Et François Hollande tentait de sauver la 2e moitié de son quinquennat : qui de ses opposants, de ses ministres ou de ses proches est le plus sévère sur la 1ère<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande est attaqué de tous côtés depuis le début de son quinquennat
François Hollande est attaqué de tous côtés depuis le début de son quinquennat
©Reuters

Challenge

Le président de la République est l'invité du 7/9 de France inter ce lundi 5 janvier. Objectif non déclaré : convaincre les Français en vue de la présidentielle de 2017. Un exercice périlleux, surtout lorsque la première partie de son quinquennat est soumise à une volée de critiques venant de toutes parts, même de son propre camp.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Politique économique, emploi et chômage, fiscalité, insécurité… Les critiques contre François Hollande ne manquent pas. Principal reproche exprimé à son égard, le front de l'emploi : pour 97 % des Français, François Hollande a en effet "plutôt échoué" en la matière selon un sondage Odoxa pour RTL dévoilé en novembre. En quoi peut-on dire que le regard sans concession des Français dans le domaine de la lutte contre le chômage est justifié, sachant que l'Unedic a émis une prévision chiffrant à plus de 145.000 le nombre de chômeurs additionnels en 2015 ?

Jean-Yves Archer : Le regard, que vous qualifiez de sans concession, est tout simplement une preuve de pleine lucidité. Depuis dix trimestres consécutifs, le chômage ne cesse de s'accroître et atteint désormais des sommets. Il y a " la faute à la crise " mais pas que ce facteur explicatif, et nous le savons tous. Plus de 3,5 millions de nos concitoyens sont hélas concernés. Dès lors, ils ne peuvent que jauger sévèrement une politique économique apparemment inefficace et juger non moins sévèrement le Président qui avait dit être capable d'inverser la courbe du chômage et proclamé "la reprise ? mais elle est là !". Ce fossé entre le décideur public ultime et la population est d'autant plus marqué que les perspectives pour 2015 sont effectivement mauvaises. De l'Unedic en passant par différents instituts de conjoncture, nul ne table sur un accroissement du nombre de chômeurs inférieur à 130.000 personnes. D'aucuns, intégrant les conséquences croissantes de la robotisation des tâches peu qualifiées, tablent même sur 210.000 chômeurs de plus si la croissance demeure au ralenti du fait de l'impact des crises géopolitiques et notamment des tensions commerciales avec la Russie.

Certains citoyens n'ont pas la mémoire courte et se souviennent d'un auteur qui a écrit en février 2012 : "Trop longtemps les Français ont été abusés par des images trompeuses, des rhétoriques faciles, des incantations mensongères" (François Hollande, " Changer de destin ", page 25)...

Lire également : François Hollande peut-il être encore sauvé par la com' ?

62 % des Français jugent négativement l'action de François Hollande sur la situation des entreprises et 67 % d'entre eux estiment que la politique économique du chef de l'Etat a eu des effets négatifs pour la France selon un sondage CSA de novembre. En quoi peut-on dire que la politique économique actuelle du gouvernement manque de cap ? De la même manière, quelles sont les conséquences de cette instabilité sur le moral des chefs d'entreprise ?

Jean-Yves Archer : Les chefs d'entreprise sont objectivement confrontés à une crise durable qui atteint l'activité. Mais ils sont, de manière plus subjective, confrontés à des gouvernements qui, depuis 2012, ne suscitent pas la confiance. Comment croire le Premier ministre Ayrault et ses hausses d'impôts qui ne vont " concerner qu'un Français sur dix " (entretien France 2 avec David Pujadas) ? Comment accepter les propos outranciers d'Arnaud Montebourg sur bien des sujets, à commencer par le cas Peugeot ? Tous ces éléments ont généré et alimenté un climat de défiance qui bride l'envie d'investir : envie déjà très écornée par le manque de visibilité des carnets de commande. Il y a donc une première et lourde contradiction dans le cap des Pouvoirs publics. Puis, il serait absurde de nier que nous sommes dans une sorte de " stop and go " fiscal. D'un côté, 2012 et 2013 ont vu les prélèvements globalement augmenter. D'un autre côté, le gouvernement tente une politique de l'offre avec le CICE et le Pacte de responsabilité. Le hiatus vient de la somme des prélèvements qui va demeurer supérieure – n'en déplaise aux calculs baroques et partisans de la députée Karine Berger – aux allègements et remboursements programmés. Là encore, on tire a hue et a dia.

