Financement de la vie politique : interdire les dons privés serait antidémocratique<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Financement de la vie politique : 
interdire les dons privés 
serait antidémocratique
©

Politico business

Il faut réduire voire même supprimer les dons aux partis ! C'est ce que proposent François Bayrou et François Hollande pour apporter plus de transparence dans la campagne. Une intention louable qui souffre toutefois de quelques écueils.

Daniel Lebègue

Daniel Lebègue

Daniel Lebègue est président de la branche France de l'ONG Transparency International.

Au cours de sa carrière d'administrateur, il a dirigé la Caisse des Dépôts et Consignations et administré plusieurs grands établissements comme le Crédit Agricole, Alcatel ou encore Technip.

Voir la bio »

Atlantico : François Bayrou, suivi par François Hollande, propose de réduire, voire d’interdire, les dons aux partis politiques. Peut-on empêcher les Français de donner de l’argent aux partis qu’ils souhaitent soutenir ?

Daniel Lebègue : Je ne suis pas favorable du tout à ce que l’on interdise à des particuliers de faire des dons à un parti politique ou à un candidat à une élection. Il n’y a aucun pays démocratique où une telle situation existe. C’est une liberté reconnue aux citoyens que de soutenir telle formation politique ou tel candidat. L’idée est saugrenue que de vouloir priver nos concitoyens de cette liberté de même qu’ils ont le droit d’adhérer à un syndicat ou de devenir membre d’une association en payant des cotisations. Il vaudrait mieux s’attaquer aux vrais problèmes qui continuent d’empoisonner la vie politique.

Le financement, comme le propose François Bayrou, sur fonds publics de toutes les formations politiques et toutes les campagnes électorales est une mauvaise idée aussi. Je vois mal pourquoi on mettrait à la charge du contribuable la totalité du financement de la vie politique. La loi prévoit un financement public à hauteur du nombre de voix obtenus lors des précédents scrutins.

La loi interdit le financement des partis par des personnes morales ou des entreprises. Elle plafonne le don par une personne privée à 4500 euros pour une campagne et 7500 euros pour un parti politique, pouvant entraîner l’un et l’autre une déduction fiscale à hauteur de deux tiers. Le dispositif français est globalement bon.

N’y a-t-il pas pourtant eu une série de dérives ? Les affaires largement médiatisées ces derniers mois montrent que la vie politique abuse des outils mis à sa disposition pour se financer.

Nous devons faire en sorte que la loi soit pleinement appliquée et respectée, tant dans sa lettre que dans son esprit. Actuellement, elle ne l’est pas. La première dérive découle de la multiplication de ce que l’on appelle les micro-partis. Pour contourner les limites fixées par la loi, des personnes ou des organisations fondent des partis fictifs, « l’association de soutien à François Copé » ou « l’association pour le soutien de Julien Dray » pour ne citer que ces deux-là. Il se crée actuellement, nous dit la commission de contrôle des comptes de campagne et du financement de la vie politique, 250 partis chaque année en France. Rien n’empêche un particulier de donner 7500 euros à chacun des partis liés au sien, contournant la loi et offrant ainsi de grosses sommes à la formation politique destinataire.

La commission de contrôle rappelle dans son dernier rapport annuel que des mesures soient mises en place. Il faudrait limiter à deux, le nombre de partis auxquels une personne peut donner de l’argent. Pourquoi deux et pas un ? Parce qu’il s’agit de ne pas supprimer la liberté du citoyen. Après tout, il n’est pas inimaginable que quelqu’un souhaite soutenir à la fois François Hollande et Jean-Luc Mélenchon. La loi limite d’ailleurs déjà le nombre de déductions fiscales à deux versements maximum.

Le financement du contrôle politique pose un problème de transparence plus global. Les partis devraient faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes comme le font toutes les entreprises. Leurs dépenses et leurs recettes devraient être rendus publiques. Les citoyens ont le droit de connaître le bilan comptable de leurs partis.

Pour veiller sur tout cela, il faut donner les moyens à la commission de contrôle des comptes de campagne et du financement de la vie politique d’exercer ce contrôle. Aujourd’hui, elle ne les a pas. Elle reçoit des déclarations des trésoriers des partis mais n’a aucun moyen de réaliser un audit dans les comptes de ces partis ou dans les comptes des campagnes. Depuis peu, elle a accès aux déclarations d’impôt des candidats. C’est un petit progrès mais il faut aller plus loin : il faut donner à cette commission indépendante de contrôler et surtout, de faire appliquer la loi. Dans le dernier rapport de cette commission, il était notifié que 200 des 925 parlementaires français, dont 15% des sénateurs, n’avaient pas fait leur déclaration de comptes ou de patrimoine. C’est parfaitement illégal. Pourtant, aucune sanction n’est adoptée et la commission ne peut rien faire ou dire.

Est-ce que l’on arrive à évaluer le volume comptable que représentent ces abus d’interprétation de la loi pour faire des dons aux partis ?

Il n’y a pas de statistiques complètes. La commission de contrôle ne les rend pas publiques. Nous n’avons pas de chiffrage de ces flux financiers.

Enfonçons des portes ouvertes : nous savons que les grands partis de droite bénéficient en général de davantage de dons privés et d’un montant plus significatif que les partis de gauche. Le système des micro-partis, au cours des années récentes, a particulièrement bénéficié à l’UMP. Mais difficile d’en dire plus : contrairement à d’autres pays comme le Royaume-Uni ou le Canada, nous n’avons pas de chiffres mis à disposition des citoyens ! C’est un vrai manque de transparence.

François Bayrou propose également de fixer le plafond de financement de la campagne à 10 millions d’euros au lieu des 22 prévus actuellement par la loi. Faut-il réduire les dépenses de campagne ?

Tout ce qu’on peut faire pour limiter l’emprise de l’argent sur les campagnes électorales et les déséquilibres entre ceux qui sont plus ou moins bien dotés va dans le bon sens.

Mais en même temps, lorsque l’on regarde ce qui s’est passé en 2007, en 2002 et en 1995, on constate que mener une campagne pour l’élection présidentielle est coûteux. Organiser des meetings dans toute la France, comme le fait François Hollande qui a déclaré qu’il se rendrait dans tous les départements. Imprimer des tracts et des programmes à des millions d’exemplaires. On sait que mener une campagne de cette ampleur, sur plusieurs semaines voire sur plusieurs mois, est particulièrement difficile à faire rentrer dans un budget de dix millions. D’ailleurs, les candidats, grands et moins grands, terminent la campagne en déficit. En 2007, ils avaient tous terminés avec des dettes ! L’annonce de François Bayrou est sympathique. Elle fait plaisir aux citoyens. Mais quand on sait qu’ils n’y arrivent pas dans le plafond actuel, on peut se demander comment ils pourraient faire en divisant le divisant par deux. Ou alors il faut en tirer les conséquences et réduire considérablement l’ampleur de la campagne. Dans tous les cas, ce n’est pas ce genre de mesures qui aidera à moraliser la vie politique française.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !