Grand Paris : une invraisemblable architecture institutionnelle à laquelle Valérie Pécresse fait bien de s'opposer<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Grand Paris : une invraisemblable architecture institutionnelle à laquelle Valérie Pécresse fait bien de s'opposer
©

Pari raté

Nouvelle présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse souhaite supprimer la métropole du grand Paris telle qu'elle est bâtie aujourd'hui. Une proposition qui va dans le bon sens, car si ce niveau de pouvoir n'est en théorie pas forcément inutile, il a été, en l'occurrence, mal conçu.

Atlantico : Interviewée par le Figaro jeudi dernier, Valérie Pécresse a déclaré : "la droite devra s'engager à supprimer la Métropole du grand Paris". Ce nouveau niveau de pouvoir est-il selon vous inutile comme elle le dit ?

Laurent Chalard : La Métropole du Grand Paris n’est pas forcément un niveau de pouvoir inutile, si son échelle géographique correspondait mieux au périmètre de l’agglomération parisienne, c’est-à-dire à l’unité urbaine au sens de l’Insee, qui comprend Paris intra-muros et l’ensemble des communes en continuité du bâti de la capitale, soit un peu plus de 400 communes pour 10,6 millions d’habitants en 2013. Or, le périmètre actuel de la métropole du Grand Paris apparaît restreint, ne comprenant que 131 communes pour près de 7 millions d’habitants en 2013, ce qui en fait une métropole incomplète car rien ne justifie l’exclusion des communes urbaines de la Grande Couronne, dont les villes nouvelles, et des équipements métropolitains qui s’y situent comme l’aéroport de Roissy, le pôle en développement de Saclay ou le futur port fluvial d’Achères. Cette situation signifie que la métropole du Grand Paris sera en incapacité de gérer les problèmes globaux de la métropole, dont la question urgente du logement, qui ne s’arrête pas aux limites de la Petite Couronne, et du développement économique, dont les pôles les plus prometteurs se situent en Grande Couronne.

Quelle était précisément l'ambition originelle du projet de la Métropole du grand Paris ? Peut-on dire que l'objectif est atteint ?

L’ambition originelle des promoteurs de la métropole du Grand Paris était d’en faire une structure de gouvernement métropolitain rivalisant avec les structures existantes des autres villes globales concurrentes, qui ont soit une commune-centre très étendue à la population très élevée, ou soit une structure de gouvernement métropolitain, comprenant un périmètre bien plus vaste et une population bien plus importante que Paris intra-muros. L’objectif était de pouvoir gérer les grandes problématiques d’aménagement du territoire et de développement économique à l’échelle adéquate pour éviter les concurrences stériles entre les territoires et mieux identifier la métropole parisienne à l’internationale, en particulier dans les classements internationaux, qui reposent trop souvent sur les limites administratives. Or, le morcellement communal francilien fait que dans certaines comparaisons internationales, seule Paris intra-muros est retenue, ce qui biaise les résultats au détriment de Paris. Un exemple récent est le classement anglo-saxon des métropoles les plus visitées du monde, qui distingue Marne-la-Vallée (c’est à dire Disneyland) de Paris, ce qui lui permet d’affirmer que Londres est désormais plus visitée que Paris !

Dans sa configuration actuelle, la métropole du Grand Paris, progrès certain par rapport à la situation d’origine, ne répond bien évidemment pas à l’ambition affichée au départ. Elle apparaît comme le verre à moitié vide ou à demi-plein selon le positionnement de l’observateur. En effet, son territoire comme ses compétences apparaissent limités.

Que faudrait-il faire pour que la métropole parisienne soit administrée par un système plus cohérent et efficace selon vous ?

A mon avis, conformément à ce que le législateur proposait, distinguer la région de la métropole se justifie, dans le sens où l’échelle régionale n’est pas la même que l’échelle métropolitaine, mais pas dans les périmètres tels qu’ils ont été constitués car ils conduisent à une concurrence stérile entre la métropole et la région. L’idéal serait de constituer une grande région parisienne, incluant l’ensemble des départements limitrophes sous influence parisienne (Oise, l’Eure-et-Loir, le Loiret, des parties de l’Aisne, de l’Eure et de l’Yonne), avec en son cœur, une métropole du Grand Paris, correspondant à la partie urbanisée dense de l’agglomération, c’est à dire grosso modo l’unité urbaine définie par l’Insee, dont les problématiques communes nécessitent une gestion spécifique.

En refusant d’étendre le périmètre de la région Île-de-France, contrairement à ce qui a pu se faire dans la majorité des autres régions françaises, le gouvernement de Manuel Valls a pris le risque d’une concurrence avec la métropole du Grand Paris, ce dont les propos de Valérie Pécresse témoignent. En effet, dans les autres pays du monde où des gouvernements métropolitains se sont mis en place, lorsque le périmètre de la structure métropolitaine correspondait à une large partie de la population et de la richesse économique de la région dont elle faisait partie, la concurrence entre les deux échelons administratifs a conduit au dysfonctionnement, voire à la disparition pure et simple, de la structure métropolitaine, la région l’emportant.

Dans son interview, Valérie Pécresse juge que "la Métropole est dépassée avant même d'avoir été créée, puisqu'une métropole de 7 millions d'habitants est condamnée à figurer en queue de peloton dans tous les classements internationaux après Londres, Shanghaï, New York…". Qu'en pensez-vous ? Qu'est-ce que la comparaison avec les métropoles du monde nous dit sur la Métropole du grand Paris ?

Si les propos de Valérie Pécresse ne sont pas totalement faux à l’échelle de la planète, il n’en demeure pas moins qu’avec 7 millions d’habitants, la métropole du Grand Paris se rapproche de la métropole londonienne, qui comptait 8,5 millions d’habitants en 2014, faisant bonne figure à l’échelle européenne. C’est donc un progrès par rapport à la situation préexistante. Cependant, il est bien évident que l’échelle régionale actuelle de l’Île-de-France de près de 12 millions d’habitants permettrait de peser plus largement à l’échelle européenne, sur le plan démographique tout du moins, permettant de distancer Londres, puisque le Royaume-Uni n’a pas d’échelon administratif équivalent à la région, et de faire concurrence à la commune de Moscou, qui se situe approximativement au même niveau de population.

Il faut cependant garder en tête que le poids économique est plus important que la taille démographique dans la concurrence internationale. Si Paris est largement moins peuplée que de nombreuses métropoles asiatiques, elle n’en demeure pas moins économiquement beaucoup plus puissante. La métropole du Grand Paris à 7 millions d’habitants aurait déjà une place appréciable sur l’échiquier mondial.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !