Fin de quinquennat : des députés partagés entre grand blues et espoirs de changement<!-- --> | Atlantico.fr
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Des parlementaires applaudissent le Premier ministre Jean Castex lors de la dernière séance de questions au gouvernement avant l'élection présidentielle, le 22 février 2022.
Des parlementaires applaudissent le Premier ministre Jean Castex lors de la dernière séance de questions au gouvernement avant l'élection présidentielle, le 22 février 2022.
©THOMAS COEX / AFP

Fin des travaux parlementaires

Les députés avaient rendez-vous, ce jeudi 24 février, en séance publique, officiellement pour la dernière fois de leur mandat. La guerre en Ukraine bouleverse la fin de la session parlementaire.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Mardi dernier, à l’issue de la dernière séance de questions d’actualité, la majorité de députés ont plié bagage et quitté Paris pour retourner dans leur circonscription. Gagnés par la lassitude ou pressés d’entrer en campagne pour leur réélection, ils ne se sentaient pas concernés par les d’ultimes débats à l’ordre du jour : la situation au Sahel et au Mali, mercredi, la situation sanitaire et l’adoption définitive d’une série de lois, dont celle concernant l’allongement du délai pour une IVG, qui devaient clôturer les travaux de l’Assemblée Nationale ce jeudi soir. Les débats devaient ensuite être suspendus jusqu’à fin juin, après les élections législatives qui suivront l’élection présidentielle.

L’invasion de l’Ukraine a chamboulé le calendrier parlementaire et nombre de ceux qui étaient repartis sur le terrain vont devoir regagner la capitale mardi prochain pour assister ou participer à un débat -sans vote, sur la situation en Ukraine. Et pour ceux qui ont décidé de tourner la page, ce sera l’occasion de s’offrir un dernier tour de piste au Palais Bourbon avant leur nouvelle vie qui marquera peut-être le retour à celle « d’avant », voire le départ à la retraite.

C’est la loi du genre : à chaque fin de législature, la roue tourne. En 2017 sur les 577 députés sortants, 354 seulement avaient brigué un nouveau mandat. Ceux qui détenaient un mandat de maire ou de président d’assemblée départementale ou régionale, étaient contraints de choisir entre leur mandat local et leur mandat national, car la loi du non cumul entrait en vigueur ! Cette règlementation, censée être une mesure de moralisation de la vie publique, mais qui s’est avérée avoir deseffets pervers, a été votée sous le précédent quinquennat. Cetterègle du non cumula continué de faire son œuvre pendant la législature, entrainant une modification dela composition de l’Assemblée… Une vingtaine de députés de l’opposition ont en effet préféré briguer un mandat de maire, plus épanouissant à leurs yeux, plutôt que de continuer de siéger sur les bancs de l’assemblée, où ils n’arrivaient pas àse faire entendre. Valérie Lacroute, ex-députéeLR de Seine-et Marne, a décrit son désenchantement en évoquant« huit années à défendre, sans beaucoup de succès, des amendements jusqu'à point d'heure », après avoir été élue maire de Nemours. Son collègue Gilles Lurton a été élu maire de Saint-Malo, Jean-Charles Taugourdeau est devenu maire de Beaufort-en- Anjou.Le socialiste Luc Carvounas, a également préféré retourner diriger la ville d’Alfortville, dont il avait été élu avant 2017.Joaquim Puyeo a été élu maire d’Alençon ; etChristophe Bouillon, PS également, a préféré un mandat demaire d’une commune de 12.000 habitants à celui de député…

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Alors, combienseront-ils, tous groupes confondus, à renoncer à briguer un nouveau mandat en 2022 ? Certains ont déjà fait connaitre leur choix. D’autres restent dans l’expectative et attendent le résultat de la présidentielle… Au groupe LR, on dénombre une quinzaine de députés sur la centaine que compte le groupe, qui vont quitter le Palais Bourbon. C’est le cas de l’ancien rapporteur du budget LR Gilles Carrez, élu dans le Val de Marne qui se retire après 6 mandats (-sa première élection date de 1993) ! Idem pour Bernard Deflesselles, élu dans les Bouches du Rhône depuis 2002, ou encore le député des Vosges, Gérard Cherpion, qui se retire après cinq mandats ou Guy Teissier , ancien président de la Commission de la Défense également élu des Bouches du- Rhône , qui siège depuis… 1988 ! Chez les socialistes, qui ne comptent plus qu’une trentaine d’élus, le député du Nord Christian Hutin, a déjà fait savoir qu’il ne sollicitera pas de quatrième mandat.

Combien au total, vont-ils renoncer au MODEM, au groupe AGIR, et surtout à la République en Marche qui comptait 314 élus en juin 2017, pour la plupart novices en politique ?Outre la trentaine ou quarantaine de départs confirmés auprès de la direction du Parti, ou discrètement annoncés, on trouve beaucoup d’hésitants, qui attendent le résultat de la présidentielle pour se décider, ne cachant pas qu’ils n’ont pas envie de devenir « député de l’opposition », c’est-à-dire un député aux faibles marges de manœuvre.

