Génération chirurgie labiale : d’où vient cette obsession féminine des lèvres parfaites ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les jeunes filles âgées de 18 à 24 ans sont les plus enclines à se faire rétrécir les lèvres vaginales.
Les jeunes filles âgées de 18 à 24 ans sont les plus enclines à se faire rétrécir les lèvres vaginales.
©wikipédia

Retrousser les babines

En Grande-Bretagne, une entreprise de cosmétique a révélé que les jeunes femmes actuelles recouraient plus à la chirurgie labiale que les autres. En cause, le changement de statut des zones intimes et une banalisation de celles-ci du fait de la pornographie.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : Un groupe de cosmétiques britannique, Transform, a révélé récemment dans une étude que les jeunes filles âgées de 18 à 24 ans sont les plus enclines à se faire rétrécir les lèvres vaginales. Pour quelles raisons, et pourquoi cette tranche d'âges précisément ? 

Michelle Boiron : La tendance au look "sexe de petite fille" est arrivée en parallèle à la tendance au sexe épilé. En effet les poils pubiens masquaient le sexe féminin. Avant cette tendance, les femmes pour voir leur sexe avaient recours au miroir ! "Miroir ai-je le plus beau sexe?" Peu de jeunes filles  se confrontaient à cette question et à la vision de leur sexe. Cela participait au mystère du sexe féminin qui ne se découvrait réellement que dans la 1ère relation sexuelle pour la femme et l'homme. C’était l’acte qui était au cœur de la relation et pas son esthétique. Aujourd'hui le "sexe" n'est plus un mystère: Il s’affiche sur tous les pages des magazines comme la dernière paire de chaussures à la mode qu’il faut porter. Le sexe a son look et si vous voulez être " in " il faut l’avoir. Si vous ne l’avez pas vous pouvez l’obtenir grâce à la chirurgie esthétique. La tendance dans les magazines étant au sexe épilé et aux lèvres réduites, les jeunes filles suivent juste la tendance et la mode du moment. Cela participe à leur bien-être et leurs permettent de se mettre à poil plus rassurées ! Elles éprouvent le besoin de cette conformité, gage peut être pour elles de se sentir mieux dans leur corps pour affronter les premiers rapports sexuels ? Ce complexe résolu, elles se sentent plus aptes à vivre une sexualité harmonieuse avec une image de leur sexe conforme à la nouvelle norme.

S'agit-il d'une opération comportant des risques ? Cette opération peut-elle avoir des conséquences sur l'évolution du corps de ces jeunes filles, notamment au moment où celles-ci décideront d'avoir des enfants ? 

Cette opération comporte les mêmes risques que toutes les opérations de chirurgie esthétique, quel que soit la zone opérée. Les techniques chirurgicales employées nécessitent un savoir faire qui respecte l’harmonie du corps et une certaine exigence du résultat, conforme surtout à l’attente espérée. La patiente a une représentation idéalisée de son sexe. C’est pour cela qu’il me parait essentiel de prendre le temps avant l’opération d’échanger avec elle sur l’objectif de cette opération. On est dans " l’avoir " ! Une fois qu’elles ont ce sexe conforme, il s’agit alors " d’être " avec ce nouveau sexe qui est censé participé à leur épanouissement sexuel. Ça c’est fait ! Adieu les complexes de lèvres asymétriques, trop longues trop grosses, pas à la bonne couleur… En revanche il n'y a pas d’incidence sur l’évolution du corps de ces jeunes filles, à l’excepté de celle de la mode qui comme son nom l’indique bouge selon les époques ! Aucune incidence sur les enfants qu’elles décideront d’avoir. En revanche la sexualité malgré tous les progrès de la médecine reste quand même le moyen le plus adéquate pour faire des enfants. Tous les moyens sont-ils bons pour réussir sa sexualité ? Force est de constater que les jeunes filles d’aujourd’hui somatisent beaucoup et développent des pathologies vaginales comme les mycoses à répétition, le vaginisme… Elles subissent une pression qui s’étend aussi à la réussite sexuelle. Cette pression s’étend à l’esthétique intime.

