Faire des réformes courageuses au prix de l’impopularité ? Pas exactement ce que suggère le programme de stabilité budgétaire 2023-2027<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron et Bruno Le Maire lors d'un sommet franco-britannique en mars 2023.
Emmanuel Macron et Bruno Le Maire lors d'un sommet franco-britannique en mars 2023.
©Emmanuel DUNAND / AFP

Haut conseil des finances publiques

Alors que le gouvernement a présenté son programme de stabilité budgétaire 2023-2027, les prévisions de l’exécutif en matière d'inflation sont trop optimistes, selon les précisions du Haut conseil des finances publiques. L'amélioration des comptes publics nécessitera « plusieurs années d'efforts de maîtrise de la dépense d'une ampleur supérieure à ceux qui ont pu être mis en œuvre par le passé », selon les experts.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Le gouvernement a présenté son programme de stabilité budgétaire 2023-2027. Le Haut Conseil des finances publiques a rendu ce mercredi un avis mesuré sur le programme de stabilité de l'exécutif à l'horizon 2027 soulignant notamment certaines hypothèses optimistes. Qu’en est-il ?

Philippe Crevel : Le gouvernement est évidemment optimiste, parce qu’un gouvernement se doit d’être optimiste, surtout après la séquence des retraites, il ne voulait pas montrer une phase de rigueur ou d’austérité, qui sont des termes très connectés très négativement en France. Il y a donc une tentative de prendre un parti plus positif. Mais le Haut conseil des finances publiques est dans son rôle de souligner que certaines des hypothèses sont exagérées.

Le conseil écrit « Même si l'inflation mesurée en glissement annuel devrait commencer à se replier dans le courant de l'année 2023, le reflux attendu par le gouvernement paraît rapide, pointent les Sages budgétaires. Les prévisions d'inflation, révisées en hausse pour 2023 (à 4,9 %) mais en baisse pour 2024 (à 2,6 %), paraissent un peu sous-estimées. » Partagez-vous ce constat ?

L’hypothèse de l’inflation est sans nul doute optimiste, car l’inflation est plus structurelle que conjoncturelle. Il y a des facteurs structurels d’inflation qui seront plus longs à réduire que certains ne le prétendent.

Le gouvernement table sur des hypothèses de croissance potentielle de 1,35 % par an de 2023 à 2027) mais pour le Haut conseil des finances publiques : « Celles-ci supposent des gains de productivité sensiblement plus élevés que ce que laissent attendre les tendances récentes et une augmentation de l'emploi total, liée notamment aux réformes des retraites et de l'assurance-chômage, qui paraît surestimée ». Là encore l’optimisme est-il de mise ?

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Sur la croissance, nous voyons bien aujourd’hui que la croissance est atone et que nos gains de productivité ont disparu. Cela complique un peu plus encore le retour à l’équilibre des finances publiques, ou du moins une amélioration du déficit. Nous fêtons le cinquantième anniversaire du déficit public en France.

Emmanuel Macron a déclaré « assumer des réformes impopulaires » pour créer de la richesse et la redistribuer. Ce programme de stabilité budgétaire 2023-2027 porte-t-il effectivement ce genre de réformes ?

Avec la réforme des retraites, il sait de quoi il retourne quand il parle d’impopularité. La réforme de l’assurance chômage l’était aussi. Sur le reste, il est évident que nous sommes loin d’une politique d’économies et d’assainissement des comptes publics. D’ailleurs, dans ses multiples déplacements pour retrouver un peu d’air et de popularité après la réforme des retraites, il lâche quelques milliards ci et là, ce qui nous éloigne d’un chemin rapide vers la réduction du déficit public.

Et même pour la réforme des retraites, les prévisions de marges budgétaires sont en train d’être revues à la baisse…

Il y a des études contradictoires. L’étude Rexecode indique en effet que les gains seront plus faibles que prévus. Une autre a estimé qu’ils pourraient être plus forts du fait d’un effet sur la croissance d’un point de PIB. Ce qui est certain, c’est qu’il y a un certain nombre de mesures de compensation qui viennent réduire l’efficacité de la réforme. Tout dépend de sa mise en place et de facteurs pour l’instant inconnus : le taux d’emplois, notamment celui des séniors, l’évolution des gains de productivité, etc. Tout cela déterminera si l’on va plutôt dans un sens ou dans l’autre.

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Y-a-t-il des choses ambitieuses malgré tout dans le plan français ?

Sur la réduction des déficits, il est un peu difficile de se faire une idée. Il y a un affichage et une ambition à horizon 2027, mais plus grand monde n’y croit. Cela fait des années que les gouvernements successifs promettent une réduction du déficit public. Mais dans le même temps, il  y a une augmentation des dépenses dans de très nombreux secteurs : la Défense, l'Éducation, etc. Ce sont probablement des dépenses légitimes, mais sans économies réelles par ailleurs, il devient difficile d’imaginer une vraie gestion du déficit public à horizon 2027, en particulier avec une Assemblée (et une absence de majorité absolue) peu conciliante sur le sujet.Dans une majorité relative, la dernière voix pour faire passer un texte coûte cher.

Quels pourraient être les exemples de réformes, courageuses mais impopulaires, qu’il faudrait entreprendre ?

Aujourd’hui, les principaux postes de dépenses, ce sont les prestations sociales, qui représentent plus du tiers du PIB. L’Etat a réduit énormément ses dépenses d’investissements et de structure. Il est difficile de faire des économies sur le service public actuellement. Le problème est que toute action sur les dépenses sociales est très coûteuse politiquement : il n’y aura pas de diminution des APL de 5 € de sitôt. De la même manière, ne pas revaloriser les minimas sociaux ou les pensions de retraites en période d’inflation serait inimaginable. Aujourd’hui, le budget de la protection sociale dépasse de loin celui de l’Etat. Donc pour faire des économies aujourd’hui, il faut taper là où ça fait mal. Et c’est absolument inaudible actuellement.

Un autre chantier est celui de la simplification administrative. Il faut supprimer un échelon afin de créer de vrais rendements d’échelle. Cela voudrait dire admettre qu’on ne remplace pas les fonctionnaires locaux qui partent à la retraite car on a supprimé les départements ou les communautés de communes. Aujourd’hui c’est l’inverse, nous avons créé un échelon supplémentaire, les communautés de communes, tout en maintenant les communes et les départements. Il y a eu des créations d’emplois plutôt que des économies de personnel. Résultat, cela a rendu la décentralisation très coûteuse. 

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