Arrivés à l’Assemblée la fleur au fusil en 2017, convaincus qu’ils allaient construire « un nouveau monde », ils ont dû déchanter et se plier aux règles corsetées du Parlement. Pour certains, le passage du statut de cadre du privé à celui de législateur s’est avéré déconcertant dans les méthodes de travail, voire brutal au niveau de leurs rémunérations …en baisse. La politique économique d’Emmanuel Macron abousculé les jeunes élus qui venaient du PS : ceux-là ne rêvaient pas de suppression de l’ISF, ni de baisse des APL …Le groupe LREM a très vite connu quelques départs discrets vers le MODEM ou le groupe AGIR, c’est-à-dire au seine même de la majorité . Il y eut aussides claquages de portes plus fracassants d’élus qui ont rejoint les bancs des non-inscrits ou de petits groupes minoritaires,notamment au moment des municipales. A l’époque, le mathématicien Cédric Villani, élu dans l’Essonne,s’est confronté avec Emmanuel Macron, à propos de l’investiture dans la capitalequ’il revendiquait. Le candidat avait élaboré un projet, constitué une équipe dont faisait partieMounir Mahjoubi, élu de la 16e circonscription de la capitale, une des figures emblématiques de la campagne de 2017, ancien secrétaire d’Etat chargé du Numérique. Toujours à Paris, Pierre Person, également ex-PS, est lui aussi cité comme «partant ». Il a démissionné de ses fonctions de délégué général adjoint de LREM, en désaccord avec les orientations du parti.

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L’écologiste Matthieu Orphelin a, lui, quitté LREM, reprochant au gouvernement l’insuffisance de son engagement écologique. Bruno Bonell, fondateur d’Infogrames été nommé secrétaire général pour l’Investissement, chargé de « France 2030 » et a déjà quitté l’Assemblée. Venu de l’entreprise, il y retourne d’une certaine manière.

D’autres s’effacent en douceur : ainsi l’ancien patron du RAID,Jean-Michel Fauvergues, l’un des premiers ralliés à Emmanuel Macron, ne sera pas candidat à un second mandat. On ne le croise plus guère à l’Assemblée. Un temps porte-parole du groupe LREM, Nicolas Demoulin, élu dans l’Hérault,tire également sa révérence. Seul, le député de Paris Hugues Renson, ancien collaborateur de Jacques Chirac,a expliqué les raisons de son départ dans un long communiqué, regrettant que « l’on n'ait pas pris la peine de définir le contenu et les contours de ce que devrait être le progressisme … ». Vice-président de l’Assemblée, il déplore par ailleurs que « le Parlement ne fonctionne plus comme il devrait… Parce qu'il peine réellement à co-construire la loi, le Parlement s'en trouve réduit à être l'écho de ce qui se passe dans les médias sur les réseaux sociaux voire dans la rue…Dans les débats, les voix divergentes et la tempérance ont peu de place entre la facilité de l'opposition systématique et la sclérose de la discipline majoritaire…. L’assemblée en vient à être considérée comme une chambre d'enregistrement de décisions élaborées ailleurs ». Un constat partagé par de nombreux élus.

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Mais au-delà de ces personnalités dont le nom est connu, une majorité des nouveaux élus LREM, restés dans un anonymat relatif, espèrent être réélus , en s’appuyant sur le bilan d’Emmanuel Macron, et en mettant en avant leur travail législatif . Ce serait plus facile pour eux s’ils avaient pu consolider leur implantation locale. Mission quasi impossible pour ceux qui étaient issus de la société civile, et n’avaient jusqu’alors aucune appartenance politique, ou encore pour ceux qui ont été élus «sur la vague » dans des bastions de droite ou de gauche. Localement le député « élu de la nation » se retrouve en position d’infériorité par rapport aux maires et autres conseillers départementaux. Privés de mandat local, ils n’ont pu s’imposer dans leur circonscription, où ils étaient peu connus… La suppression de la « réserve parlementaire » permettantaux parlementaires d’attribuer des subventions à des associations locales, les a privés de toute marge de manœuvre. Difficile dans ces cas de se faire un nom…Ces députés de province ont trouvé une oreille attentive auprès du Président de l’Assemblée, Richard Ferrand qui se rend toutes les semaines dans son fief local de Bretagne.Sans aller jusqu’à préconiser la fin du non-cumul, il suggère un rééquilibrage en faveur des députés en leur permettant d’être membre d’un exécutif, sans pour autant le présider… Sera-t-il entendu si Emmanuel Macron est réélu ? Ce qui est sûr, c’est que le Parlement a de moins en moins de marge de manœuvre face à un pouvoir « jupitérien » qui fait peu de cas des corps intermédiaires. Au fil des années et des législatures, le pouvoir du Parlement s’est amenuisé en même temps que la présidentialisation du régime s’accentuait. C’est pourquoi la fonction de député, autrefois auréolée de prestige, est moins attrayante pour un jeune talent que les métiers du numérique ou de la finance…

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