Et au fait la déclaration de politique générale d’une droite refondée, ça pourrait ressembler à quoi ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La Première ministre Elisabeth Borne va prononcer ce mercredi 6 juillet sa déclaration de politique générale.
La Première ministre Elisabeth Borne va prononcer ce mercredi 6 juillet sa déclaration de politique générale.
©FRANCOIS GUILLOT / AFP

Alternative crédible

La Première ministre Elisabeth Borne va prononcer ce mercredi 6 juillet son discours de politique générale, sans solliciter la confiance des parlementaires. Si la droite parvenait à se refonder et à se distinguer de l’actuelle majorité, à quoi pourrait ressembler sa déclaration de politique générale sur le régalien, l’économie, les finances publiques, la réforme de l’Etat, l’éducation, la santé ou bien encore les libertés publiques ?

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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DISCOURS ECONOMIQUE ET SOCIAL : QUEL LOGICIEL ?

Mercredi 6 juillet, la Première ministre Elisabeth Borne présentera sa déclaration de politique générale à l’Assemblée et au Sénat. Imaginons que la droite parvienne à se refonder et à se distinguer de l’actuelle majorité : à quoi pourrait ressembler son logiciel économique et social ?

Pierre Bentata : Ce qu’on attend de la droite, c’est qu’elle se base sur une logique d’efficacité. La gauche ne peut pas en parler alors que cette notion est historique à droite. Avec l’endettement de l’État et l’augmentation du coût de la dette, il y aurait une réflexion d’ampleur sur la manière dont on va financer les innovations. 

Marc de Basquiat : La question est quelque peu perverse, car on ne sait plus ce qui définit la droite façon LR. Depuis 2012, ce parti fonctionne comme un club de candidats à diverses élections. Ils s’associent pour faire masse sans trop se quereller sur les détails, à l’exception notable de Valérie Pécresse qui a pris le risque d’énoncer quelques propositions concrètes et laborieusement chiffrées. Le parti En Marche / LREM / Renaissance est dans la même situation, défini par son allégeance à un chef plutôt que par un quelconque projet.

Les partis qu’on qualifie volontiers de populistes – RN et LFI – énoncent des propositions simplistes, dont l’outrance décourage les économistes (non partisans) qui voudraient les étudier sérieusement. L’épisode NUPES a été un grand moment, réunissant des partis opposés pour maximiser leurs scores en se partageant d’avance les circonscriptions, évitant ainsi de se disperser face à LREM : on n’en retient évidemment pas la moindre idée qui fasse consensus.

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Le constat est amer : énoncer une proposition un peu précise fournit du grain à moudre à ses adversaires (soit pour la copier, soit pour la critiquer) et n’est plus efficace pour mobiliser un électorat démissionnaire ou saturé de slogans et discours simplistes dans les médias (y compris « sociaux »). C’est pourquoi votre question est perverse : en tentant d’énoncer ce que devrait être le logiciel de la droite, je me demande si l’objectif est de l’aider ou de l’affaiblir…

Je répondrai d’abord modestement, avec un mot : responsabilité. Dans la configuration actuelle, inédite, chaque parti a l’obligation de s’intéresser honnêtement aux propositions des autres, et d’éviter de présenter des textes trop militants. C’est un bon exercice pour la démocratie, si tous les groupes politiques jouent le jeu. L’électeur de droite attend probablement que ses représentants soient exemplaires à ce titre.

Ce n’est pas gagné. Lorsque certains députés LR réclament que l’Etat compense intégralement l’inflation en maintenant le prix de l’essence à 1,50 euros, on croit rêver ! Avant de penser une droite inventive, demandons-lui déjà de tenir des positions responsables, au lieu de s’engager dans une surenchère populiste.

REGALIEN

Mercredi 6 juillet, la Première ministre Elisabeth Borne présentera sa déclaration de politique générale à l’Assemblée et au Sénat. Dans un futur imaginaire où la droite se refondait et distinguait de l’actuelle majorité, quelles seraient ses intentions sur le régalien ? 

Maxime Tandonnet : Il est certain que la réponse aux attentes des Français sur le régalien est un enjeu crucial pour la droite dans la perspective d’une reconquête de l’opinion, en particulier sur l’autorité de l’Etat, la sécurité et la maîtrise de l’immigration.  Les propositions de réformes sont connues et elles sont apparues à maintes reprises dans les projets de LR notamment aux dernières présidentielles. L’enjeu essentiel se situe ailleurs. Il est dans la crédibilité à mettre en œuvre ces réformes et à les faire appliquer. Aux dernières élections nationales, présidentielles comme législatives, la droite n'a pas réussi à regagner la confiance de l’électorat en particulier sur le régalien. D’abord il lui faut réussir à mettre en avant une équipe assez solide et unie pour entraîner un mouvement de confiance dans le pays. Tel est évidemment le plus difficile… Sur le plan des idées, la bonne méthode est de valoriser quelques mesures phares par exemple des peines planchers pour les auteurs de violences aggravées et les récidivistes ou la mise en œuvre effective des mesures de reconduite à la frontière envers les délinquants de nationalité étrangère, la réforme du droit d’asile et de l’immigration familiale, la lutte contre les filières esclavagistes en Méditerranée, puis de s’engager sur un calendrier resserré à les mettre en œuvre quelles que soient les circonstances.

