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Guillaume Labbez : « Laurent Wauquiez avait décidé seul du limogeage de Virginie Calmels bien avant qu’elle donne son interview au Parisien »
©ERIC FEFERBERG / AFP

Les dessous d'une rupture

Guillaume Labbez, secrétaire général de DroiteLib’, le mouvement de Virginie Calmels, a pu suivre de très près l’année écoulée entre la campagne pour la présidence LR et les 6 mois qui ont suivi.

Guillaume Labbez

Guillaume Labbez

Après un début de carrière en cabinet ministériel sous les gouvernements Raffarin et de Villepin, Guillaume Labbez devient Conseil en communication et en affaires publiques et Maître de conférences en Négociation à l'école d'Affaires publiques de Sciences Po. Engagé dans le débat d'idées, il est administrateur de la Fondation Concorde, secrétaire général de DroiteLib' et membre du bureau politique des Républicains.
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Atlantico : Les LR viennent de vivre une nouvelle tempête mais ne pensez-vous pas que le limogeage de Virginie Calmels sera vite oublié ?

Guillaume Labbez : Je ne le crois pas car derrière le soit-disant « limogeage » de Virginie Calmels se cache un problème politique profond. Wauquiez entraîne LR sur une ligne populiste et identitaire en empruntant les verbatims exacts de Patrick Buisson. Virginie Calmels le gênait à plus d’un titre, non seulement parce qu’elle est libérale, pro européenne, et anti extrêmes mais surtout parce qu’elle est libre de dire ce qu’elle pense. Elle aura été la première de la nouvelle génération des Républicains à le dénoncer ouvertement et à avoir le courage de s’opposer à cette dérive. Mais je suis convaincu que beaucoup d’élus vont se réveiller car il en va de la survie du parti. L’entourage de Wauquiez a voulu faire croire à tous que son « limogeage » était provoqué par Le Parisien du 17 juin mais nous avons obtenu, depuis, la preuve écrite que Wauquiez avait décidé de son éviction bien avant le Parisien. 

Il a écrit le 9 juin à 22h49 dans la boucle WhatsApp qu’il partage avec ses proches : « Faut réfléchir à qui on met à la place et à bien préparer pour bien enclencher le thème acte d’autorité il fléchira pas ». Vous noterez au passage que beaucoup des soi-disant proches de Wauquiez préparent déjà l’après-Wauquiez… 

Est ce que ce « limogeage » n’était pas, au fond, couru d’avance ?

A la rentrée 2017, après en avoir parlé avec Alain Juppé, qui lui dit qu’il n’y voyait pas d’objection, elle accepte la main tendue de Wauquiez lui proposant de faire un tandem pour la présidence du parti. Elle pense œuvrer ainsi au rassemblement de la droite menacé par le morcellement en petites chapelles, et participer ainsi à la reconstruction de la droite après le désastre de 2017. 

Sa première motivation, son  combat, est d’abord de faire barrage à la montée des extrêmes qu’elle juge probable au regard des résultats du premier tour de la présidentielle et offrir une alternative républicaine en 2022 en cas d’échec de Macron.

La campagne interne pour la présidence des Républicains se déroule bien et Wauquiez et Virginie Calmels paraissent s’entendre. Elle me dira même « je ne comprends pas pourquoi on me dit autant d’horreurs sur Laurent Wauquiez car il est doux comme un agneau ».

Virginie Calmels n’est bien sûre pas dupe de la caution juppéiste et libérale qu’elle représente pour lui, mais elle fait le pari que l’alliance des libéraux et des conservateurs peut marcher, et que Wauquiez n’aura d’autre choix que de composer avec les différentes sensibilités (libéraux, gaullistes sociaux, conservateurs), comme l’expliquait le rapport des Ateliers de la Refondation, que j’ai contribué à réaliser. 

A titre d’exemple, lors de la préparation de son Emission Politique sur France 2 en janvier, Wauquiez prend soin de contacter Virginie Calmels pour caler le message sur les sujets régaliens –sécurité, droit du sol, etc.-, montrant qu’il ne veut pas froisser les juppéistes ; elle apprécie la démarche.

Quand selon vous les tensions sont apparues ? Est-ce le fameux tract « Pourquoi la France reste la France » ou remontent-elles plus loin ?

