Figées à 45 ans : quand les femmes se tournent vers la chirurgie esthétique pour garder... leur travail<!-- --> | Atlantico.fr
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Les opérations les plus courantes sur les femmes sont les injections de Botox, réalisées en une quinzaine de minutes.
Les opérations les plus courantes sur les femmes sont les injections de Botox, réalisées en une quinzaine de minutes.
©Reuters

Agisme

Les opérations de chirurgies esthétiques ne sont plus réservées à se sentir mieux dans son corps. Elles peuvent aussi permettre de conserver son emploi. Nombreuses sont celles qui choisissent les injections, voire le coup de bistouri, pour continuer à paraître 45 ans.

Docteur Vanessa  Brébant et Michèle Vianès

Docteur Vanessa Brébant et Michèle Vianès

Dr. Vanessa Brébant est chef de clinique, chirurgienne plastique esthétique et reconstructrice à l'hôpital Saint Joseph à Regensburg en Allemagne.

Michèle Vianès est présidente de l'association Regards de Femmes.
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Atlantico : De nombreux chirurgiens esthétiques observent une augmentation des opérations visant à suspendre l’âge du visage à 45-55 ans. Les raisons invoquées, au-delà de l’esthétisme, sont pour la plupart professionnelles. Partagez-vous ce constat ? Quel est le profil type des personnes concernées ?

Vanessa Brébant : De nombreux patients viennent me voir à des fins esthétiques mais aussi dans un objectif de reconstruction suite à des accidents. Mais que l'intervention soit esthétique ou reconstructive, le but est professionnel. Ce sont des hommes et des femmes qui se rendent compte que leur image est déterminante dans le domaine privé et professionnel. Ils travaillent bien souvent dans le secteur du marketing ou dans la vente et souhaitent dégager une belle image dans leur travail.

Les  femmes sont plus nombreuses que  les hommes, mais ils ont pour point commun de vouloir rester au plus haut dans leur milieu professionnel. Actuellement, l’image véhiculée au travail prend une place très importante.

Quelles sont les opérations les plus courantes ?

Vanessa Brébant : Les opérations les plus courantes sont les injections de Botox, réalisées en une quinzaine de minutes ; le lifting des paupières ou encore les opérations du corps. Mais ces derniers ont rarement une visée professionnelle. Le plus souvent ce sont des opérations qui font peu de cicatrices, et qui ont un effet positif assez rapide. Ce ne sont pas des opérations lourdes.

Les femmes ont-elles le droit de vieillir en entreprise ? Qu’est-ce que cette pratique traduit de la place des femmes dans l’entreprise et dans la société ?

Michèle Vianès : C’est un problème qui se pose à un grand nombre de femmes. L’omniprésence de l’image, et des photos retouchées ont un impact sur la perception qu’ont les femmes d’elles-mêmes. Cela implique le refus de vieillir. Dans l’entreprise, il faut souligner l’évolution des tenues vestimentaires des femmes. Il y a encore une dizaine d’années, les femmes cadres se sentaient plus ou moins contraintes de porter des tailleurs pantalons et des chemisiers fermés jusqu’au dernier bouton. Aujourd’hui, on s’aperçoit que cette contrainte a disparu, aussi bien dans les entreprises privées que dans les entreprises publiques, institutions comprises. Celles qui ont maintenant 45 ans et plus, ont commencé avec ces codes au début de leur carrière. Codes qui ont cassé leur féminine. Elles se sont autocensurées pour montrer qu’elles étaient capables de et pour éviter le harcèlement. Elles se retrouvent un peu mal à l’aise aujourd’hui, et essaient de conserver un aspect plus jeune.

De plus, on est sénior à 45 ans, c’est-à-dire à l’âge où l’on est le plus performant. Les femmes expriment un mal être qui se traduit par la pratique de la chirurgie esthétique.

Les trois raisons majeures qui expliquent le recours à la chirurgie esthétique à des fins professionnelles sont les suivantes :

  • les attentes de la société : une femme doit être jeune, belle et mince ;
  • le changement des tenues vestimentaires dans l’entreprise ;
  • le risque de la perte de l’emploi lié à leur âge.

Les femmes subissent de nombreuses pressions. La chirurgie est une solution radicale qui leur permet de croire qu’elles vont pouvoir dégager une image différente.

Les hommes sont-ils confrontés au même problème ?

Michèle Vianès : Les hommes connaissent également le problème du vieillissement actif, c’est-à-dire qu’on les considère comme sénior à partir de 45 ans. Mais cela se traduit différemment. Ils seront moins tentés par la chirurgie esthétique que les femmes. Les hommes vont privilégier le sport, ils ont d’autres outils pour répondre aux attentes de la société et de l’entreprise. Ils savent qu’à  45-50 ans le couperet n’est pas loin, et cela met très mal à l’aise.

Quels sont les problèmes liés à la tranche d’âge 45–55 ans dans l’entreprise ?

Michèle Vianès : Ce sont les personnes qui ont les salaires les plus élevés dans les entreprises, car ils sont au sommet de leur carrière.  Ce sont des postes où les risques d’être mis à pied au profit des plus jeunes sont grands. Ces derniers sont plus malléables et moins regardant sur le salaire. Le problème de l’emploi des femmes séniors n’est pas nouveau, cela existe depuis 10 ans.

Alors que l’âge et l’expérience sont des atouts pour les hommes, ils le sont moins pour les femmes. Car on pense que les femmes peuvent avoir des crises, et on cherche des prétextes pour les écarter du travail et privilégier les collègues hommes : ménopause, enfants…  

L’image de la femme est-elle primordiale dans sa carrière ?

Michèle Vianès : Ce qui pousse les femmes à la chirurgie ce n’est pas tant le regard qu’elles portent sur elles-mêmes que celui que la société et l’entreprise portent sur elles. En général, s’il s’agit de complexe, elles passent à  la chirurgie plus jeune. On s’aperçoit que les femmes ne sont toujours par à l’aise vis-à-vis d’elles-mêmes et qu’elles vont encore aujourd’hui chercher une réponse extérieure au problème qu’elles rencontrent dans la société.

Le phénomène inverse existe-t-il : les jeunes femmes essayent-elles  de paraître plus âgées  pour être plus crédibles ?

Michèle Vianès : C’est plus simple de paraître plus âgée que plus jeune : une paire de lunette, moins de maquillage et des vêtements appropriés... Il n’y a pas de justice : il y a des femmes à 45 ans qui font encore très jeunes et inversement. Mais le problème inverse se pose moins. Les jeunes femmes ont tendance à vouloir montrer qu’elles sont jeunes et performantes, capables de tout gérer en même temps.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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