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EDUCATION

Cette nouvelle droite aurait-elle de nouvelles idées pour refonder le système éducatif ? 

Maxime Tandonnet : En matière éducative, la question essentielle ne me semble pas tenir au futur système ou aux institutions, ni à des modalités d’organisation. Elle est dans la définition d’un objectif fondamental : le redressement scolaire. Pour cela il faut effectuer un choix politique majeur. La droite doit rompre avec la philosophie du nivellement par le bas dans un but égalitariste. Le slogan de 80% d’une classe d’âge au niveau du bac, fondateur de toutes les politiques depuis les années 1980, est trompeur et s’est traduit par l’effondrement du niveau du bac et des études. Il faut réhabiliter l’idéal du mérite et de l’élévation par le savoir et l’intelligence. Tout est une affaire d’état d’esprit : l’excellence doit redevenir le cœur de la philosophie de l’éducation nationale. Quelques principes simples : on n’entre pas en sixième sans avoir acquis les fondements de l’écriture et de la lecture ; on n’obtient pas le bac sans la maîtrise de l’orthographe. Il faudra rehausser le niveau d’exigence des diplômes, restaurer l’enseignement des mathématiques et du latin, et la culture générale dans les concours. L’égalité des chances authentique passe par le renouveau de la notion de mérite intellectuel et non par le bradage des examens et des diplômes qui débouche sur un retour de la sélection par l’argent et les relations familiales.

SANTE

Pierre Bentata : Lors de son discours de politique générale, la droite refondée analyserait ce qui a été fait pendant la crise sanitaire et en tirererait des conséquences. Elle devrait appeler à davantage d’autonomie des différentes acteurs de la santé en France. Elle signalerait, qu’il y a une chose qui a échoué durant cette crise c’est la mise en place des fameux plans blancs. La trop grande influence des ARS a créé des pénuries dans certains hôpitaux et saturé les établissements publics. La droite afficherait alors sa volonté d’améliorer l’efficacité des politiques publiques grâce à la décentralisation. Elle devrait alors proposer une refonte du fonctionnement du système hospitalier où la logique serait de repartir du bas vers le haut. 

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Elle pourrait repartir d’une logique de terrain en notant que la faiblesse du système de santé vient d’une trop forte centralisation. Celle-ci rend impossible la concentration d’informations du terrain pour une politique sanitaire efficace. Ainsi une réflexion commencerait en analysant la grande loi HPST et l’ensemble du système. Elle proposerait alors une vraie réforme en matière de santé et aligné sur les forces et faiblesses que l’on a dans différentes régions, une chose que la majorité présidentielle actuelle ou la gauche ne fait pas du tout.

LOGICIEL IDEOLOGIQUE

Quel serait son logiciel idéologique afin de trouver sa place entre Renaissance et le RN ?

Maxime Tandonnet : La politique moderne semble vouée à la fuite dans les excès et les coups médiatiques, la recherche du buzz à tout prix : exaltation du culte de la personnalité, communication à outrance, provocations visuelles ou verbales, petites phrases explosives autour desquelles la machine médiatique s’emballe dans de violentes crises d’hystérie. A ce jeu-là, macronisme, lepénisme et mélenchonisme triomphent.  La droite aurait tout avantage à se positionner à contre-courant de l’air du temps et à réinvestir le champ de la raison et de l’intelligence collective. Son rôle pourrait être d’offrir une alternative au glissement de la politique française dans l’exubérance, la posture, l’idolâtrie et l’hystérie. Inverser la tendance à l’aggravation de la fracture entre la France profonde devrait être la priorité absolue de la droite républicaine. Elle doit réapprendre à parler au peuple et le respecter comme l’unique souverain. Il lui faut se réorganiser autour du seul débat d’idées sur les grands sujets de préoccupation des Français dont le déclin scolaire, en se démarquant de la dérive narcissique et hystérique de la politique nationale et de toute forme de personnalisation névrotique. Elle doit porter un message simple et clair : les politiques ne sont pas des dieux de l’Olympe mais des serviteurs de la Nation. Bien sûr la voie est étroite mais le pari sur le bon sens des Français mériterait d’être tenté.

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FINANCES PUBLIQUES

Cette nouvelle droite aurait-elle une idée forte pour transformer et réformer l’État ainsi qu’impulser une nouvelle politique de finances publiques ?

Pierre Bentata : La droite étant davantage concentrée sur le régalien et ayant été critique depuis qu’elle n’est plus au pouvoir sur les dérives des finances publiques, elle pourrait sonner l’alerte en pointant le caractère non crédible des autres partis. Elle expliquerait qu’il va falloir rétablir des priorités en posant la question de la distinction entre investissement et dépense. Il s’agirait d’entamer une politique publique d’assainissement de l’économie là où aujourd’hui tous les signaux sont brouillés par les interventions que l’on a eu même avant la crise sanitaire. 