Il y a eu très tôt des tensions, mais Virginie n’a pas ébruité cela. Pour preuve c’est l’attaché de presse de Wauquiez qui gérait ses relations presse jusqu’à la semaine dernière. Dès l’élection passée, elle me dira « Wauquiez c’est Dr Jekyll and Mr Hyde ». 

La première grosse tension entre eux est au lendemain de l’élection de Wauquiez à la tête du parti. Il lui dit la veille de la conférence de presse qu’il va désigner Guillaume Peltier Vice Président. Virginie Calmels est furieuse pour deux raisons :

Il la met au pied du mur en ne l’informant pas d’un accord qui remonte à septembre avec Peltier

Cela déséquilibre totalement la ligne politique des Républicains, car elle se retrouve « sur la photo » entre deux personnalités ultra-droitières et anti libérales. 

Pour rétablir l’équilibre de la ligne politique, elle exige qu’il nomme un centriste et suggère la nomination de Damien Abad. Si Wauquiez n’avait pas cédé, elle aurait quitté l’équipe de direction. Je pense que cet épisode a abimé leurs relations car il découvre ce jour-là que Virginie Calmels est une femme libre et courageuse… pas du genre à transiger avec ses convictions. Il n’imaginait pas qu’elle puisse ainsi refuser d’être numéro 2. 

C’est la seule tension forte entre eux ?

Non des tensions vont réapparaitre entre eux très régulièrement, mais toujours à huis clos.

D’abord « l’affaire Darmanin », durant laquelle Wauquiez demande la démission de Gérald Darmanin en piétinant le principe de présomption d’innocence. Il reproche à sa vice-présidente de ne pas avoir soutenu sa position. La réunion de direction du mardi est houleuse car Virginie Calmels et Guillaume Peltier vont à l’encontre des « ordres du chef » en indiquant que ce n’est pas une position digne et tenable. Wauquiez lui reprochera plusieurs fois les mois suivants cette « absence de solidarité ».

Quelques jours plus tard, il y a eu l’épisode désastreux des propos enregistrés à l’EM Lyon. Virginie Calmels a vraiment pris sur elle pour ne pas enfoncer Wauquiez qui, au lieu de la remercier pour son silence, lui a, à nouveau, reproché de ne pas l’avoir soutenu. Elle a fait preuve de beaucoup de hauteur alors que sa situation était très difficile. Elle nous a adressé, à toute son équipe DroiteLIb, un mail qui expliquait sa position mais montrait déjà qu’elle commençait à douter du respect par Wauquiez de ses engagements de rassemblement.

Expéditeur: Virginie Calmels < >
Date: 23 février 2018 à 11:58:59 UTC+1
Les amis, je vous en prie, il faut que nous gardions nos nerfs. 
J’ai choisi de garder le silence et vraiment je vous exhorte à faire de même, ni on ni off ni réseaux sociaux.
Evidemment ce n’est pas de gaité de coeur !
Comme vous j’ai été hyper choquée par ce pétage de plomb de Laurent et pire, par la réitération à froid de ses propos. N’oubliez pas que j’ai passé 20 ans en entreprise et que le Medef et la CPME c’est plus mon univers que ces règlements de compte entre politiciens. J’étais de ceux qui ont appelé à la présomption d’innocence pour Gérald, et pas de crainte d’être un jour concernée comme il l’a sous-entendu… Et quant à Alain Juppé, il est mon mentor et même si je ne suis plus trop en phase avec lui sur le grand rassemblement central aux européennes jamais je ne cautionnerai de telles attaques à son égard ; Laurent le pousse hors des LR alors qu’il prône le rassemblement, c’est juste incompréhensible, c’est une faute politique ! L’attaque sur Nicolas Sarkozy est une autre dinguerie inacceptable.
Laurent m’a appelée hier soir assez penaud et il avait l’air de mesurer sa connerie… on va voir… j’espère l’avoir convaincu d’appeler Alain Juppé et Valérie Pécresse pour s’excuser mais c’est pas gagné ! Je lui a dit que pour le rassemblement c’était vraiment raté !! 
Moi en tout cas je garde le cap, on a un devoir de reconstruire la droite et on ne peut pas laisser Macron seul face aux extrêmes. Donc on ne participe surtout pas à la division, on ne cautionne pas mais on ne tombe pas dans l'invective. Laurent m’a proposé de faire un tandem avec lui pour marcher sur nos deux jambes les libéraux et les conservateurs, et pour rassembler. On va voir s’il tient parole. J’avoue que j’ai quelques craintes quand je vois la dérive démagogique et populiste à napalmer les journalistes sur BFM, on aurait dit du Mélenchon ; j’espère que ça n’augure pas d’une dérive eurosceptique. Si c’était le cas il sera alors clair que le parti explosera … mais nous n’en sommes pas là et nous devons éviter de montrer la désunion ou de tomber dans les petites phrases auxquelles les uns et les autres se sont livrés, au moins par respect pour nos militants à qui on n’aura décidément rien épargné !!
J’aurai bien le temps de m’exprimer dans plusieurs jours, quand la polémique sera retombée. Il faut garder de la hauteur.
Donc plan d’action :
(…)
J’espère un jour faire comprendre à mes petits camarades que seuls on n’y arrivera jamais et que c’est le collectif qui compte. 
(…)

