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Il n’y a pas que le sucre... Ces aliments acides qui favorisent la multiplication des caries
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Fraise garantie

Contrairement aux idées reçues, il n'y a pas que les aliments sucrés qui peuvent creuser des trous dans vos précieuses dents.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Publiée dans Nature, et plus précisément le British Dental Journal, une étude pointe du doigt la consommation de produits non-sucrés comme les sachets de thé aux fruits, mais aussi les cornichons ou les chips au vinaigre comme très nocifs pour l'hygiène dentaire. Pourquoi ces produits sont-ils dangereux pour nos dents ?

Stéphane Gayet : Les "petits os de la bouche" – expression en réalité impropre - constituent un organe vital et même tout à fait primordial. Les personnes sages en ont en principe 32. L'esthétique du sourire, mais aussi la forme du visage, l'haleine et bien sûr la faculté de découper et de mastiquer la nourriture, sont conditionnées par l'état de notre denture. Les progrès de l'orthodontie permettent aujourd'hui à beaucoup de personnes - jeunes ou moins jeunes - d'obtenir une dentition régulière et fonctionnelle. Les dents ont un fort impact sur le psychisme : « Je perds mes dents, je meurs au détail » a écrit François Marie Arouet, dit Voltaire. De fait, chez certaines personnes, des extractions dentaires multiples entraînent un état dépressif réactionnel. On le voit, notre capital dentaire est d'une grande importance.

Alors, comment prendre soin de notre denture et la conserver en bon état esthétique et fonctionnel ? Nos dents sont assurément faites pour servir, mais il importe de les respecter. La coque d'une noisette, un caillou oublié parmi des lentilles, un coup de poing, un accident domestique, de transport ou de sport, sont des circonstances susceptibles de provoquer la fracture d'une ou de plusieurs dents, et cela d’autant plus facilement qu’elles sont éventuellement déjà fragilisées.

La dent n’est pas constituée d’os, mais de dentine ou ivoire. C’est un tissu blanc et très dur, que la pulpe dentaire qu’il abrite nourrit et innerve. La partie visible de la dent ou couronne est recouverte d’émail, structure blanchâtre, brillante, insensible et particulièrement résistante, qui la protège ; sa partie cachée ou racine est recouverte par le cément et solidement implantée dans l’os alvéolaire de la mâchoire ; entre la couronne et la racine, se trouve le collet de la dent, zone vulnérable.

L’une des maladies les plus fréquentes de la dent est la carie, mot qui signifie « pourriture ». C’est une dégradation localisée et lente de la dent – très souvent au niveau de l’émail, donc de la couronne dentaire – qui se manifeste par un petit ramollissement bien limité, puis par la formation d’un petit trou qui a tendance à s’étendre et progresser en profondeur si rien ne s’y oppose.

Pourquoi et comment se constitue une carie dentaire ? Le processus cariogène – l’attaque de la dent, en général l’émail – est à la fois multifactoriel et complexe. Multifactoriel, car il dépend des bactéries présentes dans la bouche, de la salive, de la nature des aliments introduits et mastiqués, ainsi que de l’entretien des dents et des gencives. Complexe, car il fait intervenir : la plaque dentaire – couche visqueuse qui se forme en permanence et recouvre dents et collets ; la transformation de la nourriture par les bactéries buccales ; le pH initial (potentiel d’hydrogène, c’est-à-dire l’acidité ou au contraire l’alcalinité ou « basicité ») des aliments et des boissons ; la qualité et la quantité de la salive ainsi que son pH.

Le processus cariogène est un processus à la fois infectieux et chimique. On l’explique actuellement de la façon suivante. Les bactéries « normales » ou physiologiques (non pathogènes) de la cavité buccale adhèrent aux couronnes dentaires et aux gencives. Elles se nourrissent des résidus alimentaires et des restes de boissons. La salive a un rôle multiple : en particulier, elle contient le lysozyme qui est antibactérien et elle a un « pouvoir tampon » qui permet de lutter contre l’acidité préjudiciable aux dents. Les bactéries buccales élaborent un « biofilm » qui est une structure adhérente aux couronnes et aux collets dentaires : c’est la « plaque dentaire » ; si elle n’est pas décollée et éliminée régulièrement, elle s’épaissit et durcit, protégeant les bactéries contre les effets de la salive. Si en plus l’alimentation solide ou liquide apporte des sucres simples en quantité, ces bactéries les transforment en acides. Or, c’est bel et bien l’acidité qui est la cause principale de l’initiation du processus cariogène : le pH de la bouche (mesuré dans la salive) devrait idéalement se situer à la neutralité, c’est-à-dire vers 7 ; on sait que l’émail dentaire peut résister à un pH acide jusqu’à 5,5 ; en deçà, il commence à s’altérer et le processus cariogène peut donc s’initier.

Quel est donc l’effet de notre alimentation sur le risque de caries dentaires ? On s'est longtemps focalisé sur les sucres simples (monosaccharides : glucose, fructose, galactose ; disaccharides : saccharose), en tant que facteurs favorisants du processus cariogène, c'est-à-dire de l'attaque de l'émail par les bactéries de la plaque dentaire en présence de sucres simples. On s'est également évertué à enseigner qu'il fallait bien nettoyer la bouche et brosser les dents après chaque repas, afin d'en retirer les résidus alimentaires et d'en réduire la plaque dentaire, qui est élaborée en permanence. Mais on n’a pas assez pensé à l’acidité des aliments et des boissons.

Quels sont les produits du même genre dont il faut se méfier tout particulièrement ?

Il est important de distinguer les aliments acides et les aliments acidifiants. Les aliments et les boissons acides ont un goût acide dans la bouche : ils ont véritablement une action acide immédiate (par exemple : le jus de citron). Ce sont eux qui sont néfastes pour les dents. Mais tous les aliments sont transformés en nutriments dans l’intestin. Or, le bilan acido-basique de cette transformation peut contribuer finalement à une acidification du milieu intérieur ou au contraire à son alcalinisation : on parle pour cette raison d’aliments acidifiants et d’aliments alcalinisants. C’est ainsi, qu’aussi bizarre que cela puisse paraître, un aliment acide comme le citron peut se révéler in fine alcalinisant, parce que sa digestion libère beaucoup de charges alcalines emprisonnées dans le fruit : comme on le voit, ce n’est pas simple. Le sujet qui nous occupe consiste à éviter les aliments et les boissons acides, car c’est dans la bouche que notre problème se situe.

Mais les aliments acidifiants sont eux aussi à éviter en général. Car notre corps doit lutter en permanence contre une tendance constante à l’acidification. Lorsque les reins fonctionnent mal, il y a un risque d’acidose métabolique (ils éliminent normalement des charges acides). Lorsque les poumons fonctionnent mal, un risque d’acidose respiratoire (ils éliminent normalement eux aussi des charges acides). On peut dire que le maintien de la vie nécessite le rejet permanent des charges acides que le métabolisme produit constamment. Or, dans les pays industrialisés, l’alimentation actuelle tend à être acidifiante, en raison d’un apport alimentaire élevé en céréales et en produits animaux (plutôt acidifiants), et par voie de conséquence faible en fruits et en légumes (plutôt alcalinisants). En outre, avec l’âge, la capacité des reins à excréter les excès d’acides diminue. Cette combinaison d’une forte consommation d’aliments acidifiants et d’une capacité réduite d’excrétion rénale, tend à accroitre le risque d’acidose avec l’âge. Cela conduit l’organisme à puiser dans ses réserves alcalines ou basiques, en l’occurrence le tissu osseux. D’où une tendance à la fragilisation des os. Il convient donc d’éviter absolument les aliments acidifiants et de privilégier les aliments alcalinisant ou neutres.

Pour en revenir à la prévention dentaire, il est donc préférable de limiter l’apport en aliments (et boissons) acides, et cela bien que certains d’entre eux se révèlent in fine alcalinisants comme on l’a vu. Les produits dont il faut se méfier pour les dents - à cause de leur acidité immédiate - sont, en particulier : les fruits acides tels que le citron, le pamplemousse, la groseille, la prune et la cerise, surtout quand ils ne sont pas bien mûrs (rappelons que la vitamine C est l’acide ascorbique) ; la tomate ; l’oseille ; la graine d’arachide et la noix ; les fruits de mer ; la choucroute ; le vinaigre (acide acétique) ; l’huile chauffée ; le fromage ; la crème glacée et les pâtisseries ; les boissons gazeuses ; le thé noir.

Mais il faut bien insister sur le fait que l’on doit se méfier de ces produits à cause de leur acidité immédiate nocive pour les dents, alors que certains d’entre eux sont globalement alcalinisants après digestion intestinale.

Dès lors, quelles sont les bonnes pratiques d'alimentation à adopter ?

Comme en toute chose, c’est le juste milieu qui convient, mais c’est celui qui est le plus difficile à trouver, à adopter et à conserver. D’un côté, les aliments et les boissons acides s’opposent à la prolifération bactérienne – on utilise couramment le jus de citron ou le vinaigre pour réduire la contamination bactérienne des salades et autres crudités -, d’un autre côté, ces produits acides sont nocifs pour les dents en favorisant leur altération.

Honnêtement, il est devenu difficile aujourd’hui de « bien se nourrir ». Car il faut non seulement veiller à ingérer une alimentation diversifiée (légumes, céréales, fruits, laitages, œufs, poissons, viandes…) et équilibrée (glucides, protéines, lipides, vitamines, eau, sels minéraux…), mais aussi une alimentation aussi pauvre que possible en pesticides et autres produits toxiques (substances cancérigènes, perturbateurs endocriniens…). C’est presque la quadrature du cercle.

Sur le plan du choix des aliments, on peut conseiller en particulier (liste délicate et bien sûr non exhaustive) : l’avocat, l’asperge, la laitue, la betterave, le maïs ; la courgette, le brocoli, le chou, le haricot vert, l’épinard, le petit pois, la carotte, la pomme de terre, le riz, les champignons ; les herbes aromatiques (persil, basilic, ciboulette…) ; les oignons et l’ail ; l’huile d’olive ; la crème de lait ; les œufs et le poisson ; le fromage de chèvre ; la pomme, la poire, la banane, la pêche, la datte et la figue ; le thé vert ; l'eau minérale alcaline.

Il est également plus que souhaitable de : boire abondamment de l’eau pure, en fin de repas et en dehors des repas (elle a notamment pour intérêt de rincer la bouche et de diluer les charges acides) ; ne rien manger entre les repas : cette hygiène de vie a de multiples intérêts ; bannir les confiseries et les sodas ; consommer les (purs) jus de fruits avec modération ; limiter le plus possible la consommation de crèmes glacées et de pâtisseries. Cela demande quelques efforts, bien sûr, mais quel bénéfice en fin de compte ! Une alimentation qui respecte ces principes généraux apporte un meilleur sommeil, une meilleure forme physique et mentale, et permet – à condition d’y adjoindre de l’exercice physique régulier - de tendre vers un indice de masse corporelle (IMC : rapport du poids en kilos et du carré de la taille en mètre) entre 18,5 et 25, ce qui est déjà une bonne base préventive.

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