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Qu'on le veuille ou non, le religieux est indissociable du politique
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Religion

Le fait religieux est au cœur des grandes problématiques de notre siècle et oriente les décisions politiques. Ardavan Amir-Aslani décrypte les nouveaux défis et enjeux auxquels seront confrontés citoyens et dirigeants de tous les États, dans un livre à sortir le 17 novembre, "La Guerre des Dieux. Géopolitique de la spiritualité" . Extraits (2/2).

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Faits religieux et politiques ou géopolitiques sont intimement liés à ceux qui exercent le pouvoir, même si l’on ne peut faire abstraction d’une histoire, des événements et du contexte.

George W. Bush a été l’égérie de la droite religieuse… et sapolitique aurait été inspirée par Dieu ! Même Poutine se réfère à la religion et il ne manquerait pour rien une célébration. Très pieux, il « avoue » avoir été baptisé en secret par une mère dévote – information qui figure dans sa biographie officielle – et avoir porté, sous son uniforme d’officier du KGB, une croix. Toujours est-il qu’il utilise l’Église orthodoxe russe comme une alliée tant dans le domaine intérieur que dans les relations extérieures du pays.

Quand un homme s’identifie à une institution qui est aussi religion, quand la personnalité du titulaire rencontre l’histoire, le cours de celle-ci peut changer. Il est évident que l’influence d’un homme comme Jean Paul II par son parcours, par ses origines polonaises et par le soutien qu’il a apporté au syndicat Solidarnosc n’a pas été sans conséquences sur l’évolution de la Pologne et la fin de l’empire soviétique. Cela étant, cette issue n’aurait pas été possible sans la présence à Moscou de Gorbatchev, les conséquences de la perestroïka et la déliquescence de tout le système économique et plus particulièrement de l’agriculture, car à cette époque l’Union soviétique risquait la famine.

Dans un même esprit, c’est grâce à l’entregent de l’Église, à son implantation et à l’influence de l’archevêque de Manille, le cardinal Jaime Sin, que le dictateur Marcos a été chassé du pouvoir. En Amérique latine, il en a été de même. C’est aussi dans les églises, avec la bénédiction d’une partie de la hiérarchie catholique, que le syndicaliste Lula a pu faire entendre sa voix, un soutien qui l’a aidé dans son parcours vers la présidence du Brésil.

L’influence de certaines religions s’exerce aussi au travers deceux, laïcs, qui détiennent le pouvoir. Un cas a fait l’actualité, c’est celui de Simone et Laurent Gbagbo. L’épouse du président a quitté la religion catholique, après avoir été durant cinq ans à la tête de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), pour le protestantisme et plus particulièrement une branche de l’Église évangélique. Par son entremise, le pasteur Moïse Koré devient le guide du couple présidentiel. C’est lui l’artisan de leur conversion.

À écouter le pasteur, leur parcours politique serait de nature divine : « Ils ont vu Dieu les protéger, les amener là où ils sont. Ils ont vu la main de Dieu les aider à traverser les épreuves… Sans la foi on ne peut rien faire. » Simone Gbagbo dédicacera son livre : « À Laurent qui croyait œuvrer uniquement pour amener à l’existence une vision que Dieu a inscrite derrière [ses] paupières. »

À l’occasion de la sortie de ce livre, un séminaire officiel est organisé à Abidjan autour de la Première dame qui était aussi députée. Interrogée sur l’influence qu’elle a en tant que membre de l’Église évangélique sur le président, elle a pour réponse : « Certains disent que c’est moi qui l’entraîne. D’autres soutiennent même que c’est moi qui le sauve. Mais, en réalité, c’est un croyant pratiquant. Il connaît la parole de Dieu mieux que moi. On le surnomme Pasteur Gbagbo. »

Simone Gbagbo est poursuivie par la justice française pour le meurtre du journaliste Kieffer. Elle a aussi une responsabilité prouvée dans tous les drames qu’ont vécus les Ivoiriens, tant pendant la guerre civile que dans le maintien au pouvoir de Laurent Gbagbo, cinq ans sans que les électeurs puissent se prononcer alors que son mandat était arrivé à échéance.

Durant la campagne présidentielle, les amis politiques du président ne se sont pas encombrés de fioritures pour recruter leurs électeurs dans les temples. Le 2 janvier 2010, le révérend Cakou Willie, une femme, précise alors : « Ma mission se situe dans le cadre de la mobilisation de nos frères et sœurs en Christ pour notre frère en Christ qui est le président de la République, Laurent Gbagbo », ajoutant que « dans le corps du Christ, certains chrétiens n’étant pas contents, j’ai décidé de faire une médiation entre le corps du Christ et le Chef de l’État ».

Des propos qui seront jugés scandaleux tant par les autres candidats que par les chefs des autres confessions. Est-ce l’inspiration divine qui guidait le président ivoirien ? Toujours est-il qu’il doit affronter, en novembre 2010, le jugement des urnes et est défait.

Les voix des électeurs n’ont pas été celles du seigneur auquel ilse référait… et faute de jugement divin, Laurent Gbagbo, maintenant qu’il a perdu le pouvoir, va devoir affronter celui des hommes. Pourtant, il affirmait avoir reçu son pouvoir de Dieu et que seul Dieu le lui reprendrait. Une idée que ne doivent pas partager ses amis de l’Internationale socialiste.

Le fait religieux rythme, qu’on le veuille ou non, la société comme la politique. Ainsi, les clercs usent aujourd’hui du magistère de la parole. Leur influence est réelle – et à l’unisson pour les trois religions du Livre – sur les questions de la vie et de la mort (avortement ou euthanasie) ou sur tout ce qui concerne la bioéthique. Mais une actualité récente l’a démontré encore récemment, si tout ce qui concerne l’intimité de la vie privée a peu d’échos dans la société (divorce, contraception… ), pour des questions se rapportant à la dignité ou au droits de l’homme, les clercs ont de l’autorité et de l’influence. 

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Extraits de La Guerre des Dieux. Géopolitique de la spiritualité, Nouveau monde éditions (17 novembre 2011)

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