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Fukushima : pire que les 300 tonnes d'eau contaminée dans le Pacifique, le mystère autour des niveaux d'irradiation
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Bouillon de culture

Les informations sur le niveau de radioactivité au large du site de Fukushima sont peu communiquées par les autorités et par la société Tepco.

Henri de Choudens

Henri de Choudens

Henri de Choudens est ingénieur polytechnicien, ancien président de l’Institut des Risques Majeurs de Grenoble.

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Atlantico : Après avoir indiqué le 8 août un important écoulement d’eau contaminée dans l’océan Pacifique, la société Tepco a annoncé lundi que 300 tonnes d’eau radioactive se sont échappées d’un conteneur de stockage. La radioactivité de cette eau a été mesurée mardi à 100 millisieverts, niveau qui rendrait malade une personne au bout de dix heures d’exposition. Quel est le niveau de dangerosité de ces déversements pour l’environnement et pour les hommes ?

Henri de Choudens : Il faut bien préciser que lorsqu’on parle d’une exposition de 100 millisieverts, cela représente une radiation importante si lesdits 300 m3 étaient stockés à un endroit bien précis et que l’on s’en approchait sans protection. Ce serait alors une radiation externe. Lorsque l’écoulement se fait dans l’océan, on ne peut alors plus parler de millisieverts, mais de becquerels par m3,qui indiquent le degré de contamination de l’eau.

Cette contamination de l’eau induit des risques pour l’environnement via l’ingestion par la faune et la flore aquatiques, car alors la radioactivité se fixe sur les poissons et les crustacés. L’exposition à 100 milliseverts est importante, puisque la limite tolérée d’irradiation pour la population est de un millisievert par an. L’indication sur le niveau d’irradiation n’est donc pas erronée, mais incomplète. En l’occurrence, ce qu’il est important de connaître, c’est le niveau de contamination par mètre cube d’eau. Ce sont ces becquerels par m3 qui vont se diluer dans l’océan, dont la faune et la flore vont automatiquement absorber une partie de la radioactivité, rendant éventuellement les poissons et les crustacés impropres à la consommation.

Dans quelle mesure l’environnement régional peut-il être touché par cette contamination de l'eau de l'océan ?

Les chiffres significatifs pour juger de l’importance de la contamination viendraient des mesures de la radioactivité des eaux par m3 à différentes distances du rivage et, surtout, des mesures effectuées dans la chair même des poissons et des crustacés. Les autorités japonaises ont déployé un programme qui leur permet de connaître ces niveaux d’irradiation, et ainsi de déterminer les zones impropres à la pêche et à la baignade. Cependant, les chiffres ne sont pas aisément accessibles, car il n’est jamais très agréable, notamment pour la compagnie Tepco, de révéler les conséquences de la contamination. Ce serait le rôle des autorités japonaises de publier ces données à destination de la population, mais elles ne le font pas.

De même qu'à la suite à l’explosion de Tchernobyl, les vents ont apporté des éléments radioactifs jusqu’en Corse, les courants marins pourraient-ils amplifier l’étendue des dégâts ?

On peut parler "d'amplification", au sens où les courants pourraient entraîner relativement loin une contamination des eaux. L’importance de la zone concernée pourra être déterminée en prenant en compte le niveau de dilution impliqué par la force des courants. Cependant, cela ne conduira pas à des contaminations notables des côtes américaines ou australiennes. En revanche, des débris flottants contaminés issus du tsunami et de l’explosion de la centrale peuvent, eux, voyager très loin, au point de toucher les côtes américaines.

Les autorités japonaises ont-elles eu tendance à minorer les risques et les conséquences depuis l’accident de Fukushima ?

Les autorités japonaises ont mal évalué les conséquences. D’où des informations sans doute trop optimistes dans un premier temps, qu’elles ont été obligées de réévaluer au cours du temps. Une commission parlementaire japonaise a été constituée pour mener l’enquête sur la manière dont s’est déroulé l’accident, et sur les conséquences de ces derniers. La lecture de ce rapport est assez édifiante. Il met en lumière tous les dysfonctionnements intervenus dans la gestion de la situation de crise, et à ce sujet se montre très critique vis-à-vis du premier ministre. Celui-ci, comme tous les ministres lorsqu’une telle catastrophe se produit, s’est précipité sur le terrain. Mais le Japon étant un pays extrêmement hiérarchique, tout le monde s’est mis au garde à vous, ce qui a considérablement ralenti les actions menées. N’étant pas très compétant, il n’a pas su donner de directives bien précises, ce qui a conduit la commission à conclure son rapport en indiquant qu’il aurait dû rester dans son bureau et se tenir au courant de la situation à distance…

Depuis, Tepco a constamment voulu rassurer et minimiser les choses. Cela a d’ailleurs été aggravé par la mentalité japonaise, qui veut que le salarié soit persuadé que l’intérêt de son entreprise passe avant tout, au détriment de mesures de sécurité qui auraient pu être prises.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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