Un journaliste saoudien condamné à mort pour un tweet : mais que font les musulmans modérés ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les musulmans modérés laisseront-ils Hamza Kashgari être exécuté pour 3 tweets "blasphématoires" ?
Les musulmans modérés laisseront-ils Hamza Kashgari être exécuté pour 3 tweets "blasphématoires" ?
©DR

Blasphème

Le journaliste saoudien Hamza Kashgari risque la peine de mort dans son pays pour avoir publié sur son compte Twitter des messages contestataires adressés au prophète Mahomet. Pourquoi n'y a-t-il pas plus de musulmans modérés qui condamnent ce type d'affaires ?

Moh-Christophe Bilek

Moh-Christophe Bilek

Moh-Christophe Bilek est co-fondateur de l’association Notre-Dame de Kabylie et la communion de prière Mère Qabel, pour promouvoir l’accueil et le soutien des convertis venus de l’islam.

Il est l'auteur de Un Algérien pas très catholique (Le Cerf, 1999) et de Saint Augustin raconté à ma fille (Qabel, 2011)

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Retour sur les faits : Le 4 février, à la veille de l'anniversaire supposé du Mahomet, Hamza Kashgari, un journaliste saoudien de 23 ans, envoyait ces 3 messages sur Twitter au prophète de l'islam
"Le jour de ton anniversaire, je dirai que j'ai aimé le rebelle en toi, que tu as toujours été une source d'inspiration pour moi, et que je n'aime pas le halo de divinité qui t'entoure. Je ne prierai pas pour toi".
"Le jour de ton anniversaire, je te trouverai où que je me tourne. Je dirai que j'ai aimé certaines choses en toi, que j'en ai haï d'autres et qu'il en y a beaucoup que je n'ai jamais compris"
"Le jour de ton anniversaire, je ne m'inclinerai pas devant toi. Je n'embrasserai pas ta main. Je la serrerai plutôt, comme le font les égaux, et te sourirai comme tu me souris. Je te parlerai comme à un ami, pas plus". 

Ce sont ces messages qui lui ont valu d'être extradé de Malaisie où il a été arrêté à l'aéroport lors d'une escale pour rejoindre la Nouvelle Zélande où il voulait demander l'asile politique. De retour en Arabie saoudite, il risque la peine de mort.

Atlantico : Les musulmans modérés français devraient-ils s'élever contre ce type d'évènement ?

Moh-Christophe Bilek : Bien sûr que les Français musulmans devraient s’élever contre ce type de condamnation. Et je pense qu’au fond d’eux-mêmes, ils ne sont pas d’accord. D’une manière générale on peut même considérer que ce pauvre journaliste fait partie de cette majorité silencieuse. Silencieuse en effet car elle ne manifestera pas sa désapprobation. Pourquoi ? Voilà la vraie question qui mérite d’être posée.

Une telle interrogation appelle quelques remarques, au préalable. On considère qu’il existe deux catégories de musulmans : les modérés et les non-modérés. Soit, mais est-ce que les musulmans s’identifient à cette classification ? Je ne crois pas car c’est une façon de voir occidentale. La preuve, posons-nous cette autre question : à quels signes distinctifs reconnait-on un musulman modéré ?

C’est celui qui consomme du vin et mange du porc ? Celle qui ne porte pas le hijab, ou ne fait pas le Ramadan ? Celle ou celui qui ne dit pas ses 5 prières ? Et qui détermine ces signes extérieurs, n’est-ce pas le non-musulman ?

Le problème est là : c’est l’opinion occidentale (à travers ses médias et ses hommes politiques) qui croit que ses critères sont universels. Mais ce n’est pas du tout le cas : les pays islamiques, du reste, contestent depuis longtemps cet universalisme des droits de l’homme tels qu’ils sont admis en Occident, puisqu’ils ont adopté en 1990 (le 5/08 au Caire) la « Déclaration des droits de l’homme en islam ». Laquelle limite, en particulier, la liberté de choisir sa religion ou d’en changer, du fait qu’elle ne reconnait qu’une seule source pour le droit, la Charia[i]. De sorte que le musulman modéré n’ignore pas que, s’il enfreint la loi islamique comme ce pauvre Hamza, il s’expose à de lourdes peines.

Ni en France, ni ailleurs en Europe, nous ne verrons des manifestations de soutien aux téméraires qui expriment une opinion divergente en islam ; et encore moins en pays musulmans. En revanche on a vu et on continuera de voir les fondamentalistes islamistes descendre dans la rue, à la moindre atteinte contre leur religion.

Existe-t-il une sorte d'omerta autour des dérives de l'islam chez les musulmans ?

Ce n’est pas de l’omerta, voilà encore un critère occidental, mais la peur de subir les foudres du fondamentalisme, lequel a la loi islamique de son côté : une loi divine qui plus est ! Quant à dire que ce sont des dérives, il faudrait commencer par se pencher sur les textes de la Charia, pour en juger.

Je pense que le meilleur service que pourraient rendre les journalistes, pour aider ces musulmans modérés, serait de mettre face à leurs responsabilités les représentants de l’islam de France, comme ceux du CFCM, par exemple, en leur posant ce genre de questions qui fâchent. Après tout les autorités françaises les ont reconnus à ce poste et les ont voulus comme interlocuteurs privilégiés de l’islam.

N’attendons pas une hypothétique réaction des musulmans modérés. C’est comme attendre qu’ils choisissent entre deux culpabilisations : être de mauvais musulmans ou être de mauvais Français ?

Est-ce une spécificité des musulmans français ?

Il faut plutôt prendre l’habitude d’interroger les responsables musulmans en France, de demander aux intellectuels médiatisés ce qu’ils pensent d’un événement qui montre que les libertés individuelles ne sont pas respectées dans l’islam.

En effet, et ce n’est une spécificité d’aucune communauté musulmane de France ou d’ailleurs, la liberté individuelle n’est pas admise, en matière de religion : Allah seul est libre ; et nul croyant n’échappe à la loi édictée par l’Oumma musulmane, dite Charia.

La Déclaration du Caire insiste, d’ailleurs, sur le rôle de l’Oumma, la communauté des croyants. D’après le préambule, elle « éclaire la voie de l’humanité », pour qu’elle « apporte des solutions aux problèmes chroniques de la civilisation matérialiste ».

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud


[i] La Charia comme seule source de référence : enfin, les articles 24 et 25 précisent que les droits et les libertés énoncées dans la Déclaration « sont soumises aux dispositions de la Charia » et cette dernière est « l’unique référence pour l’explication ou l’interprétation de l’un des quelconques articles contenus » dans la Déclaration. (http://oumma.com/Les-Declarations-islamiques-des)

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