Le lundi 26 février, soit quelques jours après l’EM Lyon, Wauquiez l’invite à dîner alors qu’elle rentre de Bordeaux. Il est affaibli et sait que Virginie Calmels ne peut cautionner ses propos à l’égard d’Alain Juppé, de Nicolas Sarkozy ou de la CPME et du MEDEF. Tout en lui reprochant son manque de soutien, il lui consent la responsabilité du projet du bout des lèvres et lui adjoint Guillaume Larrivé. Soucieuse de préserver les équilibres une fois encore, elle lui demande d’ajouter une personnalité extérieure. Ce sera Luc Ferry. Il lui demande de réfléchir à la tête de liste aux européennes, mais elle n’est pas vraiment  intéressée. 

Le semaines suivantes, elle s’agace de constater l’absence de moyens pour effectuer sa mission, Wauquiez refusant qu’elle puisse recruter le moindre collaborateur ou disposer de quelconques moyens. Chaque semaine, elle constate, comme ses collègues, l’exercice solitaire du pouvoir que Wauquiez a imposé à toute son équipe de direction. Les réunions d’équipe dirigeantes étaient sans cesse annulées – une dizaine seulement de réunions se sont tenues en six mois-. 

Beaucoup d’élus se plaignent de l’exercice solitaire du pouvoir de Laurent Wauquiez

Il impose à tous d’assumer des décisions qu’il prend seul et sans concertation.

Concernant les "propositions choc", le processus est toujours le même : l’information est partagée sur la boucle WhatsApp au dernier moment « pour information » et non pas pour discussion ou validation. Aucun débat préalable n’a eu lieu que ce soit sur l’affaire Darmanin, la rétention des fichés S, la castration chimique, le délit de haine de la République, ou le fameux tract… Par « solidarité », elle se retrouve à défendre des positions parfois peu réfléchies ou pas travaillées. Très souvent, elle qui est libérale, se retrouve en porte à faux avec des déclarations quasi mélenchonistes de Wauquiez et de ses proches (« les cadeaux aux riches », « le désastre de la concurrence », « le protectionnisme », « l’ultra libéralisme de Macron », etc…). En janvier alors qu’elle rédige une tribune à destination des entrepreneurs, Wauquiez lui reproche d’avoir mentionné la retraite à 65 ans, « pas populaire pour notre électorat ». Elle comprend que Wauquiez s’éloigne considérablement du projet présidentiel.

Pour vous c’est un problème d’ego ou un problème de lignes politiques opposées ?

C’est évidemment et profondément un problème politique. Il nait de l’anti libéralisme flagrant de Wauquiez et de sa capacité à entretenir une forme d'ambiguïté avec le FN en reprenant leur rhétorique. Ce que Virginie Calmels qualifie de « dérive populiste ». Patrick Buisson a théorisé la nécessaire alliance entre le vote populiste et le vote conservateur pour prendre le pouvoir. Le premier ingrédient de cette potion est le fait de séparer les conservateurs des libéraux. Dans sa vision dogmatique et caricaturale, ça signifie qu’il faille opposer la France rurale et la France périurbaine à la bourgeoisie mondialisée des métropoles. Visiblement Laurent Wauquiez applique la recette du maître.

