Gaza et Yémen vont-ils coûter sa réélection à Joe Biden ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président des Etats-Unis, Joe Biden, lors d'une conférence de presse.
Le président des Etats-Unis, Joe Biden, lors d'une conférence de presse.
©Jim WATSON / AFP

Campagne électorale

Les frappes sur les milices houthies ajoutent à la colère des électeurs musulmans ou de certaines catégories de démocrates contre la politique américaine au Moyen-Orient.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico : Joe Biden a décidé de frappes au Yémen, en réponse aux actions de troupes houthies qui s’attaquent actuellement aux navires traversant la mer Rouge. Depuis, certaines figures médiatiques comme le directeur exécutif adjoint du Conseil des relations américano-islamiques (CAIR) n’ont pas hésité à parler de frappes "illégales" et à déplorer cette action. Faut-il penser que Joe Biden va perdre des points auprès de l’électorat musulman en raison de l’engagement américain dans ce conflit ?

Gérald Olivier : L’électorat musulman n’a pas, aux Etats-Unis, l’influence qu’il a en France. C’est un électorat marginal et avec une incidence plus locale quez nationale. Il existe des régions avec une forte concentration population de confession musulmane, soit d’origine arabe, soit d’origine nord-africaine. C’est le cas dans le Michigan, pour la circonscription représentée au Congrès par madame Rachida Tlaib, elle-même d’origine palestinienne, ou dans le Minnesota pour la circonscription de madame Ilyan Omar, Américaine d’origine somalienne, arrivée aux Etats-Unis grâce à Barack Obama. L’ancien président de la République avait autorisé l’implantation de toute une communauté somalienne à cet endroit, ce qui a ensuite permis à madame Omar d’être élue représentante du district.

Cela dit, ces électeurs n’ont guère d’autre choix que de voter pour Joe Biden. Il n’y a pas un seul qui affiche des positions pro-Hamas, pro-Houthi ou pro-Iran. L’administration de Joe Biden n’a donc sans doute pas pris un très grand risque. Celui du procès en inaction, émanant d’un tout autre électorat, aurait sans doute pu s’avérer plus coûteux,

 Une nouvelle campagne en ligne cible d’ailleurs le président de la République américaine. Elle est représentée par le hashtag #AbandonBiden. Ce genre de mobilisation est-elle de nature à inquiéter le président américain, selon vous ?

Gérald Olivier : Indéniablement, le Parti Démocrate est divisé sur la question Biden. Certains pensent que Biden est trop âgé et trop diminué pour gouverner et faire campagne. Lui semble être déterminé à le faire,  Un certain nombre d’intervenants, comme David Axelrod – qui a été l’un des principaux conseillers de Barack Obama– estiment qu’avec Joe Biden en candidat, le parti va à une défaite assurée. Selon eux, il devrait se retirer et une campagne a été engagée pour le convaincre de le faire. Elle pourrait prendre de l’ampleur d’ici l’été. Rappelons que tant que la convention nationale du parti n’a pas eu lieu le choix du candidat n’est pas arrêté.   

Cette considération ne repose pas seulement sur la politique menée par Joe Biden et son administration dans le cadre des récents conflits au Proche-Orient, entre le Hamas et Israël. Bien sûr, cette ligne politique lui vaut de perdre une partie de l’électorat musulman, ainsi que nous l’avons déjà évoqué. Cependant, l’électorat juif est, aux Etats-Unis, beaucoup plus important numériquement et financièrement parlant. N’oublions pas non plus la situation dans laquelle l’Amérique se trouve aujourd’hui plongée : d’un côté, on retrouve l’un des alliés traditionnels du pays, qui est la victime dans le cadre du conflit réactivé depuis le 7 octobre dernier. En face, il y a un agresseur : les terroristes du Hamas, qui ont fait des centaines de victimes parmi les civils Israéliens, dont des femmes et des enfants tués, violés ou capturés. 

Néanmoins, force est de constater qu’il y a, dans le cadre de ce conflit et notamment au sein de l’électorat juif américain, une certaine division entre ceux que l’on pourrait qualifier de prosionistes et les autres antisionistes. Il existe aussi une mouvance très vocale au sein de l’extrême gauche radicale, qui est st ouvertement antisioniste , voire antisémite. Elle a clairement pris le parti du Hamas dans ce conflit. 

Sans doute y aura-t-il, le 5 novembre prochain, une division d’une partie du vote démocrate et une défection des voix qui seraient naturellement allées à Joe Biden, en raison de la politique menée aujourd’hui au Proche-Orient. Mais ces voix, encore une fois, ne se reporteront pas sur le candidat Républicain, qu’il s’agisse de Donald Trump, de Ron DeSantis ou de Nikki Haley qui affichent un soutien encore plus fort à Israël

 D’autres divisions sont à craindre pour les Démocrates, si le conflit actuel à Gaza n’est pas terminé cet été, la convention nationale démocrate qui aura lieu en août à Chicago pourrait être entachée par des manifestations et des heurts. Cela donnerait une image négative du parti et pourraient faire perdre des voix à Biden, ou au candidat d’alors. 

Quels sont les autres viviers électoraux éventuels pour Joe Biden ?

Gérald Olivier : C’est le “nouveau Parti Démocrate”, correspondent à ce qui reste de la fameuse coalition Obama. Celle-ci réunit des populations urbaines affluentes, qui sont généralement assez favorisées du côté financier et qui sont plutôt bien éduquées, les jeunes récemment sortis des universités, qui sont devenues, ces dernières décennies, de véritables centres d’endoctrinement. On en voit d’ailleurs les résultats tous les jours : c’est de là qu’émane, à l’origine, la culture woke, issue des campus américains.

A ce vote s’ajoute celui des minorités, tant sur le plan ethnique (noire, hispanique, notamment) que sur le plan du genre et de l’orientation sexuelle (LGBT, entre autres). Ces dernières minorités disposent d’une influence conséquente aux Etats-Unis, particulièrement dans les secteurs de la culture, des arts ou des médias. Cela leur permet de peser sur certains résultats bien au-delà des seuls nombres qu’ils représentent.

Néanmoins, on observe aujourd’hui une baisse de l’adhésion aux Démocrates et à a Joe Biden aussi bien chez les Noirs que chez les Hispaniques. C’est un recul de quelques points mais qui fait une différence. C’est un point important à prendre en compte, puisque les hispaniques représentent tout de même entre 16 et 20% de l’électorat.

Enfin, le dernier pilier de la coalition regroupe les syndicats et les employés du gouvernement… soit  plus de 8 millions d’individus aux Etats-Unis. Traditionnellement, les employés du gouvernement ont tendance à voter pour le parti favorable à l’action gouvernementale. Les syndicats sont aujourd’hui courtisés par les Républicains, mais restent, très largement acquis aux Démocrates. 

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