Et si manger des glaces était secrètement bon pour votre régime ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Et si manger des glaces était secrètement bon pour votre régime ?
Et si manger des glaces était secrètement bon pour votre régime ?
©ALBERTO PIZZOLI / AFP

Bienfaits réels ?

À en croire la thèse d'un étudiant à Harvard, la crème glacée, dans certains cas, pourrait s'avérer bonne pour la santé puisque sa consommation, quand elle demeure modérée, pourrait réduire le risque de diabète ou de problèmes cardiaques.

Béatrice de Reynal

Béatrice de Reynal

Béatrice de Reynal est nutritionniste. Très gourmande, elle ne jette l'opprobre sur aucun aliment et tente de faire partager ses idées de nutrition inspirante. Elle est par ailleurs l'auteur de Ouvrez les yeux avant d’ouvrir la bouche, publié chez Plon, et du blog "MiamMiam".

 

Voir la bio »

Atlantico : Une récente étude menée aux Etats-Unis n'a pas manqué de secouer le monde de la nutrition : la crème glacée, dans certains cas, pourrait s'avérer bonne pour la santé puisque sa consommation quotidienne - quand elle demeure modérée - pourrait s'avérer capable de réduire le risque de diabète ou de souffrir de problèmes cardiaques. Du moins... A en croire la thèse d'un étudiant à Harvard. Que peut-on dire de son travail ?

Béatrice de Reynal : Manipuler des études épidémiologique et improviser des résultats sans protocole statistique fiable est source de grande hilarité, en effet. Par exemple, s’autoriser un lien comme « les plus grands consommateurs de soda light sont obèses donc les édulcorants font grossir », plutôt que se demander « est-ce parce qu’ils sont obèses qu’ils choisissent les cola light » ?

Des effets parasites apparaissent tout le temps dans la science, en particulier dans en épidémiologie nutritionnelle, où les problèmes de santé et les habitudes alimentaires de centaines de milliers de personnes sont suivis au fil des années et des années.

Comment des équipes de chercheurs traitent les données, les mêlent à la théorie, puis présentent les résultats comme « ce que dit la science ».  

De même, cette étude se base sur peu d’éléments scientifiques robustes et donne donc un résultat hilarant.

La crème glacée réduit le risque de diabète ? Certes, elle a un index glycémique abaissé à cause de sa teneur en graisses. Mais l’auteur Ardisson Korat indique ne pas avoir d'explications biologiques plausibles… Sa thèse indique qu'il n'avait pas été le premier à observer un « halo de santé » autour de la crème glacée. En creusant encore plus sur ces études antérieures, elles évoquent les produits laitiers gras ou maigres, et le lien sur l’insulino-résistance. Pas sur la crème glacée.  Biais N°1.

À Lire Aussi

Les barres de protéines sont-elles vraiment plus saines que les barres chocolatées ?

Ces études de renommée mondiale ont alimenté un flux de découvertes influentes, y compris certaines des données qui ont permis de mettre le doigt sur les acides gras trans, qui peuvent être laitiers ou industriels, ces derniers ayant, depuis été éliminés.

Entre 1986 et 1998, les auteurs d’une étude observationnelle des chercheurs d’Harvard ont rapporté qu'une consommation plus élevée de produits laitiers faibles en gras, était associée à un risque plus faible de diabète, mais ce n’est pas le cas pour ceux qui consomment des produits laitiers gras.

C’est malheureusement fréquent en médecine comme en nutrition, avec des conséquences désastreuses sur la santé publique, sur l’information trompeuse communiquée au grand public, mais aussi et surtout, sur la réputation des scientifiques en général. Le nombre de participants à ces études est toujours faible, et en outre,  le les lobbys laitiers ont fait pression sur les auteurs, qui ont, du coup, résumé « produits laitiers » à crème glacée… Biais N°2

Le fin mot

La théorie est la suivante : peut-être que certaines personnes de l'étude avaient développé des problèmes de santé, tels que l'hypertension artérielle ou l'hypercholestérolémie, et avaient commencé à éviter les glaces sur ordre des médecins, ou de leur propre gré. Pendant ce temps, les personnes qui n'avaient pas ces problèmes de santé auraient eu moins de raisons d'abandonner leurs biscuits et leur crème. Dans ce scénario, ce ne serait pas que la crème glacée prévienne le diabète, mais que le risque de développer un diabète a poussé les gens à ne pas manger de crème glacée. Les épidémiologistes appellent cela « la causalité inverse. Biais N°3