Je rejette totalement l’argument de la confrontation des egos brandie par ceux qui veulent mettre la poussière sous le tapis. Virginie Calmels a un caractère fort, c’est vrai, mais elle n’a jamais contesté la légitimité du Président du parti : elle s’est toujours sentie redevable vis-à-vis des militants qui sont restés LR, et avait tout simplement envie que ça marche et que Laurent Wauquiez remette à flot les Républicains. C’est pour ça qu’elle a essayé et a avalé toutes ces couleuvres pendant quelques mois avant que les dissensions n’apparaissent au grand jour.

De quels couleuvres parlez-vous ?

Le clash le plus violent fut le mardi 20 mars lors d’un tête à tête entre Virginie Calmels et Wauquiez. Ce dernier lui a reproché un tweet sur la partielle à Mayotte. Suite au soutien par Marine Le Pen au candidat LR, Virginie Calmels avait tweeté le jeudi 15 mars « Comme déjà évoqué nous préférerons toujours perdre plutôt que de gagner grâce à une quelconque alliance avec le FN. Nos valeurs ne se négocient pas à travers des accords électoraux honteux ! Soutien total à notre candidat Elad Chakrina ! # Mayotte ». Wauquiez est furieux de ce tweet et lui fait savoir sans ménagement. Virginie Calmels n’a pas accepté les reproches de Wauquiez sur cette question et lui a rappelé quelles étaient ses convictions et que la porosité avec le FN serait toujours une ligne rouge pour elle. Mais la discussion tourne au vinaigre et les rapports entre eux deviennent électriques. 

Le mercredi 21 mars la tension n’est pas retombée et elle quitte le bureau de Wauquiez quasiment en larmes avec un claquement de porte que tout l’étage a entendu. Wauquiez est dans l’intimidation, y compris physique. Calmels dit ce qu’elle a à dire avec courage et détermination, de façon directe et sans retenue. Ca insupporte Wauquiez qui exige une totale soumission de son équipe.

Elle me confiera ce jour là « C’est un autocrate, il est d’une brutalité hors norme et son ambiguïté avec le FN est irrespirable ». A compter de ce jour elle lui écrit plus qu’elle ne lui parle.

On peut comprendre que ce tweet gênait la campagne locale du candidat LR à Mayotte non ?

Virginie Calmels ne transige pas sur ses valeurs et la digue avec le FN reste un marqueur très fort chez elle. Au soir du 1er tour de la présidentielle elle avait immédiatement appelé à voter Macron, Wauquiez avait lui refusé de citer Macron. Ce point de vigilance restait toujours dans son esprit. On ne peut pas dire qu’elle ne l’avait pas prévenu, c’était une ligne rouge très claire.

Et d’autres épisodes vont se succéder en la matière. Le dimanche 15 avril Virginie Calmels publie dans le JDD une tribune intitulée " La volonté de victoire n’autorise pas des alliances contre nature » dans laquelle elle répond à Thierry Mariani et à son appel d’Angers pour une alliance de LR avec le FN. Ni Wauquiez ni personne de la direction de LR ne va relayer cette tribune, ni sur tweeter ni sur FB, aucun membre de la direction de LR ne semble s’offusquer. Virginie Calmels se sent très seule. Le lundi 7 mai rebelote, Virginie Calmels est invitée à la matinale de RTL et Elizabeth Martichoux l’interroge sur la proposition de N Dupont Aignan de construire une plateforme commune en vue des Européennes. Virginie Calmels renvoie Dupont-Aignan dans ses buts mais là encore ni Wauquiez ni personne de la direction de LR ne réagit ou n’appuie sa position.

Vous sous-entendez que Wauquiez entretient volontairement une ambiguïté vis à vis du FN

Je vous dis surtout que Virginie Calmels, elle, ne l’entretient pas. Et on a vu le déchainement récent de Thierry Mariani à son encontre pour exiger sa démission. Il est évident que Virginie Calmels contrecarre les plans de certains qui prônent haut et fort l’union des droites, alors qu’elle est pour un régalien fort sans tomber dans l’extrême droite. Lors du Bureau Politique du 17 avril Virginie Calmels demande la parole à Wauquiez qui est assis juste à côté d’elle pour débattre du cas Mariani. Wauquiez refuse de la lui donner. Ce jour là pour Virginie Calmels la rupture avec Wauquiez est consommée. Dans ce BP, je demande la parole à mon tour pour parler de Mariani. Il ne veut pas en parler et balaie d’un revers de la main le sujet en disant « c’est trop tard on en parlera une autre fois en clôturant hâtivement le BP ».