Un an après son annonce, peut-on déjà parler "d'échec" du Pacte de responsabilité, comme l'a déclaré le ministre de l'Economie Emmanuel Macron, même si ce dernier l'a pour sa part imputé au seul Medef ?

Jean-Yves Archer : Le ministre Michel Sapin, homme d'expérience et de réflexion, a su loyalement reconnaître, dès le 5 septembre dernier, que le CICE ne portait pas tous les fruits escomptés (Déclaration à Feyzin : "il ne faut pas attendre d'effet direct du crédit d'impôt sur les embauches"). Il en sera évidemment de même pour le Pacte de responsabilité comme le démontrent deux députés frondeurs : Messieurs Philippe Noguès et Christian Paul. En effet, la propension à investir est beaucoup trop faible pour être réellement stimulée par le Pacte et l'instabilité législative et fiscale déroutent les entreprises. On annonce un choc de simplification mais le compte pénibilité (légitime avancée sociale) est un casse-tête ! Ainsi, les entrepreneurs sont en zone de méfiance et préfèrent se contenter de restaurer leurs trésoreries ou de financer des alliances dans des pays étrangers. Enfin, remarque de principe, si tout le monde avait jugé pertinente cette idée de Pacte, elle aurait abouti plus vite. Un an de gestation en temps d'urgence économique, c'est déjà plus qu'un indice de la faible portée finale de cet outil.

Selon la Commission européenne, "la France doit prendre des mesures supplémentaires pour assurer un respect de ses obligations au titre de la procédure de déficit excessif pour 2015".  Toujours selon les prévisions de Bruxelles, le déficit public de la France va s'aggraver pour atteindre 4.7 % en 2016 et dépasser celui de ses voisins européens. Quelle est la part d'échec du gouvernement en la matière ?

Jean-Yves Archer : Seul le Gouvernement est maître de l'agenda des finances publiques. S'il subit la crise et les moindres progressions de recettes fiscales qui en découlent, c'est à lui de gérer la bonne tenue des dépenses publiques. Au fond, chacun sait que le fameux chiffre de 50 milliards d'ici 2017 ne sera pas atteint et que les économies seront moindres. Même le direct Secrétaire d'Etat Christian Eckert a reconnu ouvertement que les hausses d'impôts seraient probablement incontournables, par-delà l'incantation présidentielle. Issue de celui-là même qui a écrit en page 45 de "Changer de destin" : "La droite est une cigale à la voix de fourmi". L'histoire budgétaire récente de notre pays (voir l'absence de réforme de la fiscalité dite affectée depuis des décennies, voir le dérapage du hors-bilan depuis 10 ans, etc.) montre que la voix douce du décideur public ultime, digne d'une mélodie, masque en fait une politique non " vertueuse " au sens que Messieurs Cicurel et Barre ont donné, en son temps, à cette expression.

Daniel Cohn Bendit a estimé dans la revue Charles que François Hollande "ne comprend rien à l'écologie". Qu'est-ce qui autorise cette affirmation ?

Jean Petaux : Une des caractéristiques premières du discours politique consiste à simplifier jusqu’à l’épure quand ce n’est pas jusqu’à la caricature. Dire que "François Hollande ne comprend rien à l’écologie" c’est, forcément, un argument rhétorique qui va au plus court pour faire sens et qui est surtout destiné à convaincre ceux qui le sont déjà, considérant avant même cette appréciation du professeur d’écologie Cohn-Bendit, que l’élève Hollande est bien le cancre de la classe, préposé à porter le bonnet d’âne dans une matière pourtant pleine d’avenir.

Si on veut être sérieux et quitter ce simple registre argumentatif, on constate que François Hollande n’est ni pire ni meilleur que la quasi-totalité de la classe politique française. Il a sans doute autant la fibre "écolo" que d’autres dispensateurs de brevets de vertu (ou de "vert" tout court). Autant ou, plus exactement, pas plus. L’écologie politique en France est considérée partout en Europe comme frappée de "nanisme idéologique" et uniquement confinée à de petites guerres intestines comparables aux querelles de bacs à sable dans les jardins publics entre sales gosses. La conversion soudaine de François Hollande à la cause écologique est-elle plus opportuniste que celle de Jacques Chirac lors du discours inaugural du IVème Sommet de la Terre à Johannesburg le 2 septembre 2002 ("Notre maison brûle et nous regardons ailleurs") ? L’est-elle davantage que celle de François Mitterrand amoureux des chênes morvandiaux et des pins maritimes entourant sa maison de Latché ? Sans parler de Nicolas Sarkozy et de son désormais célèbre :"L’écologie ça commence à bien faire" adressé (pour les calmer) aux représentants des agriculteurs français ? Les présidents de la République en France sont confrontés à des exigences courte-terrmistes qui coexistent mal, par nature, avec une ambition futuriste et une vision à long terme permettant de répondre à des questions aussi fondamentales que le dérèglement climatique ou l’interpellation de la décroissance. Ce constat n’excuse en rien l’attitude de tel ou tel dirigeant politique français, et précisément celle que prête Daniel Cohn-Bendit à François Hollande. Mais il l’explique assez bien. Le fonctionnement du jeu politique est ainsi fait que la mise à l’agenda de tel ou tel enjeu n’est possible que lorsque son traitement revêt un caractère d’urgence. Sans préjuger d’ailleurs de la nature de cette urgence : électorale, partisane, politique, diplomatique, sociale, économique, financière.

La conférence internationale de Paris (COP 21/CMP11) "Paris Climat 2015" qui aura lieu au Bourget du 30 novembre au 11 décembre 2015 (au même moment que les élections régionales selon toute vraisemblance, la date n’est pas encore arrêtée mais les deux tours des "Régionales" pourraient avoir lieu respectivement les 1er, 8 ou 15 décembre…) est de plus en plus considérée comme un enjeu politique majeur, au plan national comme au plan international, parce que, justement, elle touche aux différents champs évoqués précédemment. C’est ce qui va faire que François Hollande, qu’il "comprenne quelque chose ou rien à l’écologie" (pour reprendre le vocabulaire de Cohn-Bendit) va s’y intéresser de plus en plus. La mise en scène très récente de l’entretien entre le président Hollande et Nicolas Hulot nommé "ambassadeur pour le climat" en est une illustration parmi d’autres.

Toujours selon une autre écologiste, cette fois Cécile Duflot dans son livre "De l'intérieur", "à force d'avoir voulu être le président de tous, il n'a su être le président de personne". Jean-Luc Mélenchon, lui, critique François Hollande en estimant à propos du retour de Nicolas Sarkozy qu'il vaut "mieux vaut ça que des mollassons et des ectoplasmes dont on ne sait pas ce qu'ils pensent ni ce qu'ils comptent faire". Dans quelle mesure peut-on dire que François Hollande paye son manque de cap politique clair et lisible ?

Jean Petaux : Les propos de Cécile Duflot n’ont pas grande importance. Elle a négocié un accord électoral pour les législatives de 2012 avec Martine Aubry afin d’obtenir un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale et les moyens en "permanents" qui vont avec. Sans parler de deux portefeuilles ministériels, dont un pour elle, "dealés" avec François Hollande après les primaires de l’automne 2011. On mesure ici la force des convictions philosophiques des dirigeants d’EELV, formation que Daniel Cohn-Bendit a qualifié, lui-même, en en claquant la porte, de "secte"… Pour ce qui concerne Jean-Luc Mélenchon, dans la figure classique (et très "marxiste") de "l’allié objectif", il est clair qu’il a tout intérêt à trouver au pouvoir un Nicolas Sarkozy plutôt qu’un "ectoplasme socialiste". Ces deux critiques sont parfaitement logiques et dans l’ordre des choses. Du côté de Cécile Duflot il y a la qualité d’une formule pur-produit d’un marketing politique forgé à l’airain de la communication-tweetos ; du côté de Jean-Luc Mélenchon se retrouve la tradition de l’insulte gauchisante brodée méticuleusement par un des derniers grands amoureux de la belle langue française en politique.

Reste que François Hollande doit faire face à un record d’impopularité. Et que cela, ni Duflot ni Mélenchon, en dépit du culot cynique de la première et des talents compliqués du second, n’en sont seuls responsables. C’est François Hollande lui-même qui paie en effet la facture du décalage entre son discours de la campagne 2012 et sa pratique présidentielle actuelle. Mais comme il n’aurait pas été élu s’il n’avait pas tenu les propos qu’il a tenus en 2012, disons tout simplement que la dette à laquelle il doit faire face aujourd’hui est, tout simplement, incontournable. Pas plus inévitable que celle (bien réelle celle-ci) que lui ont laissé ses prédécesseurs dans les comptes de la Nation, depuis 1981…

Selon les journalistes Nathalie Schuck et Frédéric Gerschel dans leur livre "Ça reste entre nous, hein ?", Nicolas Sarkozy déclarerait à propos de son successeur : "Il est mal fagoté, il mange des frites… Quand on a un métier public, il faut faire attention". Quelle est l'importance de l'image et de la stature présidentielle dans l'exercice de la fonction ? François Hollande contribue-t-il à la désacralisation de la fonction ?

