix d’achat de l’immobilier, laissés sans contrôle, pendant 2 ans, aboutit à des démissions importantes, car ils ne veulent plus occuper des jobs, même mieux payés, s’ils mettent leur vie en danger (la nouvelle superstition !). Le prix du pétrole, ajouté à cela, constitua la goutte de pétrole qui faisait déborder la raffinerie, et là aussi s’est réalisé une migration, mais géographique cette fois. Les salariés cherchant des jobs dans la région qui en offre le plus et vers laquelle ils ont été repoussé faute de pouvoir rester au cœur de l’action, du fait de loyers indécemment non contrôlés. Ils n’ont pas démissionné, ils exercent ailleurs.

Au passage, pour l’anecdote, si vous souhaitez que votre enfant s’assume en partie pour l’année scolaire à venir, envoyez-le à Miami, où il pourra 2 ou 3 mois travailler dans un bon restaurant, et toucher entre 8 et 12 000$ mensuel, là où son confrère Français, continuera contre vents et marées à en gagner 1500. Nos magnifiques conventions collectives nous privent de tout bénéfice individuel. Le Kolkhoze ! 

En conclusion, il n’y pas de grande démission, ou très à la marge, il y a simplement des mouvements « migratoires » puissant vers d’autres industries, d’autres métiers, d’autres lieux. Nous avons dépensé aveuglément, ôté toute valeur au travail, voire interdire le travail, et on espère que le travail reste la préoccupation ou le rêve de chacun de nos concitoyens. Cela n’arrivera pas. Ils veulent travailler au régime, « comme j’aime », sans réaliser que leur travail à distance pourra être fait, demain, par un travailleur de l’autre bout de la planète, à moindre prix. Mais c’est une autre histoire, que nous garderons pour un prochain article. Il n’y pas de grande démission, mais de petits calculs. Pas de grande résignation, mais un manque de recul et d’analyse de trop de commentateurs, amateurs de belles phrases et effrayés par trop de réflexion.

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