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La gestuelle des candidats décortiquée : dis moi comment tu bouges, je te dirai qui tu es...
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Tics

La communication ne passe pas seulement par les mots : la gestuelle a aussi son importance. D'autant plus en politique, où les candidats doivent susciter la confiance et l'adhésion des spectateurs. D'Eva Joly la stressée à Mélenchon l'autoritaire, tour d'horizon des prétendants à l'Elysée.

Stephen Bunard

Stephen Bunard

Stephen Bunard est coach pour dirigeant, synergologue (analyste du langage corporel) et conférencier. Il enseigne à l'ENA, à l'Université Paris-Dauphine et à l'INSEP. Il est conseiller à l'académie des Sciences du comportement, basée à Bruxelles. Il est régulièrement sollicité par les médias français et internationaux pour analyser les gestes de politiques, patrons et sportifs. Il est l'auteur du livre Leurs gestes disent tout haut ce qu'ils pensent tout bas aux Editions First. Toutes les informations le concernant sur son site : www.stephenbunard.com

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Analyse sémiologique des différents candidats à l'élection présidentielle à travers leurs gestes et attitudes.

Eva Joly, la stressée

Sans ses lunettes, la tête penche en avant. Cela indique qu’elle est en retrait dans l’échange, un trait qu’elle partage avec Nicolas Sarkozy.

D’autre part, elle utilise beaucoup sa main droite, elle contrôle son discours mais lorsqu'elle est lancée sur des sujets qui lui tiennent à cœur, sa main gauche s’anime. Ce qui l'handicape c’est le stress qui passe par ses mains en auto-contact, en position assez basse et en tricotage.

C’est l’image même de la personne stressée devant l’examinateur, dont le léger chevrotant de sa voix liée à sa diction se reflète dans son attitude. Tous ces facteurs anxiogènes, éveillent chez le spectateur un sentiment qui relève plus de la pitié que d’une réelle attention à ses propos.


François Bayrou, le figé

Le problème de François Bayrou, ce n’est pas ce qui revient souvent, mais ce qui devrait venir mais qui ne vient pas. Il cligne très peu des yeux et hausse très peu les sourcils. Or, il faut savoir que l’être humain cligne en moyenne douze fois par minute, soit une fois toutes les cinq secondes. Ce petit geste indique que la personne enregistre des informations. Si elle ne cligne pas des yeux, cela signifie qu'elle n'est pas vraiment avec vous. Chez François Bayrou, il y a un brouillage entre une gestuelle des mains qui paraît affective, sincère, engagée et cette absence de clignement qui ne le montre pas présent à l’ouvrage.

Par ailleurs, une personne hausse les sourcils pour attirer l’attention sur ce qui semble important dans le discours. Qui ne le fait pas a tendance à rendre le discours assez monotone. En cela, il est très différent de Jean-François Copé qui n’arrête pas de les bouger comme si tout ce qu’il disait était de la première importance. 

Cette attitude révèle une sorte d’hyper-contrôle qu’exerce l’ancien bègue. Ce n’est pas le même type de contrôle que chez François Hollande, qui veut faire attention à ce qu’il dit, être nuancé et précis, de manière consciente. Chez Bayrou, c’est beaucoup plus enfoui. Prenez par exemple la vidéo de ses vœux 2012 : pendant presque deux minutes trente il ne cligne des yeux qu’une ou deux fois. Là encore, tout est une question d’amplitude et de fréquence. De la même façon que l’on a l’impression que Nicolas Sarkozy en fait trop, on a le sentiment avec François Bayrou qu’il n’en fait pas assez et apparaît figé. Or, ses deux mains sont participatives, dans des gestes assez élevés au niveau du plexus solaire. Cela renseigne sur son côté investi, engagé, avec parfois un geste avec tous les doigts de la même main joints un peu à la manière des Italiens. Ce geste on le retrouve souvent chez Martine Aubry, il est le marqueur de la sincérité.