À Lire Aussi

Nutrition : des repas raisonnables la semaine, plaisirs le week-end ? Pas sûr que l’impact pour votre santé vous plaise…

Pour tester cette idée, Hu et ses co-auteurs ont mis de côté les données alimentaires recueillies après que les gens ont reçu ce genre de diagnostics, puis ont refait les statistiques : l'effet de la crème glacée a diminué de moitié… 

En 2016 dans l'American Journal of Clinical Nutrition résume les données d'une douzaine d'études : à mesure que la consommation de yaourt d'une personne s'élève à environ un tiers de tasse par jour, son risque de contracter le diabète diminue de 14 %.

Le yaourt qui réduit le risque de diabète, la crème glacée, non.

Comme les Américains adorent la crème glacée, les recherches sont curieusement nombreuses. On a parlé ensuite « membrane des globules gras du lait », une enveloppe biologique à trois couches qui enveloppe la graisse dans le lait des mammifères. Certaines études suggèrent que si cette enveloppe reste intacte, les effets métaboliques sont neutres….. Mais on ne peut avoir ça sur la crème glacée, alors qu’on ne l’a pas sur de la crème fraîche.

Biais + biais + biais = résultats incohérents et faux.

C’est révoltant.

Est-ce normal qu'il fasse à ce point réagir les experts ?

Il est tout à fait normal que les experts – les vrais – réagissent aux résultats de cette étude, ce ces études qui n’auraient jamais dû sortir de la sphère scientifique tant qu’ils n’ont pas été consolidés et vérifiés

C’est la responsabilité des professeurs, des patrons de labo recherche et toutes les équipes de ne pas  laisser croire qu’ils des résultats non consensuels.

Mais c’est aussi la responsabilité de la presse de publier des données fiables et vérifiées.

Toutefois, cette affaire – qui dure depuis plusieurs années ! – souligne aussi le mal que nous avons tous, scientifiques, pour remettre en doute une idée que l’on croît sûre et certaine. Lorsque des résultats semblent indiquer que la crème glacée serait bénéfique, la première des choses est d’accepter de remettre en jeu ce que l’on croît comme certain. Un bons scientifique est celui qui doute et a la capacité de remettre toute donnée en question.

Force est de constater que les conclusions de cette étude entre en conflit avec l'idée générale de ce que pourrait être une bonne alimentation. Qu'est-ce que cela dit de nos biais et de la place qu'ils occupent dans le monde de la science ?

Si on lit la totalité de cet article, l’auteur explique très bien comment les biais peuvent s’empiler les uns sur les autres pour arriver à des résultats incohérents avec les connaissances reconnues de tous les scientifiques.

Plus grave : donner voix à des incompétents avec des titres accrocheurs et des scoops nutritionnels n’est pas admissible aujourd’hui, alors que les consommateurs exigent de la transparence, de la vérité et de la loyauté.

 Empêchent-ils certains chercheurs d'explorer de nouvelles voies, de découvrir de nouvelles choses ?

Justement : on lit bien, au fil de cette « saga crème glacée », que certains scientifiques ont su remettre en cause alors que d’autres l’ont refusé et préféré éluder la question, tout en la laissant « fuir » dans le grand public. C’est ce comportement qui est inadmissible. Imaginez combien de patients américains se sont plongés dans les pots de glace en lisant l’accroche à la Une « la crème glacée prévient le diabète « !!

La presse anglophone, qui se penche sur la question depuis la publication de cette étude, compare désormais une crème glacée au yaourt. Faudra-t-il, selon vous, revoir en long en large et en travers nos recommandations diététiques contemporaines ?

La France est excellente dans le domaine de la nutrition et de la santé publique : nos chercheurs et responsables de ce domaine sont réputés au niveau international, et savent tout remettre à plat.

Ils ont alerté sur des points clés : le paradoxe français et les prétendus bienfaits de l’huile d’olive (non, elle n’apporte que de l’énergie, ni Oméga 3, ni aucun bienfaits, sauf si vous consommez une huile d’olive non filtrée et non raffinée, ce qui n’est pas le cas des huiles d’olive du rayon).

Ils ont alerté sur leurs doutes quant aux édulcorants intenses, aux aliments ultra-transformés. Faisons leur confiance. 

Quant à Ardisson Korat, il ne répond plus : plusieurs Email n’ont trouvé réponse. Son Université Tufts, où il travaille indique qu’il n’est pas disponible…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !