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Et l’option Christine Lagarde pour la commission européenne surgit du chapeau d’Angela Merkel : les raisons d’un rebondissement
©Reuters

Et pouf, qui voilà ?!

Christine Lagarde, favorite pour la présidence de la Commission européenne ? Alors que l'actuelle présidente du Fonds Monétaire International n'est même pas candidate, son nom a été cependant évoqué lors du dîner informel du Conseil européen qui s'est tenu mardi 27 mai à Bruxelles. Et pourtant, jusqu'à présent, Jean-Claude Juncker, candidat officiel, était le grand favori de cette course à la présidence.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Bien que Christine Lagarde ne soit pas candidate, son nom a été évoqué lors du dîner informel du Conseil européen qui s'est déroulé mardi 27 mai à Bruxelles. Comment expliquer l'évocation de son nom, alors même que Jean-Claude Juncker était jusqu'à présent favori ?

Bruno Cautrès : Il faut tout d’abord rappeler que  le choix du Président de la Commission européenne doit tenir compte du résultat des élections européennes. Sur le papier, le Conseil européen, tenant compte de ces résultats (ce qui est inscrit dans le Traité de Lisbonne) proposera dans quelques semaines un nom au Parlement européen et celui-ci votera sur ce nom. Mais concrètement, les chefs d'Etat et de gouvernement, réunis le mardi 27 mai, ont décidé de confier au président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, la tâche d’explorer et de consulter afin de voir qui obtiendrait une majorité pour présider la prochaine Commission, tant au Parlement qu’au sein du Conseil européen (majorité qualifiée dans ce dernier cas). Au lendemain des élections les chefs des groupes politiques du Parlement européen avaient donné leur feu vert à Jean-Claude Junker pour qu’il recherche une majorité au Parlement, mais visiblement les chefs d’Etat et de gouvernement ont temporisé sur son nom. C’est notamment le recul du PPE par rapport aux élections européennes de 2009 et l’opposition de certains gouvernants (D. Cameron notamment) à la désignation de Jean-Claude Junker qui expliquent cela. C’est dans ce contexte que le nom de Christine Lagarde est évoqué, et a été évoqué avant même les élections.

Quels intérêts Christine Lagarde représente-t-elle par rapport aux autres candidats ?

Il faut d’abord rappeler que le parti qui a remporté le plus de sièges de députés européens à l’issue des élections qui viennent de se tenir est le PPE (Parti Populaire Européen, le parti conservateur de centre droit), qui est la famille politique de Jean-Claude Junker ou de Christine Lagarde. La désignation de Christine Lagarde respecterait donc le fait que le PPE, même en net recul en sièges par rapport à 2009, reste le vainqueur des européennes de 2014. Dans le même temps, Christine Lagarde n’a pas le même profil politique que Jean-Claude Junker : si elle a détenu un mandat politique local à Paris et a été ministre dans les gouvernements de François Fillion, elle n’a pas occupé le premier rang comme Jean-Claude Junker qui a été le premier ministre du Luxembourg, qui a aussi été un acteur très engagé de la campagne électorale de 2014 puisqu’il était le candidat officiel du PPE pour la Présidence de la Commission. Le fait qu’elle soit actuelle directrice du FMI et qu’elle ait occupée cette fonction pendant la période la « Grande récession » la situe davantage sur un profil d’expert économique international que sur un profil plus directement politique comme Jean-Claude Junker. Enfin, n’oublions pas que le nom de Christine Lagarde émerge dans un contexte où le Premier ministre britannique est soumis à une forte pression interne avec les résultats de UKIP et la perspective d’un éventuel référendum sur le maintien de son pays dans l’UE. Or, Jean-Claude Junker, mais aussi Christine Lagarde, sont des européens convaincus. L’ancien premier ministre luxembourgeois, pendant sa campagne, a réaffirmé clairement ses positions en faveur de plus d’intégration européenne, une perspective qui n’est pas celle de David Cameron. Du côté français, l’évocation du nom de Christine Lagarde n’est peut-être pas l’hypothèse qui sera la plus soutenue par François Hollande : celui-ci cherche, pour des raisons internes essentiellement, à gagner une manche en montrant qu’il a été entendu au plan européen sur sa perspective de « réorienter l’Europe ». Or, par la famille politique dont elle est proche comme par ses fonctions actuelles ou précédentes, Christine Lagarde, malgré son profil d’expert international de haut niveau et très respecté au plan international, représente sans doute pour la gauche un symbole qui n’est pas celui d’une « réorientation » de l’Europe.

Angela Merkel avait déjà rencontré l'actuelle directrice du Fonds Monétaire International au début du mois de mai afin d'évoquer l'idée d'une possible candidature et de lui proposer de réfléchir sur le sujet. Quels intérêt la chancelière allemande voit-elle dans la présidence de Christine Lagarde ?

Officiellement, la chancelière allemande a soutenu Jean-Claude Junker ; elle est membre du PPE Mais sans doute souhaite t’elle à la fois respecter les Traités européens et réaffirmer son leadership au sein du Conseil européen en ne laissant pas la logique de désignation du Président de la Commission trop aller en directement du Parlement.

Qu'aurait Christine Lagarde à y gagner, si jamais elle se présentait ? Sous quelles conditions accepterait-elle ?

Après la direction du FMI, cela constituerait pour elle une très belle et importante étape de sa carrière de dirigeant économique international et de personnalité politique internationale de premier plan. Les conditions seront-elles réunies pour l’évocation de son nom se transforme en véritable début de négociations politiques au sein du ¨Parlement et du Conseil européen ? Trop tôt pour le dire. Si le soutien sur son nom côté français n’est pas au rendez-vous, cela sera compliqué néanmoins pour que cette évocation aille plus loin.

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