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Hausse record du nombre de bébés nés d’une mère étrangère en Allemagne (mais toujours pas assez pour résoudre la crise démographique outre-Rhin)
©SAJJAD QAYYUM / AFP

Impasse

L’indice de fécondité des femmes de nationalité étrangère, de 1,9 enfant par femme, s’il est supérieur à la moyenne des femmes allemandes (1,4 enfant par femme), apparaît néanmoins inférieur au seuil de remplacement des générations (2,06 enfants par femme).

Atlantico : En 2015, selon les données de l'Office allemand de la statistique (Destatis), 1 bébé sur 5 est né d'une mère détentrice d'une nationalité étrangère. Quelles implications (sociales, économiques, politiques) cela peut-il avoir pour l'Allemagne ? 

Laurent ChalardCette évolution démographique a diverses implications pour l’Allemagne, certaines potentiellement positives et d’autres plus problématiques.

Sur le plan économique, c’est plutôt une bonne nouvelle, dans le sens que l’augmentation des naissances de mères étrangères permet de limiter un peu la dénatalité du pays. Si l’Allemagne n’avait pas de femmes étrangères sur son sol, il y aurait 20 % de naissances en moins ! En effet, l’Allemagne a une fécondité constamment inférieure au seuil de remplacement des générations (2,06 enfants par femme) depuis près de cinquante ans, conduisant à un amenuisant du nombre de naissances, ce qui constitue son principal point faible, à l’origine d’une pénurie potentielle de main d’œuvre dans le futur et de problématiques sensibles concernant le financement des retraites.

Sur le plan politique, la forte progression des naissances de mère étrangère sous-entend que l’Etat allemand va devoir s’adapter progressivement à la nouvelle donne multiculturelle, avec, en particulier, l’émergence d’une population extra-européenne, jusqu’ici, essentiellement cantonnée à la communauté turque, non négligeable. Or, l’Allemagne y est mal préparée, car le pays se distinguait de la France ou du Royaume-Uni par la moindre importance de l’immigration extra-européenne, en particulier africaine.

Sur le plan social, l’enjeu est de taille et les choses pourraient s’avérer grandement problématiques si la politique d’intégration allemande est du même ordre que l’amateurisme total de la politique migratoire de Madame Merkel. Il faudra faire de très gros efforts pour que ces nouveaux nés s’intègrent de manière convenable à la société allemande, ce qui n’est pas forcément évident pour les populations d’origine non européenne, étant donné le caractère beaucoup plus étroit qu’en France (où cela ne fonctionne déjà pas très bien !) du nationalisme allemand, où règne toujours le droit du sang dans les mentalités. L’Allemagne n’ayant pas la conception universaliste de la nation à la française, les possibilités d’assimilation sont moindres. Par contre, l’existence de l’héritage d’un pluralisme religieux catholiques/protestants peut être un facteur favorable à l’insertion de religions nouvelles venues, à commencer par l’islam. 

Les naissances de bébés de mères roumaines (8 154) et de mère bulgares (4 202) ont connu la plus forte hausse au cours de l'année 2015, respectivement + 47% et +34%, avec les bébés nés de mères syriennes (4 800). Qu'est-ce que cela révèle des flux migratoires à destination de l'Allemagne ? 

L’évolution des naissances de mère étrangère en Allemagne en 2015 est effectivement grandement corrélée aux flux migratoires qu’a connus le pays cette année-là. L’Allemagne s’est caractérisée en 2015 par des flux migratoires de deux ordres, qui, combinés, ont conduit à un excédent migratoire record depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en l’occurrence supérieur à 1 million de personnes.

D’un côté, comme en 2014, le pays a connu un afflux soutenu d’une immigration légale de travail, originaire en majeure partie de l’Europe orientale (principalement de Roumanie, de Bulgarie et de Pologne) et de l’Europe méridionale (Espagne et Grèce). Etant donné son besoin important en main d’œuvre, en particulier dans l’industrie, l’Allemagne va chercher la main d’œuvre dans les Etats européens les moins riches et/ou en crise, d’autant que les perspectives d’emploi sont limitées pour les populations concernées dans leur pays d’origine. Ce n’est donc pas un phénomène nouveau, mais une tendance structurelle, qui s’est poursuivie de manière intense en 2015.

D’un autre côté, l’Allemagne a connu en 2015 un évènement d’ordre conjoncturel, qui est un afflux, sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’une immigration illégale d’origine politique, liée à la crise des réfugiés syriens, auxquels se sont mêlés de nombreux autres migrants d’origine extra-européenne (Afghans, Erythréens, Soudanais…) par opportunisme, profitant de l’anarchie généralisée pour passer en Allemagne. Cette immigration, censée, elle aussi, répondre aux besoins de main d’œuvre du pays, semble, pour l’instant, extrêmement problématique, étant donné le manque de qualification de la majorité des nouveaux arrivants, qui restent sans emploi.

L'apport de ces femmes de nationalité étrangère à la natalité allemande peut-il résorber le problème démographique de l'Allemagne ?

L’ampleur de la dénatalité allemande est telle, les générations qui naissent actuellement ne représentant que 60 % des générations nées pendant les Trente Glorieuses, que cette légère hausse des naissances n’est pas en mesure de la compenser, permettant seulement de la réduire légèrement temporairement.

En effet, l’indice de fécondité des femmes de nationalité étrangère, de 1,9 enfant par femme, s’il est supérieur à la moyenne des femmes allemandes (1,4 enfant par femme), apparaît néanmoins inférieur au seuil de remplacement des générations (2,06 enfants par femme), donc largement insuffisant pour inverser la tendance générale à la dénatalité. Par ailleurs, les enfants de la seconde génération nés en Allemagne, adoptant les comportements de fécondité allemands, ne peuvent contribuer au renouveau démographique à long terme. L’Allemagne constitue une sorte de "tonneau des danaïdes", c’est-à-dire qu’il faudrait des dizaines de millions de migrants pour revenir aux niveaux de naissance du baby boom dans le schéma actuel !

Le problème démographique allemand apparaît consécutivement très profond et relève d’une question de mentalité, à changer totalement, ce qui ne peut guère passer que par un choc psychologique de masse (par exemple, le baby boom a fait suite à la Seconde Guerre mondiale).

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