Et si Ebola arrivait en France : quel plan d’urgence, quelles conséquences ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le risque de propagation du virus hors d'Afrique devient de plus en plus sérieux
Le risque de propagation du virus hors d'Afrique devient de plus en plus sérieux
©REUTERS/Department of Health/Handout

Scénario catastrophe

Face à l'ampleur de l'actuelle épidémie Ebola en Afrique, le risque de propagation du virus hors d'Afrique devient de plus en plus sérieux. En France, ce risque est pris au sérieux par les autorités qui disposent, pour l'heure, des moyens nécessaires pour faire face à l'arrivée du virus dans le pays.

François Bricaire

François Bricaire

François Bricaire est un médecin. Il est chef du service Maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris. Il est professeur à l'Université Paris VI-Pierre et Marie Curie.

 

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Natalie Maroun

Natalie Maroun

Natalie Maroun est directrice-conseil et analyste chez Heiderich Consultants, spécialisée dans la gestion et la communication de crise. Elle travaille également pour l'Observatoire international des crises (OIC). 

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Atlantico : Quel dispositif d'urgence mettre en place si le virus Ebola venait à toucher la France ? Quels en seraient les modalités concrètes en termes de moyens logistiques et financiers ?

Natalie Maroun : La gestion des crises sanitaires en France est très élaborée, construite sur plusieurs niveaux : au niveau municipal, de l'ARS (Agence régionale de santé), et au niveau national. 

En termes logistiques et financiers, cela ressemblerait à ce qui peut être mis en place dans le cadre de pandémies ou d'épidémies. Avec Ebola cependant, il y a peu de chances pour que nous nous dirigions rapidement vers l'épidémie au regard du mode de contamination.

Dans le cas d'Ebola, il convient donc de mettre en place des mesures d'urgence qui vont consister à prendre en charge le suivi des personnes atteintes du virus, ainsi que des mesures visant à éviter la contamination. Concernant ce dernier dispositif visant à éviter la contamination donc, il convient d'isoler un foyer, constitué dans le cas d'Ebola par des personnes ayant séjourné en Afrique et qui ont été contaminées. Le problème avec Ebola, mais également avec d'autres virus, c'est que le porteur ne le sait pas ; dans ce cas, le dispositif peine à pouvoir se mettre en place. Dans la mesure où il n'existe pas de traitement préventif, il convient donc en priorité de surveiller, prévenir, et isoler dans certains cas des personnes pouvant présenter un risque.

François Bricaire : Depuis déjà plusieurs années, il existe un système assez global de lutte contre les maladies émergentes et qui comporte, entre autre, les potentialités de lutte contre les fièvres hémoragiques africaines auxquelles est apparenté le virus Ebola. Une organisation de la part des pouvoirs publics existe donc, avec des structures hospitalières susceptibles d'accueillir les malades. 

Une difficulté demeure néanmoins en France : les laboratoires de biologie, au sens biochimique, rechignent un petit peu à techniquer les prélèvements. De ce fait, les autorités ont souhaité qu'il y ait un très haut degré de protection avec un appareillage très sophistiqué qui, malheuresement, n'est pas à disposition dans nos structures hospitalières. En dehors de cela, le système est mis en place pour que si un individu porteur venait à être repéré aux aéroports ou ailleurs sur le territoire, celui-ci soit transféré vers des structures hospitalières via le Samu dans les services de maladies infectieuses ou dans des cellules d'isolement comme celles de Bichat ou de la Pitié-Salpêtrière pour l'Ile-de-France. 

Quel plan de communication mettre en oeuvre auprès de la population si le virus arrivait en France ? Quels en seraient les différentes étapes ? Quelles précautions particulières adresser par les pouvoirs publics à la population ?

Natalie Maroun : La communication doit surtout concerner les personnes à risque. Une telle communication présente plusieurs avantages comme celui d'éviter que la panique soit semée, ce que peut provoquer la mise en place d'un plan d'urgence national étendu. Une erreur à éviter consisterait à décrire uniquement, dans ce plan de communication, les symptômes du virus Ebola dans la mesure où ceux-ci peuvent s'apparenter à des symptômes grippaux ; il s'agit donc là d'éviter de faire de la surinterprétation de maux bénings. 

La communication à mettre en place doit également prendre en compte les modalités de la transmission du virus, tout en informant également sur le dispositif qui pourrait exister. Il s'agit donc à la fois d'orienter et d'expliquer les actions mises en place en amont. Le risque là aussi est de tomber dans un syndrome du type de la grippe A, où la mise en place du plan national a pu avoir les effets inverses de ceux souhaités initialement. 

Il faut aussi savoir qu'au cours de ces temps consacrés à la communication de crise sanitaire, beaucoup de choses passent par le personnel de santé, et pas forcément par les autorités administratives et politiques. 

François Bricaire : Dans l'hypothèse d'une arrivée du virus en France, les mesures d'hygiène sont les plus importantes à préconiser. A partir du moment où un sujet serait repéré et isolé dans une structure hospitalière, il convient de prendre toutes les précautions d'hygiène nécessaires vis-à-vis de la personne malade pour arrêter immédiatement le risque de transmission vers des personnes saines.

