EPR : petits bémols au pessimisme de la Cour des Comptes<!-- --> | Atlantico.fr
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EPR Flamanville
EPR Flamanville
©LOU BENOIST / AFP

Énergie nucléaire

La Cour des comptes a dressé, au début du mois de juillet, un bilan accablant de la construction de l'EPR de Flamanville. Bruno Alomar revient sur les principaux enjeux de ce dossier.

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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La Cour des comptes s’est prononcée le 9 juillet sur l’état de la filière nucléaire française, ainsi que sur l’EPR de Flamanville et la poursuite du développement de cette technologie. Si le nouveau président de la plus haute juridiction financière, Pierre Moscovici, a tenu à souligner que sous sa présidence la Cour sortirait de sa posture un peu commode de père fouettard, il est difficile de discerner la moindre mansuétude dans l’analyse des magistrats de la rue Cambon. Alors qu’EDF doit présenter début 2021 un programme de construction portant sur six nouveaux réacteurs nucléaires de troisième génération en France, la Cour ne déguise pas ses inquiétudes à l’égard d’une décision dont les conséquences pourraient être importantes sur l’ensemble du mix énergétique national, rien moins que « jusqu’au XXIIe siècle ». 

Naturellement la Cour des comptes, tel le scorpion de la fable, est dans son rôle quand elle pointe, au nom de la préservation de l’argent public, les retards et dépassements de coûts qu’a connus l’EPR de Flamanville. Nul de sérieux ne conteste que des erreurs ont été commises, et que des difficultés importantes ont dû être surmontées. EDF partage ce constat, déjà dressé par le rapport Folz du 28 octobre 2019, et qui a justifié l’adoption par l’énergéticien du plan Excell visant à remédier à des défauts de qualité constatés.

Qu’il soit permis, puisque le contradictoire est au fondement de la recherche de la vérité qui fait la justice – y compris financière - de formuler ici quelques observations.

D’abord, évidence qu’il faut pourtant rappeler sans cesse, traiter de l’EPR n’est pas traiter du dernier modèle de voiture ou de smartphone ! Il ne s’agit pas ici de plaider l’indulgence et de considérer que tout a toujours été fait sans erreur. Il s’agit de prendre la mesure de la complexité du sujet nucléaire. Apprendre en marchant, tâtonner, parfois se tromper, est inhérent à des projets d’une complexité aussi grande que l’EPR, de même d’ailleurs que les défis induits en matière de compétence technique. 

Ensuite, puisqu’il s’agit d’industrie, il faut être capable de raisonner en coût marginal et en série. L’EPR 2, que vise la Cour, sera par construction beaucoup plus simple à réaliser que son prédécesseur. Les compétences nécessaires, qui ont parfois été manquantes où insuffisamment rodées, auront été reconstituées, non seulement par EDF, mais également par l’ensemble de la filière concernée, qui a besoin de pouvoir se projeter. Signe d’ailleurs que la prudence que la Cour des Comptes fait sienne est partagée par EDF, la décision a été prise par l’opérateur de ne commencer à couler le premier béton de la première d’EPR 2 que quand 70% des études de détail aura été réalisé (40% dans le cas de l’EPR de Flamanville).

Enfin, si l’honneur des comptables est de chercher à fournir un état des comptes sincère à un moment donné, il ne faut pas craindre de remettre la question de la filière nucléaire civile dans une perspective plus vaste et plus profonde. La réalité est qu’il n’y aura pas de transition énergétique durable, fiable, maîtrisée, si l’on ne reconnaît pas au nucléaire la place centrale qui est la sienne. Le GIEC, pourtant peu suspect de sympathie pour l’électricité d’origine nucléaire, a pris acte, si l’on veut contenir le réchauffement climatique, de la nécessité de mobiliser toutes les énergies bas carbone, et parmi celles-ci l’électricité d’origine nucléaire pour laquelle la France dispose d’une filière de référence. Et que dire de nos partenaires européens ? Alors que l’Allemagne n’en finit pas de prendre conscience des conséquences négatives sur son bilan carbone -sans parler des conséquences négatives en matière de pouvoir d’achat et de compétitivité industrielle - d’une sortie précipitée, mal pensée, du nucléaire civil, le Royaume-Uni, lui, faisant preuve d’une audace reconnue en matière énergétique, fait dans les années à venir une place importante à l’électricité nucléaire. 

C’est dire, en définitive, que si les critiques formulées par la Cour des comptes doivent être entendues et prises en considération, elles ne doivent pas cacher le véritable enjeu : la modernisation de notre parc nucléaire comme pilier central de notre mix énergétique, à côté d’autres énergies bas carbone dont le développement doit être encouragé. 

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