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"Evangile de la femme de Jésus" : l'incroyable histoire du faux papyrus qui a trompé Harvard
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L'orthodoxie gagne encore

L'histoire de la véritable origine de ce papyrus qui avait défrayé la chronique en 2012 est encore plus rocambolesque que n'importe-quel Da Vinci Code...

Vous vous en souvenez peut être. En novembre 2012, Karen King, professeur reconnue en religion à Harvard, présentait à Rome, à quelques pas du Vatican, un parchemin récemment découvert, en écriture coptique, à peine de la taille d'une carte de visite, qui serait un extrait d'un évangile gnostique. Parmi ses fragments, une phrase très titillante, puisque Jésus y parle de “son épouse”...

Si le parchemin avait été authentique, il n'aurait rien prouvé; tout au plus qu'une certaine communauté chrétienne pensait que Jésus avait eu une épouse. D'autant plus que le parchemin était beaucoup plus tardif que les Evangiles que nous connaissons déjà.

Aujourd'hui, de nouveaux éléments indiquent que le papyrus est presque certainement un faux. Une longue enquête d'Ariel Sabar, de The Atlantic, revient aux sources de ce papyrus, et découvre une histoire rocambolesque.

De nombreux critiques avaient montré des erreurs de grammaire dans la formulation du papyrus qui auraient indiqué qu'il n'était pas authentique. Des tests, y compris au carbone 14, réalisés dans plusieurs universités prestigieuses — Harvard, Columbia et MIT— ont montré l'ancienneté du papyrus. Mais il est possible d'écrire aujourd'hui sur du papyrus ancien, et du papyrus ancien n'est pas très difficile à trouver — on peut même parfois s'en procurer sur eBay.

Le propriétaire du manuscrit, qui l'a confié à King, et dont elle n'avait pas étudié l'histoire, est un Allemand dénommé Walter Fritz. Celui-ci a un passé trouble. Il a fait des études d'égyptologie à l'Université libre de Berlin, où il a eu de bons résultats, mais n'a jamais fini son diplôme, disparaissant du jour au lendemain.

Il s'avère que l'homme a un parcours qui fait penser à celui d'un aigrefin. Après la chute du mur de Berlin, il a réussi à se faire nommer directeur du musée des Archives de la Stasi, arguant de son exprience muséographique — sans préciser qu'il s'agissait d'une expérience de guide touristique. Il a démissionné abruptement après la disparition non expliquée de certaines oeuvres.

On retrouve sa trace dans une entreprise de fournitures automobiles — il s'était associé à un ouvrier machiniste pour ouvrir une entreprise qui fournissait des pièces à BMW, mais il aurait été évincé après avoir essayé de prendre le contrôle de l'entreprise. On le retrouve ensuite dans une petite ville de Floride, où il passe sa retraite.

L'homme a publié un article reconnu en égyptologie quand il était jeune, et certains de ses anciens collègues pensent qu'il aurait une rancune envers l'establishment de l'archéologie et de l'égyptologie, qui n'aurait pas retenu ses idées.

Pour Ariel Sabar, qui fait cette enquête, l'histoire devient vraiment rocambolesque lorsque, en faisant une recherche sur les noms de domaine enregistrés par Walter Fritz, elle découvre que celui-ci a également été l'opérateur pendant de nombreuses années de plusieurs sites de porno amateur, où apparaît notamment son épouse de l'époque, qui éprouve notamment une passion pour le gangbang.

Une des controverses autour de l'histoire des origines du christianisme tourne autour de la sexualité. Selon une école de pensée, Jésus était beaucoup plus “ouvert” sur ces questions que la hiérarchie de l'Eglise naissante ne l'aurait été, et celle-ci aurait maquillé les enseignements du Messie dans ce sens. Pour la première communauté, la sexualité aurait même été considérée comme une pratique spirituelle et religieuse, sacro-sainte. Marie-Madeleine, la partenaire de Jésus, aurait ensuite été maquillée en prostituée repentie dans la Tradition de l'Eglise pour cacher cette doctrine désormais considérée comme honteuse.

Ariel Sabar découvre que l'épouse de Walter Fritz, en plus de ses activités sur Internet, est clairvoyante et mystique. Elle a écrit un livre de visions et de “vérités universelles” qui lui auraient été dictées par “les anges”, y compris sur le sexe et la spiritualité.

Lorsqu'Ariel Sabar présente les résultats de ses enquêtes à Walter Fritz, celui-ci commence par déclamer que les Evangiles gnostiques, dont certains présentent ce Jésus “libertaire”, sont beaucoup plus récents et authentiques que les Evangiles canoniques — ce que presqu'aucun historien ne croit — et finit par lui enjoindre d'éteindre son enregistreur. Il lui propose de lui servir de prête-nom pour écrire un livre sur l'histoire des débuts du christianisme, un livre qui rétablirait la vérité, un livre qui lui apporterait fortune et reconnaissance...

Après la publication de l'article d'Ariel Sabar, Karen King a reconnu que le papyrus est “probablement faux”. Parfois, la vérité est plus étrange que le Da Vinci Code...

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