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Et si la folle envolée du Bitcoin annonçait en réalité sa disparition prochaine ?
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Syndrome d’Icare

Le cours du Bitcoin créé en 2009 poursuit son envol historique et dépasse dorénavant les 675 dollars.

Benoist  Rousseau

Benoist Rousseau

Benoist Rousseau est informaticien et historien économiste diplômé de l'Université Paris Sorbonne.

Il partage sur Andlil.com sa vision iconoclaste sur l'économie et les marchés financiers. Ancien professeur d'histoire, il dirige une société de conseils en informatique tout en étant un blogueur actif et un trader en compte propre.

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Atlantico : Paradoxalement, selon une étude d’Izabelle Kaminska (à lire ici), l'envolée du Bitcoin pourrait préfigurer son effondrement. Comment comprendre cette théorie ?

Benoist Rousseau : Izabelle Kaminska met en valeur l'instabilité profonde du Bitcoin : lorsque celui-ci explose à la hausse, le Bitcoin s'est échangé lundi jusqu'à 900$ avant de redescendre à 700$, tout le monde s'emballe, cela attire les spéculateurs rêvant d'argent facile. Pour être pérenne et durable, une « monnaie » même virtuelle a besoin de stabilité pour être adopté par le grand public, rassurer les commerçants... On cite toujours le petit vendeur de sandwich au coin de la 5ème Avenue à New York ou quelques sites webs qui acceptent le Bitcoin comme moyen de paiement pour faire parler d'eux... mais à part quelques exemples montés en épingle, le Bitcoin n'a pas encore de réalité physique concrète. Enfin, cette monnaie virtuelle est aujourd'hui trop instable, ces phases de hausses extrêmes font aussi place à des krachs réguliers, en avril 2013 le Bitcoin a ainsi perdu 60% de sa valeur en moins de 5 jours. Qui accepterait aujourd'hui d'être payé en Bitcoin avec de telle fluctuation ? Le Bitcoin est actuellement en train de devenir un simple instrument spéculatif qui n'est pas sans rappeler le début d'une formation d'une bulle que l'on retrouve dans de nombreux krachs boursiers.

Qu'apporte de nouveau cette théorie sur la vision que l'on a du Bitcoin comme actif ?

Pour apprécier la thèse d'Izabelle Kaminska, il faut comprendre le processus de « fabrication » du Bitcoin : il est généré électroniquement en utilisant la puissance de calcul brut de nos ordinateurs. A 700$ le Bitcoin, l'opération est très rentable une fois les coûts déduits (immobilisation et usure rapide de l'ordinateur qui doit travailler 24 / 24 de manière intensive et électricité). De ce fait, le nombre de Bitcoin généré peut exploser, ce ne sera plus le petit particulier qui va « miner » pendant des mois pour gagner quelques dollars, mais des spéculateurs commencent à produire en masse des Bitcoins via des ordinateurs extrêmement puissants et coûteux. Nous voyons actuellement apparaître des ordinateurs spécialisés dans le « mining » coûtant plusieurs dizaines de milliers de dollars. L'offre va donc augmenter de manière exponentielle alors que la demande de Bitcoin ne pourra pas suivre tant que cette monnaie restera confidentielle à quelques geeks. Pour le moment, l'excitation spéculative pourra aspirer les Bitcoins nouvellement créés qui vont apparaître, mais s'il n'y a pas un vrai relais non spéculatif, une vraie demande, il y aura trop de Bitcoins en circulation et les cours s'effondreront. Izabelle Kaminska analyse donc le Bitcoin comme s'il s'agissait d'un actif normal et elle met en exergue l'instabilité et les fragilités économiques de celui-ci.

Virus informatique, cambriolages virtuels, fermeture de certaines places de marché comme Silkroad : quels sont les risques qui pèsent sur cette monnaie virtuelle ?

Comme nous l'indiquions en août 2013 dans Bitcoins et Silk Road, la face cachée, la plus grande fragilité du Bitcoin est son utilisation à des fins illégales (terrorismes, trafic de drogues, blanchiment...). Sa principale fragilité est aussi sa principale force marketing : le Bitcoin n'est pas régulé, c'est une monnaie virtuelle « autogérée » sans instance de contrôle. C'est donc une monnaie idéale pour blanchir de l'argent sale et elle est facilement manipulable car sans contrôle veut dire aussi qu'elle est hors contrôle. L'ensemble des Bitcoins en circulation représentent seulement 4,8 milliards de dollars à l'heure actuelle (valeur réactualisée en fonction du cours), il suffit de quelques dizaines de millions de dollars à placer sur ce marché pour faire exploser les cours à la hausse ou à la baisse. Il ne fait pas se voiler la face, le succès actuel du Bitcoin tient plus aux intérêts mafieux qu'à la ménagère de plus de 50 ans.

