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Il paraît qu'il ne faut pas faire du mal aux femmes ! Et voilà pourquoi maintenant c'est Carmen qui tue Don José…
©Capture d'écran

Le triomphe de la bêtise

L'opéra de Bizet était, apprenons-nous, une monstruosité misogyne. Donc il fallait tout changer.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Pauvre Carmen… Pauvres femmes… Des dizaines de millions d'entre elles, de toutes époques, de tous pays ont souffert en voyant que la belle Bohémienne mourrait. Comment une telle infamie pouvait-elle être possible ? Comment osait-on montrer, décrire et chanter la mort d'une femme?

Georges Bizet - crions le haut et fort-, était un homme au cœur sec. Un mâle blanc dominant. Un prédateur masculin. Un misogyne de première.Sans aucune retenue, sans aucune compassion pour le beau sexe…  Honte à Bizet ! Qu'il soit supprimé du répertoire de l'opéra Garnier!

Carmen aurait dû vivre heureuse dans les bras de son beau toréador et faire avec lui de nombreux enfants.  Au lieu de cela Georges Bizet –encore une fois honte à lui !- la faisait mourir sous les coups de Don José, son soupirant jaloux et éconduit.

Une telle offense demandait vengeance au ciel. Elle ne pouvait rester impunie. Et c'est ainsi que Georges Bizet a été placé dans un camp de rééducation. Et que son opéra a été nettoyé de ses impuretés et de ses atteintes à l'intégrité des femmes. C'est l'Opéra de Florence qui s'est chargé de ce travail de salubrité publique.

La nouvelle version de Carmen qui y a été présentée ne se passe plus en Espagne au 19e siècle. Pas de corridas, pas d'arènes, pas de fabrique de cigares, pas de toréador, pas de nantis. Frivolités et pacotilles bourgeoises que tout cela ! Plus de Bohémienne non plus car Carmen est une Rom!  Elle vit, opprimée et méprisée, dans un campement de Roms tous humiliés et maltraités par d'incessants et brutaux contrôles policiers.

 Entrez messieurs dames, vous allez voir un spectacle des temps modernes… Vous allez compatir au sort tragique de Carmen et des siens… Et vous allez, car vous êtes bons, conspuer et siffler les méchants policiers… Le Big Brother d'Orwell disait que c'est le présent qui commande au passé. Il a de fidèles émules à l'Opéra de Florence.

Les LittleBrothers de l'Opéra de Florence ont veillé à ce que leur projet atteigne la perfection. Ainsi ils ont estimé qu'à une époque marquée par la lutte contre les violences faites aux femmes et par le #BalanceTonPorc il n'était ni judicieux ni acceptable de montrer un homme tuant une femme. Qui sait ça aurait pu donner des idées à certains…

Et donc Carmen s'est rebiffée. Elle aurait pu se contenter d'un #BalanceTonDonJosé. Et bien non ! Animée par une passion vengeresse et légitime c'est elle qui, au final, tue Don José. Bizet, misogyne, affreux machiste n'y avait pas pensé. Maintenant tout est rentré dans l'ordre. Et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible tel que nous le dessinent les techniciens de la fabrique universelle des crétins.

Tout va pour le mieux? Non. Reste encore une horreur bien pire que celle de Bizet : l'Othello de Shakespeare. Il faut de toute urgence en modifier la fin.  Car comme chez Bizet on y tue une femme : fou de jalousie Othello étrangle Desdémone. Un tel scandale ne peut durer : il faut que ça soit Desdémone qui étrangle Othello! Mais hélas, trois fois hélas, tristesse et désolation ce n'est pas possible : Othello est noir.  

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