Crise du logement en Europe : la faute aux bobos ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Il existe à Berlin une transformation sociologique, avec le retour dans la ville de ménages plus « branchés »
Il existe à Berlin une transformation sociologique, avec le retour dans la ville de ménages plus « branchés »
©Reuters

Immobilier

Enjeu de campagne lors de la récente élection du Land de Berlin, la flambée du marché immobilier touche l'essentiel des capitales européennes. La faute aux "bourgeois-bohèmes" qui envahissent les centre-villes et font monter les prix ?

Michel Mouillart

Michel Mouillart

Michel Mouillart est professeur d'économie à l'Université Paris X, spécialiste de l'immobilier et du logement.

Il est le co-auteur de La modernité des HLM : Quatre-vingt-dix ans de construction et d'innovations (La Découverte, 2003).

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Atlantico : Les dernières élections du Land de Berlin se sont jouées en partie autour de la question du prix du logement. Berlin restait la capitale européenne aux loyers les moins élevés. Ceux-ci ne cessent aujourd'hui d'augmenter. Habiter dans le centre ville d'une capitale européenne est-il aujourd'hui un luxe ?Qu’y a-t-il d’étonnant à cela, alors que Berlin finalement ne fait que suivre l’inflation des autres capitales européennes… ?

Michel Mouillart : Le marché immobilier allemand a ceci de particulier que, depuis longtemps, les prix ne progressent que très modérément. L’Allemagne est toujours citée comme un exemple de modération en la matière. La cause reconnue, à peu près admise par tout le monde, tient à la demande qui reste peu active,  un peu molle, parce qu’au plan démographique l’Allemagne ne brille pas par un grand dynamisme. Nous n'avons donc pas en Allemagne, comme d’ailleurs en Autriche, la même pression de la demande qu'en France, notamment dans les grandes agglomérations.

Toutefois, un certain nombre de villes en Allemagne connaissent une évolution sociologique. Plusieurs quartiers, à Berlin, sont devenus beaucoup plus attractifs, parce qu’au fil des années, depuis plus de 20 ans maintenant, la ville se transforme. Et il a été noté, depuis quelques mois, que des ménages aisés qui auparavant boudaient un peu la ville, revenaient. Il est clair que là-dessus le mouvement s’est accéléré : il existe à Berlin une transformation sociologique, avec le retour dans la ville de ménages plus « branchés », avec un pouvoir d’achat au-dessus de la moyenne.

Vous voulez dire finalement que Berlin se "boboïse" ?

En quelque sorte. Berlin vit aujourd’hui ce qui sévit sur beaucoup de grandes capitales depuis de nombreuses années. L’enjeu que ce mouvement a pu constituer lors des récentes élections que vous évoquiez tient précisément dans cette transformation sociologique de la ville.

Sur une ville comme Paris, le mouvement est très ancien. Il s’est amorcé dans les années 1950, dans l’après-guerre. Il suit différentes étapes : dans un premier temps, la fermeture des grandes usines qui étaient dans Paris (les usines Citroën du quai de Javel, par exemple) ; puis un mouvement dans les années 1960-70, qui a concerné la fermeture des petites usines de production moins polluantes et qui causaient moins de désordre dans l’espace urbain ; et progressivement la ville s’est transformée parce que les salariés suivaient leur activité de production, ou bien s’en allaient chercher un emploi ailleurs.

Paris a subi la transformation de manière subreptice. Les prix n'ont cessé de progresser, à tel point que beaucoup se sont dits que cette hausse allait forcément cesser. Mais ce mouvement s’est poursuivi contre vents et marées, jusqu’à aujourd’hui.

A Berlin, l'évolution est moins brutale : après la réunification, pendant une dizaine d’années il n’y a pas eu de grands mouvements de transformation. Lorsque vous connaissez un mouvement de réunification, avec tout ce que cela peut entrainer comme modifications, l'attractivité n'est pas forcément tout de suite au rendez-vous… Il y a donc eu très certainement  une barrière invisible qui a empêché, durant un certain temps, que le marché ne se déforme plus rapidement. Lorsque les verrous de l’Histoire ont sauté, le mouvement s’est accéléré. La transformation de Berlin dispose donc d'un aspect exceptionnel - sans doute angoissant pour certaines populations - du fait de la vitesse avec laquelle le mouvement se produit.

Angoissant pour les Berlinois qui sont là depuis longtemps ?

Oui, car ils voient leur espace transformé de manière brutale, et craignent donc que leur situation ne soit affectée, qu’ils soient alors contraints, d’une façon ou d’une autre, à quitter la ville. Ces mouvements de transformation peuvent aller vite et loin. Tout dépend désormais de la durée de cette évolution : il pourrait ne s'agir que d'une parenthèse qui a été ouverte, avec une simple réappropriation de quelques quartiers.

Ce mouvement de transformation à Berlin illustre-t-il une évolution plus générale au sein des capitales européennes ?

Nous avions eu déjà quelques exemples sous les yeux, mais on n’y avait pas fait attention. A Prague, par exemple :  entre 1980 et 1990, la ville a été bouleversée de façon très rapide. Prague s’est transformée, non parce qu’on a construit de nouveaux immeubles - c’est une ville historique préservée - mais tout simplement parce que les immeubles ont été refaits, que leur qualité s’est améliorée, que la population s’est transformée. C’est le cas de toute ville ayant un minimum de dynamisme.

Mais alors plus une capitale est "à la mode", plus elle va se vider de ses habitants et subir des mutations sociales ?

Plus l’espace est convoité, plus le mouvement s’intensifie et s’exécute rapidement, en effet. 

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