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Exclusif : Police­ - gendarmerie - Cazeneuve, la guerre des Trois a (largement) commencé
©Reuters

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Deux lettres récentes – qu’Atlantico a lues - témoignent des relations de plus en plus tendues entre la police et Bernard Cazeneuve. En cause : le manque de moyens accordés après la vague d’attentats qui a secoué le pays en 2015. La seconde lettre s’attarde surtout sur « les visées expansionnistes » de la gendarmerie que dénonce la police. Ce qui ne fait qu’accentuer les mauvaises relations entre les deux institutions.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • La Fédération autonome des syndicats du ministère de l’Intérieur( FASMI-Unsa) vient  d’adresser deux lettres coup sur coup à Bernard Cazeneuve pour lui manifester son mécontentement
  • Le syndicat  déplore les critiques faites à l’action de la police après la vague d’attentats qu’a connue la France en janvier et novembre 2015
  • En marge de cette guéguerre contre Cazeneuve, apparaît une forte césure entre gendarmerie et police, la première se voyant reprocher « ses visées expansionnistes » aux dépens de la seconde

Ce n’est pas une grogne. C’est quasiment un point de non-retour. Oui, cela ressemble à une guerre frontale menée contre le ministre de l’Intérieur par une large partie de la police nationale, notamment la Fédération autonome des syndicats du ministère de l’intérieur ( FASMI-Unsa) qui regroupe le principal syndicat des commissaires de police (SCPN), celui des officiers (Unsa-Officiers), et des gardiens de la paix (Unsa-Police). Pour s’en convaincre, il suffit de lire lesdeux lettres cinglantes adressées à Bernard Cazeneuve par la FASMI-Unsa le 25 décembre dernier et le 1er janvier 2016…Vous avez dit consensus ?!

A chaque arrivée d’un ministre de l’Intérieur, c’est généralement la lune de miel entre ce dernier et ses troupes. Du genre embrassons-nous Folleville… Et puis, au fil du temps, la passion, comme dans un vieux couple, s’étiole. C’était vrai avec Nicolas Sarkozy. C’est vrai encore avec Bernard Cazeneuve. L’ancien maire de Cherbourg a beau cajoler les forces de police à chaque intervention dangereuse, les féliciter pour l’arrestation de tel ou tel malfrat, se déplacer dar-dar pour tel ou tel policier blessé lors d’une manifestation, cela ne marche plus. Car dans les faits, les policiers ont le sentiment d’être laissés pour compte. Et quand, en prime, ils doivent faire face aux piques, voire aux volées de bois vert de la part de la Gendarmerie, là, ils n’en peuvent plus. Et répliquent vertement. Ce qui est tout à fait compréhensible…

La lettre du 25 décembre 2015. Elle est essentiellement consacrée aux conditions dans lesquelles travaille la police. Comme si la place Beauvau n’avait pas tiré les leçons des attentats de janvier et du 13 novembre 2015. Attentats, faut-il le rappeler, qui se sont déroulés en grande partie dans le XIe arrondissement de Paris. C’est ainsi que les fonctionnaires  affectés dans cette partie de la capitale, en «  Police secours », et destinés à se déplacer illico à la moindre alerte, ne peuvent toujours pas compter sur des moyens de protection adaptés. Très remontés contre le ministre de l’Intérieur, les auteurs de la lettre déplorent l’absence d’une arme sécurisée dans chaque véhicule de patrouille. Une demande pourtant formulée depuis un an !

Ajoutez à cela, le retrait au 1er janvier 2016 du « Pass Navigo » pour certains policiers, et la suppression de jours de repos pour d’autres depuis le 13 novembre 2015, on comprend mieux l’ampleur du désamour entre les 150 000 policiers du pays et la Place Beauvau. D’où cette conclusion : « Cette absence de la plus élémentaire attention et ce manque  de considération à l’égard des policiers de tous corps et de tous grades, très fortement investis dans leurs missions, revêtent une signification particulière à l’heure où l’on parle tant de gestion des ressources humaines rénovée, de mobilité, et de prévention des risques psycho-sociaux. »

Quel paquet ! A ceux qui penseraient que les dirigeants de la FASMI-Unsa seraient saisis par une mauvaise humeur passagère, voilà qu’une nouvelle lettre, autrement plus virulente, arrive sur le bureau de Bernard Cazeneuve le 1er janvier 2016. Son objet : « Achever de convaincre le Ministre de l’intensité des préoccupations [des policiers] en ces temps troublés. » En réalité, cette seconde missive a pour objet de dire que les policiers en ont assez d’être critiqués, bref, d’être montrés du doigt, parce qu’ils n’auraient pas été à la hauteur lors de la vague d’attentats qui a secoué le pays. Tout comme ils n’auraient pas été à la hauteur dans le domaine du renseignement ou des interventions, notamment lors de l’assaut, mené par le RAID, le 18 novembre 2015 contre un immeuble de Saint-Denis où se trouvait Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur présumé des attentats commis à Paris cinq jours plus tôt… Et la lettre d’ironiser sur  ces « courageux experts anonymes » qui passent leur temps à critiquer les fonctionnaires de police, notamment le RAID ou la BRI, qui ont montré leur savoir-faire et leur courage lors de l’assaut contre l’Hyper-Cacher de la porte de Vincennes…

Evidemment, il s’agit d’une pierre dans le jardin de la gendarmerie, « dont les aspirations expansionnistes, dixit les auteurs de cette seconde missive- notamment en matière de renseignement et d’intervention spécialisée constituerait une mise en péril du concept même de la police nationale » […] Suit un autre reproche à l’égard de la maréchaussée : sa propension à délaisser les campagnes dont elle a la responsabilité. Mais c’est dans le domaine de l’intervention, que  les critiques apparaissent les plus sévères. C’est ainsi que certaines unités  de la police nationale comme le GIPN sont laissées de côté au profit du GIGN sans concertation avec la direction générale de la police nationale. D’où cette interrogation : « Comment accepter dès lors que le directeur général de la gendarmerie nationale [le général Denis Favier, ancien commandant du GIGN] s’arroge le droit de contester l’adaptation de l’évolution  de la menace du dispositif de la force  d’intervention de la Police nationale ( FIPN) qui- avec la BRI- Préfecture de police- compte parmi les unités d’intervention les plus aguerries ? »  

Pour résumer, la lettre datée du premier de l’An le dit haut et fort : avec l’acuité de la menace terroriste, chaque force doit avoir pour impératif le respect des zones de compétence et de ses prérogatives. Ainsi, la création d’une antenne du RAID à Toulouse- zone de police d’Etat et foyer historique de radicalisme historique est incontestable. Elle ne peut être remise en cause. Evoquant encore l’épineuse question de la compétence géographique, la lettre poursuit en lançant une ultime pique à l’encontre de la gendarmerie : « Sans doute, le directeur général de la gendarmerie serait-il mieux inspiré de recentrer son dispositif sur les nombreuses portions de territoire par trop délaissées, en ces temps où une action spectaculaire à l’encontre d’un village isolé ne relève pas du scénario fantaisiste » Et de conclure : « Si nous ne nions en rien les spécificités et mérites des gendarmes, nous exigeons que toutes instructions utiles soient données pour que cessent sans délai les campagnes de dénigrement et de déstabilisation actuelles et que toute latitude soit laissée aux chefs de Police pour adapter l’organisation et les implantations géographiques des services et unités aux enjeux actuels. »

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