Un "gouvernement Goldman Sachs" en Europe ? Une question imbécile !<!-- --> | Atlantico.fr
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Pourquoi le fait d'avoir travaillé chez Goldman Sachs devrait-il décrédibiliser les nouveaux dirigeants européens?
Pourquoi le fait d'avoir travaillé chez Goldman Sachs devrait-il décrédibiliser les nouveaux dirigeants européens?
©Reuters

Idées reçues

Mario Monti, Mario Draghi et Franz Achleitner sont tous trois issus de la banque Goldman Sachs. Leur désignation à la tête du gouvernement italien, de la Banque centrale européenne et du Fonds européen de stabilité financière est-elle pour autant un scandale ?

Jean-Marc Fedida

Jean-Marc Fedida

Jean-Marc Fedida est avocat au barreau de Paris. Egalement essayiste, il est l'auteur de Impasses de Grenelle : De la perversité écologiste (Editions Ramsay, 2008).

 

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Ces derniers jours la désignation à des fonctions et des responsabilités publiques particulièrement éminentes d’anciens cadres dirigeants de la banque Goldman Sachs a fait l’objet d’une polémique inappropriée et désagréable à tous égards. Les articles de Martine Orange sur le site Mediapart (accès payant) et celui de Sophie Fay qui dans le Nouvel Obs sous l’intitulé "La Pieuvre Goldman Sachs" - titre évocateur s’il en est - ont émis des réserves sur les circonstances de la désignation de ces personnalités en raison de leur expérience professionnelle passée en qualité de représentant ou de conseil de la Banque Goldman Sachs. Avoir œuvré dans cette institution à la déconfiture retentissante et spectaculaire est à leurs yeux disqualifiant de leur compétence professionnelle. C’est en outre, lourdement suspect pour l’intégrité des intéressés.

Cette position relativement outrageante pour les personnes en cause procède d’une pétition idéologique inavouée et sous-jacente en vertu de laquelle les responsables directs de la crise financière en auraient à terme bénéficié. Après avoir organisé et profité de la désorganisation des marchés, Messieurs Draghi, Monti et Achleitner, qui au sein de Goldman Sachs occupaient respectivement les postes de vice-président de la branche européenne, conseiller international et économiste de la banque, auraient ainsi été désignés en qualité de président de la Banque centrale européenne (BCE), président du Conseil italien et conseiller du Directeur général du Fonds européen de stabilité financière (FESF). 

Comme des bandits organisés, ils auraient créé des circonstances favorables pour prendre le pouvoir, et ceux qui le leur ont donné sont évidemment des naïfs imbéciles.

Mais à ce stade cette dénonciation, dont nous dénonçons la fausseté et le caractère profondément idéologique, n’en est qu’à son mi-parcours, au delà de ces personnes, au delà de leur incarnation, ce sont bien les marchés financiers qui sont les criminels et qui sont pointés pour avoir ainsi pris le pouvoir par personnes interposées.

"Parti de l'étranger"

Ainsi des intérêts de l’ombre apatrides et suspects, ont à la faveur d’un coup pris le pouvoir sur nos vies. Refrain de l’histoire.

Certes, personne n’est allé encore jusque là, encore dans l’accusation tout juste, mais gageons que ce n’est que momentané et qu’il s’agit à coup sûr de préparer l’opinion à cette prochaine vague : il existe bien une pieuvre bancaire, munie de tentacules apatrides. Un parti de l’étranger et la finance comme origine et cause de tous les déboires du monde !

Mais justement pourquoi une telle accusation n’est-elle pas franchement et ouvertement portée ? Pourquoi messieurs Draghi, Monti et Achleitner, qui conjuguent ensemble la tare d’avoir exercé des fonctions chez Goldman Sachs (et qui n’avaient au demeurant rien en commun, mais peu importe) et d’avoir été nommés récemment à des responsabilités éminentes, ne sont-ils pas plus directement accusés d’être les coupables de la crise ? Une réponse s’impose.

Responsabilités individuelles à la crise ?

Parce que cette question est imbécile et que le simple fait de la poser en dévoile le ridicule des ressorts, elle a de surcroît un contenu malodorant.

Simpliste, elle repose sur l’idée que la crise économique et financière a pour cause une responsabilité individuelle identifiée. Elle a pour cause les agissements des personnes désignées, qui ne sont que les marionnettes d’une banque, elle même incarnation du mal, c’est-à-dire des milieux financiers. Une responsabilité sans nuances, du fait des personnes désignées travaillant au service d’une même organisation apatride. 

On sait que tout cela est aussi faux aujourd’hui qu’hier. Mais aujourd’hui comme hier, il n’est pas indifférent de relever que les premiers traits viennent de gauche. Ils contribuent à éclairer rétrospectivement le cheminement intellectuel et le parcours intellectuel d’un Pierre Laval, avocat des pauvres puis député socialiste dénonciateur zélé des capitalismes égoïstes, devenu chef du gouvernement du Maréchal Pétain en 1944, fusillé à Fresnes en 1945, encore dénonciateur des financiers apatrides !

Et la compétence ?

Gardons nous en cette période de la dangereuse tentation du simplisme, accordons nous pour admettre que les causes complexes peuvent exister et que les ressorts économiques sont toujours résistants aux assauts des idéologies. Les incantations sont parfois vaines pour comprendre les faits. Loin des complots, l’accession aux responsabilités de messieurs Draghi, Monti et Achleitner, à en croire leurs détracteurs, n’est peut-être que la reconnaissance de leur compétence et de leur expérience.

Quant au marché, il n’est peut-être pas le lieu du dévoiement critiqué, mais par l’équilibre vers lequel il tend, l’orientation de la vertu pour des gouvernements naguère égarés dans le populisme et la facilité.

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