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Pour un entrepreneur qui rêve, depuis si longtemps, le premier tour est à la fois enivrant et déprimant
©PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

Les entrepreneurs parlent aux Français

Pour un entrepreneur qui rêve, depuis si longtemps, le premier tour est à la fois enivrant et déprimant.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Difficile de faire un portrait robot de l’entrepreneur qui suit le résultat des élections ce soir, au moment où je vous écris. La seule certitude commune à ces 2,5% d’électeurs qui ont voté, c’est qu’il se pose des questions très simples :

Puisque Emmanuel Macron sera certainement Président, dans une élection à nouveau ubérisée par un personnage qui n’avait aucune existence politique affichée 3 années avant, un peu comme Uber avec les taxis, Trump avec les USA, comment va t-il gouverner ?

Comment va t-il constituer et s’assurer une majorité à l’Assemblée nationale, c’est à dire un nombre suffisant de députés capables de voter comme un seul homme les réformes que nous espérons le voir faire enfin. Tant qu’à Ubériser autant le faire « cash » depuis sa plateforme, avec un esprit d’indépendance. Et s'il arrive à avoir assez d’élus comment faire voter ensemble des transfuges du PS Hollandais et des travailleurs frontaliers des Républicains ? Pourront-ils se retrouver autour d’un vote comme on le fait autour d’un feu de camp pour faire bouillir la même marmite ? Sur les 35h ? La retraite à 60 ans ? l’ISF ? Et tant d’autres sujets.

Comment configurer un gouvernement qui aille de Robert Hue à Alain Madelin ? Avec Florange sous forme de Scoop libérales mais sociales ?

En clair, pour un entrepreneur qui rêve, depuis si longtemps que ce rêve est devenu fantasme, de stabilité, de visibilité et de cohérence, le premier tour est à la fois enivrant et déprimant. A minima, angoissant et empli d’incertitudes.

La satisfaction de nombre d’entre nous de voir s’écrouler les partis traditionnels. Nous sommes nombreux et majoritaires à ne plus supporter ce système figé et arrogant, de ce système auto-satisfaisant et endogame, emprunt de médiocrité du fait de la rente que les électeurs lui assurait depuis 30 ans, et qui nous expliquait, via ses représentants, lors d’un débat avec Thierry Solère en ce qui me concerne encore l’année passée au café libéral, que la France votait et voterait toujours sur 2 partis (sic !!!). C’est un bonheur.

Ces cancres qui ont plombé la France, meurent de leur incompétence et de leur certitude et c’est tant mieux. On comprend mieux pourquoi le digital était absent de leur campagne, ils n’ont pas compris, que la société était en Marche (sans jeu de mot) et que l’Ubérisation mentionnée dans mon livre, celle de la politique avançait aussi vite que pour l’économie. Ils vont pouvoir rentrer en méditation et réfléchir avec ce que la paresse intellectuelle leur a laissé comme neurones, à leur avenir. Ubérisés ! Nous ne sommes pas pour l’anarchie ou le chao, mais pour la réflexion par le juste châtiment. De plus, une partie d’entre eux seront définitivement passé la date de péremption pour la prochaine échéance, c’est l’occasion de rebattre les cartes avec du neuf. Dans 5 ans, la génération actuelle sera hors course, c’est simplement parfait.

Cette satisfaction n’apporte en elle-même aucune solution. Macron n’est pas un produit hors-système, il en est au contraire un pur produit, mais il présente le système sous un autre jour. Nous préférons ce produit du système, qu’un produit tout aussi issu du système mais qui souhaite tuer la France par un programme démagogique et sans issue comme le FN. Donc à choisir le moindre mal, dans cette campagne, Macron restait une option convenable. Fillon paie son entêtement et le fait payer à son parti, la nature est bien faite. Il aura tout loisir de discuter avec les Juges et d’apprendre le sens du travail non fictif pour un résultat final qui n’a rien de virtuel. Le fait d’avoir un candidat jeune et propre ne nous donne pas un programme clair et surtout une capacité de l’appliquer. Il devra affronter la rue, celle qui a des ailes depuis que Mélanchon parle espagnol et prononce Podemos à la française. Et là, il lui faudra une majorité solide. Oui mais laquelle ?

Alors ce soir les entrepreneurs sont inquiets. Non du président à venir, mais de sa capacité à exercer, décider et appliquer. Inquiets de ne pas avoir un programme clair à se mettre sous la dent. Au delà de cela, aucune tendance claire ne se dégage.

Il y avait la frange compacte d’un point de vue confessionnel. Ceux qui liaient leur destin à Fillon par affinité religieuse. Parfois très affirmée et presque inquiétante quand on connaissait la passion pour le fouet rédempteur de certains membres affichés de l’Opus Dei. Elle a appelé à voter pour Fillon envers et contre tout il y a 8 jours, avec une liste sans surprise.

Elle était rejointe par certains entrepreneurs, qui ne se trouvaient justement rien de commun avec ceux-là, mais disaient que nous n’avions pas à aimer Fillon ou son entourage proche, mais son programme et l’alternance.  Ceux là ont voté Fillon ce matin, sans conviction mais par obligation, pour voter « utile » face à Lepen. En pariant qu’il était plus solide que Macron dans un suffrage présidentiel, car plus expérimenté, et que dans cette période de doute, un homme d’expérience rassurerait plus que Macron.

Ensuite nombre d’entre nous étaient tentés par Macron « version pré-sortie » du gouvernement. Quand il avait des convictions, en apparence au moins, et osait des mots que personne n’avait jamais prononcés. Notamment à gauche. Ceux-là ont voté pour lui, par dépit également, mais en pariant sur la jeunesse, une nouvelle façon de faire de la politique et en pariant qu’il retrouverait la volonté de réforme qu’ils pensent constituer son « moi profond » et qu’il afficherait à nouveau quand la nécessité de « ratisser» large pour être élu sera dépassée.

Enfin, il y a quelques entrepreneurs et les grands patrons, que nous avons vu, nombreux à jouer au casino politique en jouant le rouge et le noir, le pair et l’impair. Bref, en finançant les 2 camps. Très nombreux. Ainsi pas d’erreur possible, où que se loge la petite bille, le parieur gagne. En tous cas, ne perd pas.

Aujourd’hui s’ouvre une période de questionnement, non pour le second tour, même si la surprise peut encore arriver. Mais pour les législatives. C’est Woodstock sans le LSD. De la pierre sans huile de coude. A suivre…

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