François Hollande, l'égalitaire

François Hollande n’est pas très expressif, sa gestuelle montre qu’il se contrôle énormément. Il utilise davantage sa main droite. Naturellement, c’est la main qu’on utilise pour argumenter, expliquer, convaincre, mais ce qui est frappant chez lui c'est l’absence de la main gauche, qui est la main de la spontanéité. Chez certains autres candidats les deux mains sont utilisées de manière simultanée ou alternative.

En revanche, un geste revient souvent chez lui, c’est lorsqu'il place ses deux mains à la verticale, presque à angle droit, comme s'il faisait une barrière. Ce geste est plutôt positif, car en général il renseigne sur le caractère égalitaire des propos tenus, notamment lorsqu’il parle de la protection sociale, ou de la relation qui est en train de se jouer avec l’autre. Il refait ce geste très souvent dans ses discours. C'est plutôt rare, car le plus souvent on apprend aux hommes politiques à diriger leurs mains vers les autres. Ce geste là n’est pas de ceux qu’on apprend, il lui est naturel. C’est encourageant quand son clip de campagne le montre très axé sur l’égalité. Le bémol qu’on pourrait mettre est que ce geste n’est pas facilement détectable pour l’opinion publique.


Clip officiel de campagne de François Hollandepar francoishollande

Le principal souci de François Hollande est qu’il a travaillé sa gestuelle à la façon de François Mitterrand. C'est bien trop évident parce que la gestuelle de Mitterrand lui était propre, tenter de l’imiter est assez risqué. C'est dommage, car cette idée du mouvement de bras en moulinet est révélatrice de la volonté d’initier un changement et d’amener les gens vers ce changement, mais comme on perçoit le fait que c’est un geste appris, il s’en trouve totalement décrédibilisé.

Jacques Cheminade, l'étonné

Un trait frappant et récurent chez ce candidat est la façon dont il plisse le front quand il veut montrer son étonnement, mais il le fait trop longtemps. En général quand on est étonné, on a un haussement de sourcil bref. Et on peut se demander quelle est sa motivation à montrer l’étonnement. En réalité sa gestuelle est assez obscure.

Jean-Luc Mélenchon, l'autocrate

Ce qui est frappant chez Jean-Luc Mélenchon c’est que comme tous les idéologues il fait des gestes élevés, avec des gestes au-dessus des épaules, et pas seulement en situation de discours mais aussi sur les plateaux télés ce qui lui donne une image d’autocrate, parce qu’autoritaire voire agressif. La bonne zone de gestuelle est le thorax. Quand les gestes se font plus bas, ils renvoient l’image de quelqu’un qui n’est pas investi ; trop haut, cela signifie qu’on intellectualise un peu trop le discours. Ses rides aussi donnent des indications sur lui, car il possède à la fois des rides d’anxieux et d’émotif, toutefois beaucoup plus de rides d’anxiétés que d’émotivité.

Mais ce qui attire l’attention chez Jean-Luc Mélenchon c’est sa bouche. Sur son côté droit, elle a tendance a faire l’effet que l’on a baptisé « la lèvre de chien » c’est-à-dire qu’elle a tendance à remonter légèrement, mais assez régulièrement, geste qui indique le mépris d’autrui ou par rapport aux propos qu’il tient sur des sujets qui le rebutent. En revanche, à gauche sa bouche est tombante et montre de l’amertume. On retrouvait cette moue chez Ségolène Royal au cours du premier débat de la primaire socialiste en 2007, où à mon avis elle n’y croyait plus.

Chez Jean-Luc Mélenchon, on retrouve assez régulièrement des micros expressions de dégoût qui sont assez cohérentes avec sa personnalité, il inscrit son discours dans un contexte dur et des sentiments personnels, alors que Marine Le Pen apparaît d’une douceur angélique.