Quelle part de responsabilité est imputable à la pornographie dans ce phénomène observable chez les jeunes filles de 18 à 24 ans ? La pornographie influence-t-elle à ce point ces jeunes filles quant à la conception et l'esthétisme du corps féminin ? 

La pornographie joue un rôle important depuis qu’elle s’est insinuée dans notre sexualité, dans notre ’intimité. L’intimité comme son nom l’indique n’avait pas vocation à être exposée. On ne peut certes pas regretter l’évolution des mœurs qui à partir de 68 nous a libéré  du poids qui pesait sur la sexualité après 2000 ans de culpabilité judéo chrétienne et d’interdit. La sexualité était surtout au service de la reproduction et la jouissance était en plus. On est aujourd’hui dans un excès inverse et l’intrusion dans notre intimité est inacceptable.

L’initiation à la sexualité se fait de plus en plus par la vision de films pornographiques qui a remplacé le corps à corps un peu gauche et émouvant de la première fois. La performance, le savoir-faire sont enseignés. Les jeunes s’y préparent comme pour passer un examen. Quand le grand professeur est incarné par la pornographie, on imagine l’impact sur une sexualité naissante ! On ne fait plus confiance à ses instincts, à ses pulsions, à son corps. Le film porno pousse à penser que le sexe se construit autour de l’excitation de l’homme et de sa jouissance. La jeune fille d’aujourd’hui qui a entre 18 et 24 ans est censée  être une jeune fille libérée. Or on constate qu’à peine sortie de l’adolescence et de la transformation de son corps de jeune fille en corps de femme, (le fameux complexe du homard de françoise Dolto) elle se retrouve au seuil de la sexualité à devoir prendre comme modèle pour sa sexualité naissante des actrices du porno.

Outre le confort esthétique, pour quelles autres raisons les femmes désirent-elles avoir recours à cette opération chirurgicale ?

Les femmes pratiquent cette opération non seulement pour l’esthétique du moment, mais aussi parce qu’elles éprouvent une gêne au quotidien, parce qu’elles pratiquent certains sports comme le vélo par exemple. Les modes vestimentaires de plus en plus près du corps et les sous-vêtements comme le string ont aussi attiré l’attention sur leur sexe.

La pornographie est devenue l’étalon, la référence en matière de sexualité, elle, a ses tendances, sa mode ! Alors qu’il y a 30 ans, le porno montrait des sexes de femmes avec des lèvres charnues et des poils. Les codes du pornos ont changé, et exhibe aujourd’hui des vulves juvéniles sans poil. Les femmes d’aujourd’hui les prennent comme modèle. Elles veulent que leur sexe ressemble à celui des actrices du porno. Comme si ces femmes détenaient la clé d’une sexualité réussie. Internet et sa facilité d’accès a généralisé la pratique d’une sexualité électronique. La facilité d’accès a entrainé une consommation accrue des hommes pour les films pornos.En revanche le développement de la chirurgie de l’intime pour la femme s’est vraiment développé à partir de la reconstruction du clitoris des femmes excisées. On osait enfin en parler. On pouvait évoquer cette zone taboue et en plus on pouvait pratiquer une chirurgie réparatrice. C’est une énorme avancée pour les femmes. Il ne faudrait pas banaliser ces opérations qui touchent à l’intime. Une vulve n’est pas un nez. Rappelez-vous les nez en trompète des années 75. Il faut être prudent et travailler en amont la raison du complexe. Et pour finir recommander aux jeunes filles qui sont tentées par la chirurgie de l’intime de ne la pratiquer que pour elles et seulement pour elles et non pas pour un homme ! Leur préférence en matière de vulve change d’un homme à l’autre et tous ne sont pas aussi influencés par la mode du moment. La sexualité est la rencontre de deux êtres uniques, une alchimie qui ne peut se construire ni s’inventer. Elle est unique et en aucun cas ne peut être standardisée. Ou alors on retombe dans le virtuel. Chaque vulve est unique et c’est ce qui fait son charme !

>>>>>>> Lire sur le même sujet : Le complexe de la vulve : les femmes (aussi) peuvent être complexées par leurs organes sexuels

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