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Le système de santé cubain a été perturbé par la pandémie de Covid-19 et ses conséquences.
Le système de santé cubain a été perturbé par la pandémie de Covid-19 et ses conséquences.
©Marco Bertorello / AFP

Système de santé

Le système de santé cubain, longtemps source de fierté nationale, a été fortement impacté par les effets du Covid-19 sur les établissements hospitaliers.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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« L’humain d’abord » – le slogan est connu. C’était celui de Jean-Luc Mélenchon pour les élections présidentielles de 2012, alors qu’il se présentait sous la bannière du Front de Gauche. Mais c’est aussi le magnifique objectif affiché de tous les gouvernements inspirés du marxisme-léninisme depuis la révolution d’Octobre 1917. De la Russie à Cuba, en passant par le Cambodge ou le Venezuela, les faits se sont chargés d’en démontrer la parfaite inanité, voire la criminelle fausseté. Mais certaines légendes ont la vie dure. Cas d’école : la haute qualité du système de santé cubain.

Au départ, une certaine réalité. En 2018, Cuba comptait 8,4 médecins pour 1 000 habitants soit peu ou prou le double de la moyenne des pays de l’OCDE. Ajoutez la gratuité des soins et l’intense médiatisation des brigades médicales cubaines envoyées, selon le vœu de Fidel Castro, dans tous les recoins les plus déshérités du monde et la belle histoire était lancée : Cuba maîtrise le champ médical mieux que n’importe quel pays au monde et le communisme est bel et bien le lieu de l’intense « combat de la solidarité contre l’égoïsme » (Castro), le lieu de « l’humain d’abord ».

Avec le Covid, nouvelle occasion de briller sur la scène internationale. Même la France, dépassée qu’elle était dans le contrôle sanitaire de la pandémie, a reçu sa petite brigade de 15 médecins et infirmiers en juin 2020 en Martinique.

Une expérience essentiellement politique, poussée par le mouvement indépendantiste martiniquais et acceptée par le gouvernement français, qui s’est avérée assez peu concluante sur le plan médical, malgré le grand besoin en renfort des médecins locaux. Pour ces derniers, qui ont reçu les « missionnaires » cubains dans leurs services respectifs, l’aide apportée a été proche de zéro au sens où aucun des arrivants ne parlait français et où personne ne savait vraiment ce qu’ils étaient capables de faire, leur niveau en médecine n’ayant pas été évalué.

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En revanche, rapporte Le Point, le niveau d’équipement (en radiologie, notamment) dont disposait la Martinique les a passablement impressionnés. Selon le chef du pôle réanimation-anesthésie du Samu local, la médecine cubaine serait surtout une médecine de guerre, utile sur un champ de bataille, car « ils n’ont pas les machines », d’où leur discret mouvement appréciatif.

Voilà qui tranche avec cette impression de modernité médicale absolue qui nous est renvoyée régulièrement par les amis du régime cubain. Disons qu’avec la chute de l’URSS puis la descente aux enfers du Venezuela, les ressources font défaut pour maintenir le système à flot. Le nombre de médecins perd de son importance lorsque vous n’avez ni les médicaments de base, ni les désinfectants, ni les antibiotiques, ni l’oxygène, ni les lits indispensables pour assurer un niveau minimum de soins et lorsque vous devez faire face à des coupures récurrentes d’eau et d’électricité.

La situation sanitaire est à ce point dégradée dans l’Île que même le New York Times, généralement très prompt à adopter le point de vue cubain sur la supériorité mondiale de son système de santé, a été jusqu’à titrer en août 2021 : « Submergé par le coronavirus, le célèbre système de santé cubain vacille. » En lieu et place de « vacille », comprendre : révèle son état d’effondrement. Sous-titre éloquent :

« ‘Les pompes funèbres n’arrivent pas à faire face, les hôpitaux n’arrivent pas à faire face, les cliniques n’arrivent pas à faire face’, a déclaré un médecin cubain qui a été licencié pour avoir déploré publiquement l’état de détresse des soins médicaux. »

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L’homme fort actuel de Cuba, l’apparatchik communiste Miguel Díaz-Canel s’est empressé d’entonner la rengaine habituelle en de telles circonstances : il n’y a pas d’échec du socialisme à Cuba, dont l’esprit de solidarité reste au plus haut pour sauver des vies dans le monde entier grâce aux brigades médicales ; tout est de la faute des Américains, tout est de la faute du « blocus » :

[Traduction : Alors que les États-Unis tentent de nous étouffer avec un blocus insensé, le noble travail des brigades médicales « Henry Reeve » a permis de diffuser la solidarité de #Cuba à travers les continents et de sauver des vies. Fin du blocus ! C’est aussi un virus !]

Il n’empêche qu’au même moment, les Cubains sont descendus en masse dans les rues pour protester contre les conditions de survie qui leur sont imposées depuis trop longtemps par le régime, bien au-delà des seules circonstances covidiennes. Quant à parler de « blocus », c’est un abus de langage. Il existe un embargo américain qui fait que l’île peut commercer avec tous les pays qu’elle veut sauf avec les États-Unis. Et encore l’embargo s’est-il fortement allégé depuis le début des années 2000 puisque le commerce des aliments et des médicaments avec Cuba est maintenant autorisé.