Jean Petaux : La citation de Nicolas Sarkozy rapportée par Nathalie Schuck et Frédéric Gerschel que vous rappelez dans votre question, si tant est qu’elle soit exacte (et il y a toutes les raisons de le penser parce que vos deux confrères sont très sérieux) est particulièrement illustrative des difficultés que rencontre Nicolas Sarkozy pour revenir sur le devant de la scène sous les meilleurs auspices. Il est absolument évident que ce genre de critique n’a aucune espèce d’intérêt politique. Pour plusieurs raisons.

D’abord compte tenu de la personnalité de son auteur qui illustre une fois de plus le fameux dicton : "C’est l’hôpital qui se moque de l’infirmerie"… Quand on a fait en sorte de se faire photographier et enregistrer en t-shirt, short et basket, dégoulinant de sueur, montant en courant les marches du perron de l’Elysée au retour d’un jogging, on n’est peut-être pas le meilleur placé pour défendre la "sacralité de la fonction présidentielle". Quand on a clairement et distinctement dit à un de ses concitoyens, sous une forêt de micros et de caméras : "Eh bien casse-toi pauv’ con !", on peut effectivement conseiller à son successeur de "faire attention quand on exerce un métier public"… Et, in fine, quand on a proposé à un pêcheur du Guilvinec de venir pratiquement se battre en public ("Eh bien descends le dire ici !... Descends donc…") entouré de cinq ou six officiers du GSPR, on a fait montre non seulement d’un vrai respect pour la fonction présidentielle qu’on incarne mais aussi d’un sens du rapport de force à peu près comparable à celui que le petit teigneux de la cour de récréation affiche quand il est protégé par les cinq plus gros caïds du CM1…

Autre explication au manque d’intérêt politique de la saillie sarkozyste rapportée par Nathalie Schuck et Frédéric Gerschel : la question de l’image elle-même de François Hollande. Les électeurs ne sont sensibles à l’image que lorsqu’ils sont mécontents, en désaccords ou encore déçus de la politique qui est menée. Est-ce qu’Angela Merkel a une image "glamour" qui participe de la "sacralisation de la fonction de chancelier fédéral" ? Prenons l’exemple d’une photo qui a été commentée abondamment comme le cas presque parfait de la désacralisation de la fonction présidentielle par François Hollande lui-même : la photo de l’ile de Sein, pendant l’été 2014, où on le voit ruisselant de pluie. Alain Finkielkraut a commenté fort pertinemment cette image en disant qu’elle n’avait rien de choquant pour la fonction présidentielle. Au contraire, disait-il : "Le président fait face, dans la tempête".Voilà ce que l’on aurait pu en dire en effet.  Mais il se trouve qu’on n’en a pas dit cela. Et qu’au contraire, nombre de commentateurs y ont vu, une fois de plus, une dégradation dans la représentation de la "figure du président". C’est dire ce que les appréciations ont de relatif ou de circonstanciel mais surtout de subjectif.

Il reste, volontairement ou non, que François Hollande est appréhendé par une majorité de ses concitoyens comme participant d’une désacralisation de la fonction présidentielle. La question qui se pose, la seule question d’ailleurs qui vaille, demeure celle-ci : "La fonction présidentielle doit-elle être sacralisée ou pas ?". Elle appelle au moins une réponse (qui renvoie aussi à l’histoire de France) : oint du suffrage universel qui lui confère le titre de "président de tous les Français", le chef de l’Etat devient, de fait, un monarque républicain avec tout le sacré qui accompagne cette transformation tant politique qu’institutionnelle. Pas certain que son corps physique et sa complexion mentale soient adaptés désormais à cette métamorphose. Au-delà de Sarkozy, de Hollande et de leurs successeurs éventuels, c’est sans doute là que réside la principale incertitude qui plane sur la fonction présidentielle en France, aujourd’hui et demain.

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