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Maternelle : cachez cet élève en difficulté que je ne saurais voir
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Zone franche

Évaluer les enfants en fin d’école maternelle, c’est plus sûrement pour leur donner un coup de main en primaire que pour les envoyer en taule juste après le collège…

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Il est logique que, dans un pays aussi idéologisé que le nôtre, on n’aime pas beaucoup les données concrètes ― ces faits qui viennent clasher avec le point de vue que l’on adopte par principe parce que si les choses ne sont pas vraiment « comme ça », c’est « comme ça » qu’elles devraient être…

Mais les données concrètes, c’est ainsi, sont souvent fournies pas la statistique ou la comparaison. D’où cette aversion croissante pour les classements et autres évaluations qui se multiplient depuis l’invention du tableur Excel.

De fait, et quel que soit le sujet, l’esprit français récuse tous les thermomètres gradués, des classements mondiaux d’universités (les critères nous désavantagent) aux classements nationaux de qualité des hôpitaux (c’est une nouvelle étape vers la privatisation de la santé), en passant par l’étude PISA sur les résultats scolaires dans les pays de l’OCDE (ils ne comprennent rien à notre modèle) ou l’aide aux pays en développement (mais bien sûr qu’il faut comptabiliser les transferts vers les DOM-TOM !).

Et je ne vous parle pas de ces agences de notation financière, dont les classements comportent nécessairement un terrible biais anti-Gaulois.

Aiguiller de petits malfaisants de 5 ans vers les Baumettes ?

La dernière proposition d’évaluation à faire bondir dans les chaumières, c’est celle qui, en fin d’école maternelle, permettra de repérer les enfants en difficulté d’apprentissage. Inspectez-là pourtant sous toutes les coutures, et demandez-vous franchement d’où la polémique a pu partir qui désigne cet outil pédagogique d’une effrayante banalité comme un premier aiguillage de malfaisants de cinq ans vers la prison des Baumettes

En gros, les enseignants sont invités à vérifier si leurs ouailles progressent toutes au même rythme dans quatre domaines distincts (motricité, langage, comportement scolaire, reconnaissance des sons), l’idée étant d’apporter une aide particulière aux enfants dont on aurait reconnu les petits soucis avant qu’ils ne deviennent de gros ennuis.

Rien de bien méchant ? Allons donc ! Personne n’est plus retors qu’un évaluateur d’évaluation ! Ce dispositif n’est rien d’autre que l’avatar de la phrénologie, explique d’ailleurs Marianne : une charlatanerie d’il y a deux siècles visant « à reconnaître les délinquants d’après la forme de leur crâne » ! Argh… Et c’est écrit où, ça ?  Ben nulle part.

Pour Politis, la prison semble encore un sort trop réjouissant pour les petits zigotos évalués. Non, c’est la décharge qui leur est promise puisqu’il s’agit carrément de « tri sélectif »... C’est aussi l’avis des instits du SNUipp, qui évoquent un « dispositif national de marquage des élèves » et de « fichage ». Il est vrai que le ministère de l’Éducation nationale, en lançant cette initiative, fournissait aussi le bâton pour se faire battre en classant les enfants sur la base d’un « risque » d’échec scolaire.

Au pays du principe de précaution, parler de risque ? Quelle idée ! Qu’à cela ne tienne : le terme malheureux a immédiatement été retiré par Luc Chatel, ce qui n’a d'ailleurs pas vraiment désarmé les hostiles. Le gros naïf : la détermination des opposants, ça s'évalue, non ?

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