Marc de Baquiat : Lors de la campagne présidentielle, Valérie Pécresse a évoqué beaucoup de sujets. Généralement pertinents, mais trop nombreux – c’est la règle du genre. A peine trois mois après, de quoi nous rappelons-nous ? Quelle mesure ambitieuse et très visible pourrait motiver un électeur de droite ? Il me semble que la fiscalité est le domaine prioritaire.

Il s’agit de bousculer de fond en comble le maquis démotivant de nos impôts et taxes, afin de retrouver lisibilité, cohérence, équité et consentement des citoyens. Dans mon dernier livre, je montre qu’il serait possible d’augmenter la recette fiscale et l’accord des contribuables en ne conservant que six (gros) prélèvements : redevance universelle sur le patrimoine (RUP), taxes environnementale, TVA, CSG, impôt de redistribution du revenu (IRR), impôt sur les sociétés (IS).

Supprimer tous les autres prélèvements, qui encombrent au quotidien les acteurs économiques, est une priorité nationale. Supprimer les « impôts de production » et la taxe audiovisuelle est régulièrement évoqué. Une droite soucieuse de favoriser le dynamisme économique doit assumer de supprimer aussi les droits de mutation et de succession, l’IFI et la taxe foncière, nuisibles et obsolètes, remplacés par une RUP moderne, simple, équitable et nettement plus productive !

Le nouvel impôt sur le revenu doit intégrer deux composantes : un prélèvement proportionnel sur tous les revenus et un transfert positif individuel mensuel, qui assure à tous la continuité d’un revenu de survie dans toutes les circonstances de sa vie. Cette formule permet de nettoyer le maquis des aides sociales, dont beaucoup ne seraient plus nécessaires. La redistribution fiscale est infiniment plus efficace et équitable que le patchwork social, d’autant plus que son administration est largement automatisée.

REFORME DE L'ETAT

Pierre Bentata : La droite appuierait son message sur l’importance des libertés publiques et sur l’articulation entre le rôle de l’État et d’autres institutions comme la société civile. Un État efficace est un État qui au niveau central ne déciderait pas entièrement des politiques publiques. Elle pourrait ainsi ré-autonomiser les Régions au lieu de les maintenir sous perfusion et décomplixiifer le système dans tous les domaines comme sur la formation. 

Alors que personne n’est satisfait du fonctionnement des institutions, la droite pourrait agir. Elle pourrait opérer une réflexion sur la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Comme elle est considérée comme la jambe conservatrice du pays, elle a des messages à rappeler comme la remise en place de la responsabilité de l’État devant une Assemblée. Pour créer de l’enthousiasme démocratique, on pourrait ne plus donner et rédiger à l’avance les questions à l’Assemblée. En tant que parti conservateur, cette idée serait alignée avec ses idéaux. 

NOUVEAU MODELE ECONOMIQUE ET INTELLECTUEL

Alors que nous connaissions une phase néo-libérale, la droite refondée pourrait-elle proposer un nouveau modèle économique et intellectuel, sans pour autant faire table rase de son histoire ?

Marc de Basquiat : Le plus simple pour définir la droite est de la différencier de la gauche, dont l’égalitarisme reste le moteur principal. La droite préfère la liberté à l’égalité, et affectionne la fraternité qui justifie les mesures sociales. La gauche voit la fiscalité et les systèmes sociaux d’abord comme des instruments au service de la réduction des inégalités.

Il est facile de mesurer comment ces trois termes sont sollicités par les recherches d’internautes sur Google. Le graphique ci-dessous montre que le terme « égalité » était un sujet d’intérêt majeur dans la population (thème « individus et société ») pendant le quinquennat de François Hollande, alors que la liberté était un thème prédominant sous Sarkozy et que l’équilibre est presque parfait depuis cinq ans. 

On ne peut pas tirer de conclusion trop forte de ce type d’analyse sommaire, mais l’existence d’une corrélation est indéniable. Ainsi, dans la période politique particulière qui s’ouvre, pendant laquelle chaque parti sera en mesure d’apporter sa contribution spécifique au débat public via les propositions défendues démocratiquement à l’Assemblée nationale, la droite pourrait légitimement défendre les valeurs universelles de liberté et de fraternité, laissant la gauche mener à sa guise ses combats égalitaristes.

Proposer une rénovation de notre fiscalité est un très beau projet, où chaque citoyen est appelé à exprimer sa fraternité, sa liberté étant reconnue par l’adoption de règles simples et transparentes, applicables également à tous.

LIBERTES PUBLIQUES

Pierre Bentata : Sous le premier quinquennat Macron, on nous a dit que la liberté n’était pas importante. La droite expliquerait en accord avec ses principes que la première des libertés est la possibilité pour les citoyens de ne pas être soumis à la coercition de qui que ce soit, y compris l’État. C’est de cette façon que l’on retrouverait la confiance des citoyens.

Aujourd’hui, l’avenir de la droite se situe vers le courant libéral-conservateur. Historiquement, la droite est beaucoup plus méfiante vis-à-vis de grands changements car elle considère que la culture met du temps à évoluer. Elle baserait son discours sur la responsabilité et la liberté des individus. Sur ces points là, à part David Lisnard, on entend personne aujourd’hui. 

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