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Grèce : les législatives ont apaisé provisoirement les marchés mais elles sont loin d'avoir réglé la crise
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Sursis

Les marchés et les membres de la zone euro sont soulagés, les Grecs ont donné les clefs du pouvoir aux conservateurs de la Nouvelle Démocratie, pro-européens. Paradoxe : ces mêmes hommes politiques ont été à l'origine de la crise, il y a trois ans.

Joëlle Dalègre

Joëlle Dalègre

Joëlle Dalègre est maître de conférences à l'INALCO, spécilisée en civilisation de la Grèce. Elle est notamment l'auteur de La Grèce inconnue d'aujourd'hui, de l'autre côté du miroir, l'Harmattan 2011, 252p. En collaboration avec 4 doctorants ou docteurs de la section grecque de l'INALCO.

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Les « marchés financiers » et l'UE disent : ouf ! La Grèce a « bien » voté ! Ce qui signifie qu'après une heure de grand suspens, les chiffres ont penché en faveur du favori des marchés :  la droite conservatrice d'Antonis Samaras a obtenu 29,66% des voix et le Syriza, 26,89%. Grâce au bonus des 50 sièges accordés au vainqueur, la droite aura 129 sièges (sur 300) et si elle s'allie comme vraisemblablement aux restes du Parti socialiste (12% des voix, 33 sièges) elle aura la majorité absolue. Le conservateur économiste de Harvard, l'a emporté sur le jeune trublion contestataire et marxisant.

Victoire paradoxale ? Le scrutin ne faisait que réaliser le referendum proposé par Georges Papandréou en octobre dernier et si largement condamné, gagner 9 mois n'aurait-il pas évité 9 mois de crise et de déclin accéléré ?  Victoire paradoxale qui donne le pouvoir aux mêmes politiques qui depuis 2 ans sont hués, injuriés, yaourtés, ceux que le vote du 6 mai dernier avait largement condamnés. Antonis Samaras a été député depuis 1977, plusieurs fois ministre, Evangelos Venizélos député depuis 1933, compte-t-on sur ces vieux routiers de la politique pour supprimer le clientélisme, la corruption et les pots de vin ?

Antonis Samaras formera un gouvernement. Mais que les financiers calment leur optimisme ! L'économie grecque est ruinée, le tissu social explose comme en témoigne la persistance du vote pour les néo-nazis de l'Aube Dorée (7% de voix), et le pays est largement divisé. L'examen des votes à l'échelle régionale montre que la Nouvelle Démocratie (A.Samaras) s'appuie sur les bastions de la droite traditionnelle, le sud du Péloponnèse, les départements riverains de la frontière nord où elle obtient 40 à 42% des voix ; le Syriza, dans la même proportion s'appuie sur des bastions de gauche comme la Crète ou les îles Ioniennes mais surtout sur l'ensemble de l'agglomération athénienne au sens large, sur les  grandes villes, Patras, Salonique, Hérakleion.

Il y a donc deux Grèce en jeu. Le nouveau gouvernement se trouvera face à une virulente opposition parlementaire, les communistes et l'Aube Dorée, opposants de principe, et le Syriza qui a déjà annoncé qu'il ne ferait aucun cadeau, il risque aussi une forte opposition dans les rues de la capitale où se trouvent précisément les troupes de choc du Syriza. Car le court succès de Samaras traduit l'inquiétude, la peur de la catastrophe mais pas le soutien populaire.

Enfin jusqu'où l'UE est-elle prête à « récompenser » Antonis Samaras de sa victoire ? S'il a milité pour le maintien du plan d'austérité, lui qui avait refusé de le soutenir tant que Georges Papandréou était au pouvoir, il a aussi largement annoncé qu'il demanderait des aménagements. Si l'UE veut soutenir sa victoire limitée, si elle veut couper l'herbe sous le pied du puissant Tsipras, il lui faut lâcher du lest, c'est-à-dire de l'argent. Que Samaras applique les règles européennes fidèlement ou non, l'argent ne va pas surgir immédiatement, les caisses de l'État ne pourront plus fin juillet verser retraites et salaires.

Alors, combien les marchés, l'UE et Mme Merkel sont-ils prêts à verser ? Là est la question. Le soulagement risque d'être bref.

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