De plus à des cours élevés, il devient plus rentables et moins risqués aux petits génies de l'informatique de créer des programmes pour « voler » vos Bitcoins stockés sur votre ordinateur que des logiciels pour capter vos numéros de carte bleue. Comment pouvez-vous porter plainte pour un vol de Bitcoin puisque vous n'avez aucune preuve que vous en aviez ? En cas de bugs informatiques ou de vol, vous avez tout perdu, comme cette monnaie est anonyme, il n'existe aucun relevé de compte...

Comment expliquer l'envolée récente de son cours ? Est-elle aussi irrationnelle qu'elle ne le paraît ? Quand cette bulle risque-t-elle d'éclater ?

L'envolée récente des cours au mois de novembre 2013 est une réponse en miroir à l'effondrement du Bitcoin du mois d'octobre 2013. On parlait alors de la fin du Bitcoin... Du fait du faible nombre de Bitcoins en circulation, il est très aisé pour une structure organisée disposant de capitaux importants de faire fluctuer le cours comme elle le souhaite. C'est une monnaie « casino » actuellement.

L'effondrement du Bitcoin en octobre 2013 n'a peut-être pas plus aux gens utilisant cette monnaie virtuelle comme instrument pour « laver » leur argent sale. Ils sont donc intervenus massivement pour faire remonter les cours... Du fait de la faiblesse du volume des transactions, le Bitcoin doit « appartenir » en faite à quelques personnes fortement capitalisés qui peuvent « jouer » avec lui. Cette monnaie « libre » est sûrement l'une des plus manipulables et des moins libres paradoxalement... Quelques organisations douteuses peuvent se comporter comme les banques centrales sur cet actif et faire la pluie et le beau temps, le prix à payer pour l'utopie d'une dérégulation totale... Ce ne sont plus les États qui peuvent garantir un jeu basé sur des règles établies et connues de tous afin d'éviter les ententes, les délis d'initiés... mais les plus forts qui agissent comme ils l'entendent sur les cours du Bitcoin, sans limite, sans règle. Faut-il préférer les mafias ou les banques centrales ? Quand à savoir quand cette bulle éclatera, personne ne le sait, c'est le principe des bulles, tout le monde la voit mais personne ne sait quand. L’envolée récente peut-être vue comme une tentative de sauvetage du Bitcoin après son effondrement d'octobre. Dans un marché si étroit, les variations sont toujours excessives, à la hausse comme à la baisse.

Un éventuel effondrement du cours du Bitcoin remettrait-il en cause son existence même ? Pourquoi pas ?

II faut bien comprendre que la création de Bitcoin n'est régulée par aucune banque centrale. Cette monnaie est autogérée par des ordinateurs connectés entre eux, l'émission de Bitcoins est assurée tant que cela est rentable pour l'émetteur ou que son altruisme est fort... D'une poignée de geeks qui espèrent gagner quelques dollars par mois, l’envolée récente du Bitcoin a vu apparaître des entreprises organisées investissant dans du matériel très onéreux pour produire du Bitcoin. Leur rentabilité se fera au dessus d'un seuil précis, comme pour un simple particulier. Le grand risque du Bitcoin c'est qu'en cas d'effondrement des cours, l'intérêt pour cette monnaie qui n'a pas encore une vraie réalité tangible pour commercer disparaisse. Tant que le Bitcoin connaîtra de violents cycles haussiers, il attirera, il excitera les imaginations. S'il ne vaut rien, il disparaîtra dans l'indifférence la plus totale. L'effondrement des cours du Bitcoin n'a quasiment pas été relayé médiatiquement, au contraire des hausses. Sa survie viendra peut-être d'une forme de régulation pour limiter les excès, l'audition récente au Sénat américain de ce sujet en est un prémisse, mais cela ne sera alors plus un vrai Bitcoin.

Propos recueillis par Pierre Havez

A Lire pour en savoir plus : La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ?, Philippe Herlin (Atlantico Editions). Pour acheter ce livre sur Atlantico éditions, cliquez ici.

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