Le tract au fond c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ?

Oui en quelque sorte. Leur relation était déjà très tendue. Quand ce tract est envoyé à l’équipe dirigeante le 31 mai, il a déjà été expédié aux fédérations le 28 mai. Il ne s’agit donc pas de lancer un débat mais d’une simple information. Virginie Calmels répond à Wauquiez par sms en regrettant qu’il n’ait pas cru bon d’en discuter, que son tract est à la fois populiste et daté, de la vieille politique en somme et l’alerte sur le fait que de nombreuses fédérations ne vont pas le distribuer. Elle ajoute « j’ai toujours pensé qu’on était plus intelligent à plusieurs que tout seul et je ne désespère pas de t’en convaincre » ! Wauquiez lui répond que si elle en est à vouloir valider les tracts… 

Elle le provoque avec son interview sur France Inter ?

D’abord cette interview a été calée par l’attachée de presse du parti au moins 2 semaines avant. Ce n’était donc pas du tout prémédité. Nicolas Demorand commence par cette question « Mme Calmels avez vous validé ce tract ? ». Tout naturellement avec le tempérament naturel et direct qu’on lui connait elle répond « non » et elle ajoute qu’elle y voit un dysfonctionnement. Elle regrette qu’il ne soit pas plus équilibré en omettant le chômage et le qualifie à l’antenne « d'anxiogène », alors qu’elle avait dit à Laurent Wauquiez « populiste ». Ce n’était pas une provocation mais la volonté sincère de ne pas cautionner ce tract qu’elle avait critiqué, mais elle reste très soft dans ses qualificatifs pour ne pas étaler au grand jour ses différends ou créer de la division.

Oui mais pourquoi remet-elle une couche dans le Parisien une semaine plus tard ?

Parce qu’entre temps a eu lieu la réunion de direction du mardi où clairement il n’est plus question de rassemblement mais, au nom des 75% de son élection, Wauquiez explique qu’il ne va incarner que sa ligne. Elle est très étonnée de voir qu’au lieu de banaliser ce qu’elle a qualifié de dysfonctionnement, car il lui aurait été si simple de s’excuser de ne pas avoir davantage consulté, Wauquiez et ses sbires assument pleinement la ligne populiste et identitaire pour conquérir les électeurs du FN quitte à se couper de la droite libérale et de la droite modérée qui, selon eux, sont passées chez Macron. En fait ils prennent l’interview France Inter comme un prétexte pour tenter de diaboliser Virginie Calmels. « Manque de solidarité », « faute », etc… Elle ne se démonte pas dans cette réunion et rappelle qu’il ne fait jamais valider au préalable ses prises de position et elle interpelle Wauquiez sur son RV caché avec Mariani : « je sais que tu as vu Mariani, mais tu ne nous en as pas parlé et tu ne nous as pas debriefé ». Wauquiez explique qu’en effet il l’a vu et qu’il lui a dit qu’il appartenait toujours à LR tant qu’il ne faisait pas un deal avec le FN. Virginie Calmels conclut la réunion en disant : « quand moi je réponds honnêtement que je n’ai pas validé ce tract on m’accuse de diviser la famille mais quand Th Mariani prône l’alliance avec le FN personne ne lui dit rien ».  Du coup ce mardi 12 juin elle est bien décidée à quitter sa fonction. Elle lui a été utile pour conquérir le parti mais maintenant elle lui apparaît moins essentielle, le rassemblement n’ayant désormais d’intérêt pour lui que dans l’entre deux tours de la présidentielle de 2022. Mais d’ici là elle ne veut être ni une caution ni un alibi. Elle s’est entretenue le jour même avec Nicolas Sarkozy qui ne cesse de prôner le rassemblement. Le jeudi matin elle est invitée à l’émission les 4 Vérités. La veille l’émission est annulée. Elle décide donc de donner une interview au Parisien sans passer cette fois ci par l’attachée de presse du parti. Dans cette interview elle n’attaque pas frontalement Wauquiez mais souligne qu’il souhaite ne porter que sa ligne, tout en lui laissant une porte de sortie. Quand le journaliste lui demande « si rien ne bouge vous partez ? » elle répond « Il faut que tout le monde fasse des efforts. On a une obligation de s’entendre, sinon on fait le jeu d’Emmanuel Macron. Ou pire, celui des extrêmes. Et ce sera l’éclatement de notre famille politique. On est à la croisée des chemins. Je crois encore que Laurent peut parvenir à créer le rassemblement de notre famille politique en revenant à une façon de faire qu’il a su développer pendant la campagne. On va voir comment les choses vont se passer dans les semaines à venir ». La réponse de Wauquiez ne se fait pas attendre : Virginie Calmels est « limogée » le soir même.

