Et si les rituels porte-bonheur avaient un vrai impact sur le succès ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un trèfle à quatre feuilles décoré d'un petit ramoneur dans un marché aux fleurs en gros à Rostock. Les petits cadeaux traditionnels sont considérés comme des porte-bonheur pour la nouvelle année.
Un trèfle à quatre feuilles décoré d'un petit ramoneur dans un marché aux fleurs en gros à Rostock. Les petits cadeaux traditionnels sont considérés comme des porte-bonheur pour la nouvelle année.
©BERND WUESTNECK / DPA / AFP

Effets bénéfiques

L’apprentissage superstitieux peut nous conduire à suivre les rituels de célébrités ou de personnalités exemplaires. Comment expliquer que des actions arbitraires puissent produire des effets bénéfiques et augmenter les chances de succès dans notre vie ou pour une entreprise ?

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : Plusieurs études, depuis les années 40, se sont intéressées à la question du « superstitious learning », l’apprentissage superstitieux. Qu’est ce qui explique ces comportements ?

Pascal Neveu : Il faut le rappeler… dans sa définition, la superstition est la croyance irraisonnée fondée sur la crainte ou l’ignorance qui prête un caractère surnaturel ou sacré à certains phénomènes, à certains actes, à certaines paroles. 

De la religion, aux démons, au trèfle à quatre feuilles… sans oublier le vendredi 13 et les échelles… depuis des siècles la superstition nous habite corps et âme. Nous pouvons parler des porte-bonheurs mais aussi des porte-malheurs durant des heures… Et en lien avec des pays. C’est fascinant.

Mais restons pragmatiques.

Depuis le Moyen-Âge, l'étude scientifique de l'apprentissage superstitieux a commencé à la fin des années 1940, suite à un article du psychologue Skinner qui travaillait sur le conditionnement des animaux et les applications sur les humains.

Par exemple comment nous apprenons aux animaux à exécuter des tours, à un chien à s'asseoir. Il suffit de lui donner une petite friandise chaque fois qu'il abaisse ses pattes arrière. Bientôt, le chien apprend à lier la récompense au comportement et s'assoir sur commande. Skinner va au delà de Pavlov qui conditionnait les réflexes métaboliques des chiens entre la sécrétion d’insuline et sons de cloche concomitants dès qu’on leur livrait des aliments. Sans aliment le seul son de cloche déclenchait ensuite une réaction physiologique.

Mais Skinner s'est demandé si les animaux pouvaient également associer des comportements aléatoires à des récompenses. Par exemple, si un animal se déplaçait d'une manière particulière lorsque de la nourriture était offerte, pourrait-il alors supposer que la nourriture était une récompense pour le mouvement ? Si tel est le cas, pourrait-il répéter le même mouvement au cas où cela apporterait un nouveau succès ?

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Pour le savoir, Skinner a pris un groupe de pigeons affamés et a attaché à leur cage un appareil qui les nourrissait à intervalles réguliers. Et en les observant, les pigeons ont rapidement commencé à adopter des comportements idiosyncrasiques (manière singulière d’un comportement) lorsqu'ils ont de nouveau le ressenti de la faim. « Un oiseau a donc été conditionné pour tourner dans le sens inverse des aiguilles d'une montre autour de la cage, faisant deux ou trois tours entre les plats ».

On avait créé des oiseaux qui répétaient leur rituel, ce qui renforçait l'illusion qu’en soi le comportement humain pouvait être influencé.

C’est ce qui permet de définir que la superstition est une sorte de comportement inadapté qui découle de ce qui est normalement une très bonne chose : la capacité du cerveau à prédire son futur et ses réalisations.

Skinner a ainsi décrit le comportement des oiseaux comme une sorte de superstition et a émis l'hypothèse qu'un processus psychologique similaire pourrait entraîner de nombreux rituels humains. Certes les résultats de Skinner ont été remis en question par d'autres scientifiques, mais des expériences ultérieures apportent un soutien à l'idée qu’il semble que le cerveau recherche constamment des associations entre notre comportement, notre environnement et les récompenses que nous recherchons mais très souvent avec de gros échecs.

Même s’il n’y a aucune rationalité initiale à de tels comportements, quels peuvent être les apports bénéfiques d’une telle ritualisation des comportements ?

C’est très intéressant. C’est principalement en fonction de notre développement psychique et le poids de notre obsession et nos croyances. 

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On peut confondre coïncidence et causalité, ce qui nous amène alors à attribuer le succès à un acte, une pensée, un événement qu’il faudra répéter.

Le superstitieux pathologique pense l'existence d'un ordre supérieur, « invisible », indescriptible, mais qui est là, présent, et impose ses lois. À la grande différence de la superstition populaire. Nous sommes proches de la paranoïa et de la psychose. 

En fait c’est avant tout la nécessité de surmonter une anxiété, et entraîner, dynamiser une augmentation notable des performances qui n’est qu’illusion.

Certaines personnes sont plus susceptibles de développer des habitudes superstitieuses que d’autres.

Par exemple, des participants ont vu une série de formes apparaissant sur un écran. À chaque fois, ils devaient identifier rapidement s'il s'agissait de la même forme ou si elle était différente de la précédente. À l'insu des participants, la couleur de la forme précédente pouvait prédire quand la suivante apparaissait à l'écran. Les participants qui ont appris à saisir ce modèle devraient être capables de concentrer leur attention et de faire leur choix plus rapidement. En plus de passer ce test, les participants ont également rempli un questionnaire qui mesurait à quel point ils étaient superstitieux dans la vie de tous les jours. Si des comportements superstitieux surviennent en dessous de notre capacité à former des associations, alors vous vous attendriez à ce que davantage de personnes superstitieuses réussissent mieux dans cette tâche, et c'est exactement ce qu’on a découvert. Les individus superstitieux captent le signal et s’en servent.

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Comment expliquer que des actions arbitraires puissent produire des effets bénéfiques et augmenter les chances de succès d’une entreprise ?

C’est toute la problématique du chanceux ! 

Une étude a montré que les joueurs de basket-ball ont tendance à être plus précis dans leurs tirs s'ils passent d'abord par une « routine pré-performance » spécifique, comme tourner ou embrasser le ballon.

Ça peut être illusoire, car autant l'état d'esprit positif que l’acte produit améliorent vraiment notre performance la prochaine fois, et dans ces cas-là nous le faisons, répétons encore et encore.

D’autres études ont porté à une échelle beaucoup plus grande, grâce aux médias, lorsqu'un milliardaire, un auteur acclamé ou un athlète olympique nous parlent de leur routine. 

Ils vous livrent que certains de leurs comportements ont été acquis par un apprentissage superstitieux avec des pratiques proches de leur évangile.

Une étude de 2020 concernant des entreprises suédoises de biotechnologie a révélé que 2 PDG qui en étaient venus à associer certaines stratégies marketing au succès répétaient « religieusement » les mêmes étapes comportementales dans leurs nouvelles start-ups. 

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Le plus important c’est le résultat ? Des acteurs redoutent le vert, le ténor Pavarotti devait toucher un clou avant de monter sur scène… l’angoisse reste à interroger au-delà des actes superstitieux.

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