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Et si demain les entreprises gouvernaient le monde ?
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B20 > G20

Avec la crise, les entreprises tentent de peser sur les choix des Etats du monde entier. Le récent G20 a ainsi montré leur influence politique grandissante. Sommes-nous en train de changer d'ère ?

Youth Diplomacy

Youth Diplomacy

Youth Diplomacy est un think tank qui encourage la jeunesse française à mieux connaître et à s’approprier la mondialisation.

Fondée il y a à peine un an, l'association a organisé le G8 & G20 Youth Summits, événement officiel de la Présidence du G20-G8 pour la jeunesse.

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Alors que l’AFEP (Association française des entreprises privées), représentant les entreprises du CAC 40, a dévoilé ses propositions lundi, et que le MEDEF a remis ses conclusions pour un nouveau pacte fiscal et social, une question se pose légitimement : quel poids les entreprises ont-elle dans la fabrique des lois ? A vrai dire, en tant qu’observateur attentif du sommet du Business 20, qui s’est tenu à Cannes, je m’interrogeais déjà sur ce sujet la semaine dernière.

Alors que les gouvernements étaient à pied d’œuvre pour rebâtir le temple européen sur les ruines de la dette grecque, plus d’une centaine d’entreprises de toute taille et les principales organisations patronales internationales se réunissaient à l’Hôtel Martinez. Laurence Parisot, présidente du MEDEF et chef d’orchestre du sommet, a rapidement mis sur la partition quelques notes bien graves : « today, we are shouldering our responsibility as global actors, businesses need to be held responsible in front of public opinions ». En français, « aujourd'hui, nous endossons notre responsabilité d'acteurs mondiaux, les affaires doivent être tenues responsables devant les opinions publiques ». Souvent considérées comme l’intendance des décisions politiques, les entreprises ont décidées d’entrer pleinement dans l’Histoire et d’œuvrer à l’émergence d’une nouvelle société.

La cohérence de cet engagement n’est pas discutable. Les entreprises, et les multinationales en premier lieu, ont une connaissance profonde des relations d’interdépendance existant entre les différents acteurs de l’économie mondiale, qu’ils soient gouvernementaux ou relèvent de la société civile. Elles ont été pleinement actrices de l’ouverture des frontières, de la libéralisation des marchés et donc de la mondialisation. Les entreprises sont sans frontière, sans nationalité. Avec humour, Abdulrahman A. Al-Zamil, PDG de Zamil Group (groupe d'investissements dans différents secteurs), offrait ainsi la naturalisation à Christophe de Margerie, PDG de TOTAL, en lui rappelant que « TOTAL est une entreprise plus saoudienne que française ». De plus, leur poids économique et humain est indéniable, et ce de la micro entreprise aux plus importantes FMN (firme multi nationale). Aussi, elles possèdent une vision multidimensionnelle de leur réalité, et de celle des sociétés dans lesquelles elles se développent.

Plus surprenant, en revanche, le défilé des chefs d’État ou de personnalités politiques de premier plan devant les Présidents et Directeurs Généraux invités au Business 20. Et s’il fallait voir dans cette ruée vers les idées - que les entreprises veulent pragmatiques du fait de leur qualité d’acteurs terrain - un changement de paradigme ? Alors que les États font face à leurs dettes, que les politiques peinent à trouver les réponses aux maux de la crise, les pages de notes prises par Christina Kirshner sur l’agriculture, la minutie du discours « iPad » de Dimitri Medvedev ne font que confirmer ce sentiment. Ceux que l’on surnomme les BRICS (Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud), le nouveau moteur de la croissance mondiale, avaient ainsi pris rendez-vous avec les acteurs privés. Et c’étaient bien les entreprises qui recevaient au Martinez. Certains iront jusqu’à affirmer que les créanciers recevaient leurs débiteurs, comme pour les rappeler à leurs engagements.

Pourtant, il n’y aura de croissance sans régulation, et les entreprises le reconnaissent bien volontiers. Elles ont, à l’unisson, appelé à une gouvernance politique susceptible de donner le tempo au monde des affaires, à inciter les acteurs privés à prendre la voie d’une croissance verte et durable. Elles ne souhaiteraient en aucun cas se soumettre aux lois de la jungle, à une compétition sans règle. Si elles peuvent se prévaloir de leur capacité à créer de l’emploi, comme le soulignait M. Liveris, Président et Directeur Général de Dow Chemicals, elles sont surtout venues avec l’ambition de faire valoir leurs propositions et leur volonté de collaborer avec les gouvernements à la reprise de la croissance mondiale. En écho au leitmotiv des marchés liquides, transparents et prévisibles, réaffirmé à chacune des interventions des dirigeants présents, elles ont ainsi appelé à un partenariat public privé de dimension internationale. Ce partenariat devra valoriser l’économie réelle et notamment encourager la prise en compte des grands enjeux contemporains, tels que les dimensions sociales et environnementales de la mondialisation.

Faut-il pour autant se féliciter de l’influence grandissante des entreprises sur les décisions politiques prises par les puissances du G20 ? Si l’intérêt de leurs propositions et l'aspect indispensable de leur association au processus de gouvernance ne sont pas discutables, c’est l’institutionnalisation du Business 20 que les gouvernements devront interroger. Et c’est alors la place de la société civile dans son ensemble qui devra être débattue.

Stéphane Rousselet pour Youth Diplomacy

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