Comment les pouvoirs publics peuvent-ils faire face à un éventuel mouvement de panique généralisé parmi la population ? 

Natalie Maroun : Le problème de la panique, c'est qu'il s'agit d'une peur irrationnelle. Par conséquent, un discours rationnel, qui plus est prononcé par les autorités politiques ou administratives, ne permet pas de calmer la panique. La panique révèle une inquiétude parmi la population, celle que les autorités dissimulent l'information. Dans ce cas, il faut faire appel à de bons relais pour faire passer le message, et dans ce cas, il peut s'agir principalement des médecins, mais également des pompiers ; le discours politique doit donc être évité. 

La France est-elle suffisamment prête à faire face à ce genre de situation de crise sanitaire ? 

Natalie Maroun : La France est plus que prête. Tout d'abord, le pays dispose d'une organisation prévue à cet effet comme je l'ai déjà dit, et ce à différentes échelles. L'armée également est prête à gérer ce risque éventuel, de même que la France dispose de l'équipement nécessaire pour isoler un individu porteur du virus. 

François Bricaire : Ce qui est sûr, c'est que la France s'y prépare. Maintenant, il convient de rester très modeste car les épidémies n'évoluent jamais tout à fait de la façon que vous avez prévu. Il convient donc d'être extrêmement vigilant : on peut toujours passer à côté d'un premier cas, et donc ainsi laisser se développer le risque de transmission à d'autres individus. 

Le système de surveillance à l'embarquement en Afrique actuellement mis en place, mais également dans les aéroports d'arrivée, vise précisément à éviter ce risque. 

Quelles sont les modalités de transmission du virus Ebola ? Quelle part de risque représente la transmission interhumaine ? Dans quelles circonstances survient-elle ? Comment prendre en considération ce risque pour le personnel médical en charge de s'occuper des patients atteints ? 

François Bricaire : Ebola est un virus qui se transmet par ce que l'on appelle les "humeurs", c'est-à-dire tous les liquides de l'organisme, à commencer par la sueur. Par conséquent, les contacts cutanés sont potentiellement à risque; il s'agit d'ailleurs de la façon la plus commune de transmission interhumaine du virus. Il est donc impératif de prendre des précautions afin d'éviter ces contacts cutanés. 

Le personnel de santé est effectivement souvent concerné par ce risque de transmission surtout si les connaissances sur ce risque sont faibles. Dès que le risque est connnu, il convient impérativement de porter des gants qui assurent la protection lors de l'auscultation d'un individu malade, mais également un masque, des lunettes, et une blouse de protection. 

Quels sont les symptômes déclarés chez un patient atteint du virus ? A combien de temps est portée la période d'incubation ? Quelles actions mettre en oeuvre durant cette période ? Quelle est le degré de fiabilité du diagnostic ? 

François Bricaire : Cette maladie se manifeste généralement par de la fièvre, des maux de tête, un mal de gorge également au début. Puis très vite, apparaissent d'autres symptômes tels que la diarhée ou des signes hémoragiques ce qui fait d'ailleurs toute la gravité de la maladie, en particulier les saignements digestifs responsables du décès des patients atteints. 

La période d'incubation est d'une dizaine de jours généralement, pouvant aller jusqu'à 3 semaines. Pendant cette période d'incubation, il n'y a pas de transmission : ainsi, un sujet en période d'incubation ne peut pas transmettre la maladie. La transmission interhumaine n'intervient qu'à partir du moment où les premiers symptômes de la maladie apparaissent.

Il est vrai qu'il existe plusieurs virus responsables de symptômes similaires à ceux d'Ebola, ce que l'on regroupe dans la famille des fièvres hémoragiques africaines. Ebola fait partie des virus les plus agressifs de ce groupe. La fiabilité du diagnostic repose alors sur les test réalisés : à partir du moment où l'on dispose de prélèvements sanguins et qu'on pense à rechercher le virus, celui-ci peut se trouver facilement. Les données épidémiologiques déjà existantes permettent également la confirmation ou non du diagnostic : ce type de maladie apparaît généralement en zone de forêts, dans des villages où les premiers malades présentent des symptômes similaires à ceux décrits précedemment, et décèdent malheureusement au bout de quelques jours. 

Quel est l'environnement le plus propice au développement et à la propagation du virus ? La France fait-elle face à une réelle menace ? 

François Bricaire: A priori, le milieu le plus propice est donc le milieu forestier comme je le disais, les premières victimes du virus Ebola étant les singes des forêts tropicales, ce qui explique que la plupart des épidémies sévissent en Afrique et surtout dans les zones tropicales, que se soit au Zaïre ou au Congo, ou plus récemment en Sierre-Léone ou au Liberia.

La France, et d'une façon plus générale les pays européens, doivent essentiellement craindre les sujets ayant été sur place, qui auraient alors contracté la maladie et seraient de retour durant leur phase d'incubation pour déclarer la maladie sur le continent européen. 

Propos recueillis par Thomas Sila

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