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Supermarché de l’armement à Paris : avec quelles armes ferons-nous la guerre demain ?
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Dis, t'as vu mon gros canon ?

Eurosatory : les industriels ont montré toute la semaine leurs armes les plus sophistiquées à Paris. Des camouflages intelligents, des balles qui ne tuent pas ou encore des robots intelligents. A quoi ressembleront les guerres de demain ?

Michel Asencio

Michel Asencio

Michel Asencio est un ancien général de corps d'armée aérien. Il enseigne à l'université d'Assas-Paris.

Il est aussi chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), il y dirige l'Observatoire de la rupture technico-militaires.

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Atlantico : Le salon des armements terrestres Eurosatory a attiré des industriels et des acheteurs d'armes du monde entier, à Paris, toute la semaine. A-t-on un aperçu de ce que seront les armes qui seront utilisées par les armées dans le futur ?

Michel Asencio : Nous avons déjà des armes très sophistiquées, parfaitement létales. Un simple fantassin peut aujourd'hui indiquer en toute simplicité une cible qui sera frappée dans les deux minutes par un avion, un hélicoptère ou une pièce d'artillerie. La précision atteint un niveau inégalé : il peut préciser un bêtiment, un étage ou une fenêtre à prendre pour cible.

Parmi les efforts de recherche, il y a beaucoup d'aspects défensifs. La détection des engins explosifs improisés reste une priorité. La défense des hélicoptères contre les armes légères en est une autre. La logistique représente aussi une discipline dans laquelle beaucoup de progrès peuvent être effectués : la pièce de rechange, la munition, le carburant pourraient arriver plus facilement auprès du combattant.

Les fantassins devront toujours aller au plus près du combat. Mais il leur faudra certainement déployer des armes non létales, pour faciliter leur action au sein des populations. Les premiers camouflages intelligents apparaissent. Des tenues s'adaptent à leur environnement : le matin, en ville, vous avez un camouflage urbain et le soir, en jungle, il aura changé de couleur.

Les Italiens ont inventé un gilet qui réagit en cas de blessure : si une balle touche le soldat qui le porte, il se gonfle instantanément pour stopper l'hémoragie, en attendant les premiers secours. La précision doit aussi être améliorée : les Américains cherchent à développer des munitions intelligentes qui touchent à coup sur leur cible.

Les robots vont-ils envahir le champs de bataille ?

Les Américains utilisent déjà des drones armés au quotidien. Nous, nous manquons de tels engins. Il est aujourd'hui possible de tirer sur une cible au Pakistan avec un engin piloté aux Etats-Unis.

Les Etats-Unis rêvaient de mener une guerre totalement technologique, lorsque Donald Rumsfeld était Secrétaire d'Etat à la Défense. Depuis, les armées ont changé leur manière de raisonner et reviennent à une réflexion centrée sur l'homme : l'objectif est de lui permettre de rester au cœur de la décision.

L'intelligence artificielle en est à ses balbutiements. La densité des puces électroniques explose dans les équipements. Mais la machine reste inférieure à l'homme au combat : les drones ont perdu la totalité des combats menés contre des avions habités.

Les drones commencent à apparaître dans les autres secteurs. De premiers navires sans pilotes apparaissent. Des sous-marins aussi. En logistique aussi, l'automatisation fait son chemin.

La crise a-t-elle un impact sur la recherche militaire et les projets développés par les industriels ?

C'est évident. Les coûts de soutien logistique des avions américains, par exemple, ont un coûté démesuré. Un spécialiste américain a chiffré au vu de l'évolution de ces dépenses qu'à l'horizon 2050, l'armée n'aurait plus les moyens de payer les coûts d'entretien de ses aéronefs.

Le coût de maintien en condition opérationnelle a été multiplié par quatre entre le F-15 et le F-22 Raptor. Cet avion coûte 60 000 euros par heure de vol. Son camouflage doit être entretenu à la main.

Pour revenir en France, le coût de l'heure de vol est passé de 5000 euros pour un Mirage 2000 à 10 000 euros pour un Rafale. On ne peut plus se permettre de telles dépenses. Aujourd'hui, des appareils restent au sol sur de longues durée parce que l'on ne peut pas se permettre de payer l'entretien qui va avec.

Le combat de demain, c'est d'être capable de contenir les coûts de développement et surtout de soutien de ces matériels.

A quoi pourraient ressembler les guerres du futur ?

Les enjeux de la guerre, dans le futur, reposeront beaucoup sur un recourt accru aux réseaux de télécommunications. Les Américains, plus que les Européens, défendent une robotisation massive. Enfin, quelque chose que personne ne sait encore faire, c'est gagner une guerre en milieux urbain. 

La population mondiale a dépassé 50% de citadins en 2007. Les mégalopoles de plus de 10 millions d'habitants vont se multiplier. Dans ces zones, les canyons urbains limitent largement l'action et la liberté de manœuvres des militaires. Aujourd'hui, absolument personne n'est capable de mener des combats dans de telles villes en maîtrisant la violence : raser des cités de cette ampleur avec des bombes n'est plus acceptable politiquement depuis la Seconde guerre mondiale.

Il y a eu en 2004 une bataille urbaine de grande ampleur : Fallouja, en Irak. Cette ville faisait 5 kilomètres sur 5 kilomètres, la taille de Montpellier, pour 300 000 habitants. Les Américains ont déployé près de 150 000 soldats pour y aller. Ils ont laissé une semaine aux civils pour partir. Les Britanniques ont encerclé la ville. Puis les Américains sont entrés. Le niveau de violence, selon les témoins, a atteint un niveau jamais égalé depuis Berlin en 1945. Et encore, nous n'avons là qu'une ville irakienne où les bâtiments ne font que deux étages de haut. Cet exemple montre bien à quel point les armées d'aujourd'hui n'ont pas les moyens d'aborder ce type de combats.

L'espace, aussi, est un enjeu du futur. Les capacités des armées doivent dans ce domaine passer du stratégique au tactique. Les bureaux de planification nationaux sont abreuvés d'images satellitaires. Mais les hommes, sur le terrain, ne disposent pas en direct de ces informations.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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