Vous trouvez ça injuste ?

C’est surtout ridicule. Au vu de son interview il était si facile de lui demander sa démission puisqu’elle y était prête. Et de surcroît, en tant qu’élue elle ne peut pas être limogée, c’est d’ailleurs pour ça que le CP ne le mentionne pas. Wauquiez fait du « Trump » c’est à dire qu’il fait de la communication tonitruante au mépris des statuts et du droit. Nicolas Sarkozy avait eu l’intelligence et la courtoisie de demander à NKM sa démission. Je rappelle que Virginie Calmels n’est pas une salariée du parti LR mais une bénévole qui a été élue VPDéléguée à l’unanimité des militants présents au Conseil National de janvier dernier. Et, dans un monde normal, il ne peut pas non plus lui interdire l’accès au parti dont elle est encore membre, elle a aussi été élue membre du Bureau Politique et de la CNI. 

Pourquoi une telle brutalité alors ?

Parce que Wauquiez croit que c’est comme ça que doit faire un chef. Comme il n’a pas le charisme, l’autorité et la capacité de rassemblement d’un Nicolas Sarkozy, ou d’un Alain Juppé, les précédents chefs de ce parti, il sombre dans l’autoritarisme, se méfie de tout le monde et s’isole. Il pratique de la même façon à la tête de sa Région. Curieusement Jean Leonetti n’a pas cru bon d’appeler Virginie Calmels. 

Je ne peux m’empêcher de penser que le comportement de ces messieurs aurait été différent face à un homme. La scène de récupération par Virginie Calmels de ses effets personnels au siège des LR est surréaliste et en dit long sur l’absence de hauteur de Laurent Wauquiez.

Vous étiez là, pouvez-vous nous la raconter ?

Oui je l’avais accompagnée et je m’en félicite. Car se voir interdire l’accès au siège des LR et retrouver ses effets personnels entassés en vrac dans un carton déposé à l’accueil est d’une grande violence. C’est symptomatique de la façon dont Wauquiez exerce le pouvoir. Non seulement il ne supporte pas la controverse mais il veut exterminer toute personne qui se met en travers de son chemin. On est soit « avec » lui, soit « contre » lui. C’est une démonstration de force qui masque une grande faiblesse. Pour lui le fait que Virginie Calmels défende ses convictions et tire la sonnette d’alarme sur l’absence de rassemblement conduisant au rétrécissement du parti s’apparente à une attaque insupportable. Dans le Parisien elle ne dit pas que le parti dérive dans une ligne identitaire et populiste, elle n’a pas encore sa liberté de parole, elle ne fait que parler de la ligne Wauquiez. Drôle de pratique de la démocratie et de respect de la pluralité au sein de LR. Il est inutilement autoritaire et brutal et confisque toute notion de débat.

Dans quel état d’esprit est Virginie Calmels ?

Comme elle l’a dit au 20h de TF1 elle est soulagée. Je suis frappée par son courage car elle n’a jamais cessé de se battre pour ses convictions, et elle a refusé de tomber dans la compromission. Elle a fait ce qu’elle a pu pour oeuvrer au rassemblement et elle a pris sur elle pendant quelques mois pour ne pas montrer les dissensions mais ce fut vraiment pesant et violent. Elle a reçu de très nombreux messages de soutiens, y compris de poids lourds de la Droite. Elle continuera à porter ses idées au sein de son mouvement DroiteLib tout en restant pour le moment membre des LR car elle est convaincue que le courant libéral doit exister au sein de la famille de la droite, tout comme les gaullistes sociaux, en dépit de Wauquiez et de son caractère autocratique. Comme elle l’a dit au 20h de TF1, elle reprend sa liberté de parole et d’action.

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