Clip officiel : Mélenchon - Partageons les...par PlaceauPeuple

Marine Le Pen, l'apaisée

Elle est l’image même de la séduction. Elle présente majoritairement la partie gauche de son visage dans son affiche et en situation de débat, elle crée du lien et fait entrer l’autre dans son univers. Elle a le buste en avant, ce qui montre qu'elle est encore dans le combat, dans le match. Elle a aussi de petits plissements d’yeux involontaires et active non consciemment beaucoup les petits muscles autour des yeux que l’on appelle les fentes palpébrales.

Généralement leur utilisation indique que l’on est bien avec quelqu’un ou mu par l’émotion positive. Ses configurations de tête sont toujours dans la douceur, soit penchée à gauche. Et c’est tout à fait naturel, ce n’est pas quelque chose qui semble travaillé. Elle montre quelqu’un qui est apaisé et elle l’est d’ailleurs au fond d’elle-même.

Elle a aussi une belle gestuelle de main, harmonieuse, avec des gestes assez élevés mais pas trop, suffisamment en tout cas pour convaincre de son investissement, les deux mains sont participatives, et son avantage est qu’il y a peu d’auto-contact des mains qui indiquent généralement la gêne.


Marine Le Pen Spot de campagne 2012par warrant

Nathalie Arthaud, la Mélenchon fille

C’est un peu la version féminine de Jean-Luc Mélenchon, en tout cas en ce qui concerne le mouvement « lèvre de chien », qui exprime le mépris.

Nicolas Sarkozy, le performant

C’est le contrepied de François Hollande, puisqu'il très expressif et nous apprend qu’on gagne vraiment à l’être. L’exemple le plus connu est son mouvement d’épaule, qui renseigne sur sa volonté d’être à la hauteur des choses, et notamment avec l’épaule droite. Un mouvement d’épaule droite exprime souvent l’idée de performance, et l’épaule gauche est mobilisée quand on veut exprimer la notion de défi personnel. Par exemple, quand il a annoncé sa candidature, on voyait beaucoup plus son épaule gauche que son épaule droite. Il veut montrer qu’il est toujours à la recherche de la performance. C’est un signe positif, qui a été tourné en dérision en raison de sa fréquence. En effet, chez Nicolas Sarkozy, cette attitude fait l’objet d’une ritournelle gestuelle. On peut expliquer cette fréquence par le poids des enjeux et de la fonction présidentielle.

D’autre part, il a des codes de dominants : l’index pointé, le sourcil droit levé qui met à distance.

Là ou le bât blesse, c’est que comme Nicolas Sarkozy est très expressif, beaucoup de non-dits passent par la bouche. Chaque fois qu’il est agacé ou qu’il désire maîtriser son discours, ses lèvres vont entrer dans sa bouche. Quand un des journalistes de France 3 avait refusé de le saluer il y a cinq ans, on a assisté à un festival de mouvements de bouche. L'opinion publique, qui ne connait pas le geste, a pu le considérer comme une contrepartie à ce caractère très expressif.

Enfin, Nicolas Sarkozy a un peu le même problème que François Hollande dans le sens où il a tendance à fabriquer des gestes et a beaucoup recours aux gestes figuratifs, c’est-à-dire qu’il mime tout ce qu’il dit. Or ces gestes sont souvent utilisés par les menteurs. On lui a surement conseillé de les utiliser pour convaincre du bien fondé de son discours, mais malheureusement, quand on fabrique des gestes on fabrique des mensonges. Donc, dire à Nicolas Sarkozy de mimer ses paroles est contreproductif, tout comme lui demander de contrôler ses mouvements d’épaules.


Clip officiel de campagne de Nicolas Sarkozypar NicolasSarkozy

NB : Nicolas Dupont-Aignan et Philippe Poutou n'ont pas été analysés par l'auteur qui n'a pu les étudier précisément.



Clip de campagne officiel n°1 de Philippe Poutou...par E_varlin

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