Il y a bien asphyxie de l’économie cubaine, mais elle n’est pas à rechercher ailleurs que dans ce que les Cubains eux-mêmes appellent le « blocus interne », c’est-à-dire l’échec économique, social et bureaucratique qui ponctue dramatiquement toutes les expériences de « socialisme réel » sans exception. 

Du reste, sur le plan médical, il faut savoir qu’au moment où Castro a pris le pouvoir en 1959, Cuba se situait au quatrième rang d’Amérique latine pour l’espérance de vie. De plus, son système de santé était déjà « très développé ». L’île avait à l’époque un taux de mortalité infantile de 32 ‰, soit l’équivalent de la France. De là à penser que le régime castriste est parvenu à casser par collectivisme et autoritarisme idéologique un secteur qui était plutôt bien parti avant son arrivée, il n’y a qu’un pas. 

La preuve par les modalités d’envoi du personnel médical cubain dans les pays étrangers.

Derrière le discours de la solidarité internationale, derrière le soft power des missions humanitaires, derrière les drapeaux, l’hymne national et la photo du grand chef qui ponctuent chaque départ selon les codes de la meilleure propagande (voir photo de couverture), force est de constater que les milliers de soignants formés à la pelle à la Havane ne sont rien d’autre qu’une marchandise destinée à ramener des devises au pays. Au point que saisie d’une plainte déposée au nom de centaines de médecins concernés, l’ONU évoque « une forme de travail forcé qui s’apparente à de l’esclavage moderne » dans un rapport de 2020.

Côté gros sous, l’opération rapporte 8 à 10 milliards de dollars par an à Cuba quand le tourisme ne contribue qu’à hauteur de 2,5 milliards environ. On comprend l’enjeu. Mais le régime ne reverse aux médecins que 10 à 20 % de ce que leur paient les États partenaires. De plus, ces sommes ne leur sont pas attribuées directement ; elles les attendent sur un compte ouvert à Cuba auquel ils n’auront accès qu’à leur retour.

Eh oui, l’enthousiasme des « missionnaires » est si vif que le régime craint par-dessus tout les désertions. De la même façon, leur passeport est confisqué par le chef de mission à leur arrivée à l’étranger et ils ne peuvent emmener leur famille avec eux. Il va sans dire que les contacts avec les populations locales sont interdits et que chaque départ est précédé d’une formation non pas médicale mais politique de haut niveau. Si d’aventure désertion il y avait – et de fait, il y a assez souvent désertion – les familles sont retenues en otages à Cuba tandis que le déserteur encourt 3 à 8 ans de prison.

Pour compléter le propos, je vous invite à visionner la vidéo ci-dessous (22′ 11″). Publiée en avril dernier par le magazine Reason – free minds and free markets, elle présente les témoignages de plusieurs médecins cubains ayant participé puis échappé aux missions médicales cubaines à l’étranger. Ils nous confirment notamment qu’il y a bien deux médecines à Cuba – celle, complètement délabrée, des gens ordinaires ; et celle, beaucoup plus rutilante, réservée aux élites et aux touristes :

Je vous propose également de lire le témoignage de la blogueuse cubaine Yoani Sánchez qui tente de faire vivre, parfois au prix de sa liberté, un média non-officiel à Cuba afin de faire émerger la réalité de la vie quotidienne des Cubains hors de la propagande de leur gouvernement. Sur le système de santé :

« C’est un jeu d’ombres et de lumières : il peut y avoir, dans un hôpital, un appareil sophistiqué de tomographie axiale, mais les patients doivent apporter leur aspirine, le chlore pour désinfecter les toilettes et toute leur nourriture, parce qu’il n’y a rien. »

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Sachant tout cela, on ne peut qu’être saisi d’un profond dégoût à l’idée que le gouvernement français a jugé bon d’avoir recours pendant quelques mois à ce système profondément antidémocratique, profondément inhumain, pour pallier ses propres déficiences.

À ce sujet, et alors que nos services médicaux d’urgence sont une fois de plus au bord du gouffre (sans que la pandémie de Covid puisse être incriminée), alors que les pénuries de médecins sont monnaie courante, alors qu’on a déjà vu des malades « stockés » dans des couloirs, j’aimerais alerter à la lumière de la situation cubaine sur le fait que trop de collectivisation pourrait bien finir par tuer complètement notre hôpital.

Ne serait-il pas temps de repenser notre système de fond en comble ? Ne serait-il pas temps d’admettre que les moyens de plus en plus élevés (11,2 % du PIB comme en Allemagne) qui lui sont consacrés échouent régulièrement à résoudre les problèmes dénoncés ? Ne serait-il pas temps de le défonctionnariser afin de permettre aux bonnes idées de s’exprimer ? Bref, ne serait-il pas temps d’ouvrir une petite porte de liberté dans la pratique médicale ?

Pour plus d’information sur le sujet, je suggère la lecture de l’article « Mystère à l’hôpital » du 18 mai 2020 et de « Médecine générale : et si l’on faisait confiance au MARCHÉ ? » du 5 mars 2021.

Cet article a été publié initialement sur le site de Nathalie MP : cliquez ICI

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