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Enquête administrative sur le PNF : utile ruée dans les brancards d’Éric Dupont Moretti ou taureau dans un magasin de porcelaine ?
©Thomas SAMSON / AFP

Politisation de la justice

L’Inspection générale de la Justice a rendu au Garde des Sceaux un rapport sur les éventuels manquements du parquet national financier dans l’affaire dite des Fadettes dans laquelle les communications de plusieurs avocats, dont l'actuel ministre de la Justice, ont été analysées.

Atlantico : Alors que l’Inspection générale de la Justice a rendu ce mardi au Garde des Sceaux un rapport sur les éventuels manquements du parquet national financier dans l’affaire dite des Fadettes dans laquelle les communications de nombre d’avocats ont été épiées, Éric Dupont Moretti a tapé du poing sur la table et décidé d’ordonner une enquête administrative sur les agissements d’Eliane Houlette et de deux autres magistrats. Utile ruée dans les brancards du nouveau et tonitruant ministre ou taureau dans un magasin de porcelaine ?

Hervé Lehman : Il faut dire que l’affaire est grave : jusqu’où le parquet national financier, devenu un parquet national politique, ira-t-il dans les affaires politiques ? Est-il admissible dans une démocratie que les avocats soient espionnés pour faire tomber un opposant du pouvoir en place ? Eric Dupont-Moretti, avant d’être nommé ministre, a employé à juste titre le terme de méthodes barbouzardes. La manière dont la justice traite l’opposition et les avocats est un marqueur fort de la démocratie, comme on le voit en Turquie ou en Russie.

Le ministre de la Justice a donc raison de vouloir aller au bout de cette affaire.

Le fait que Monsieur Dupont Moretti soit à la fois juge et partie puisque ses propres Fadettes avaient été analysées par le parquet national financier (et qu’il avait d’ailleurs porté plainte avant de renoncer une fois ministre) est-il de nature à fragiliser la cause qu’il semble vouloir défendre ?

C’est une situation tout à fait extraordinaire : la victime est devenue l’autorité de poursuite. D’un côté, il est probable qu’un autre ministre qu’Eric Dupont-Moretti, qui est avocat et a été victime de ces agissements, aurait enterré l’affaire. De l’autre, il faut admettre que le côté juge et partie pose un problème d’impartialité.

Les deux principaux syndicats de magistrats se sont aussitôt engouffrés dans la brèche en criant au conflit d’intérêt. Mais cet argument cache mal la réaction corporatiste : mettre en cause personnellement un magistrat provoque immanquablement une levée de boucliers des syndicats de magistrats, même de l ‘USM qui ne poursuit pas un combat politique contre la droite comme le Syndicat de la magistrature.

Ce réflexe corporatiste est très regrettable. Ne pourrait-on pas admettre, d’une part qu’un magistrat peut commettre une faute et en rendre compte, et d’autre part que les magistrats n’ont rien à gagner à défendre des pratiques détestables comme celles que le parquet national financier a adoptées ?

Des sanctions vous paraissent-elles méritées d’une part, possibles au terme de cette enquête administrative d’autre part ?

Ce n’est évidemment pas à moi de réclamer des sanctions. Je ne souhaite pas que l’on fasse d’Eliane Houlette, qui a eu la naïveté ou le courage de déclarer à l’Assemblée nationale qu’elle avait fait l’objet de pressions dans l ‘affaire Fillon, le bouc émissaire d’un système mis en place par François Hollande et la gauche judiciaire. Ce qui est important est que la justice française retrouve le chemin du droit dans les affaires politiques. L’affaire des fadettes est une des déviances d’un parquet créé pour casser la droite, et qui n’a eu de cesse de s’attaquer à Nicolas Sarkozy et à son entourage, puis à François Fillon.

Maintenant, je ne suis pas très inquiet pour les magistrats mis en cause. Une éventuelle sanction passe par un avis de la commission de discipline du parquet, et je peux prédire que l’avis corporatiste sera qu’il n’y a pas eu de faute. D’ailleurs, comment les intéressés pourraient-ils se sentir coupables puisqu’à l’époque le pouvoir et la hiérarchie encourageaient toute initiative permettant de casser Nicolas Sarkozy !

Vous vous êtes souvent élevé contre la politisation de la justice en dénonçant notamment la manière dont avait été menée l’enquête sur François Fillon. Quelles mesures pourraient vraiment faire changer les choses ?

La première chose à faire est que le parquet national financier respecte la loi. Celle-ci lui a donné compétence pour les affaires d’une grande complexité et pas particulièrement pour les affaires politiques. François Hollande a fait croire à l’Assemblée nationale et à l’opinion publique que l’on créait un parquet spécialisé pour lutter contre la grande délinquance financière alors qu’il créait un parquet national politique pour chasser les leaders de la droite. Donc, que le PNF s’occupe de la grande délinquance financière et plus des leaders de l’opposition.

Ensuite, il faut regarder en face le problème du statut du parquet. Aujourd’hui, il n’est pas indépendant. Les syndicats de magistrats voudraient qu’il le soit mais les politiques répondent, à juste titre qu’il n’est pas possible que chaque procureur de la République fasse dans son coin sa petite politique pénale. C’est la quadrature du cercle. Je propose que l’on crée un procureur général de la Nation, indépendant, choisi par le Conseil supérieur de la magistrature mais agréé par les deux tiers de l’Assemblée nationale, compétent pour les affaires mettant en cause les élus et les ministres. Puisque la dépendance du parquet ne pose un problème que pour les affaires politiques, créons un parquet indépendant pour les seules affaires politiques.

Hervé Lehman vient de publier "L'air de la calomnie - Une histoire de la diffamation, d'Oscar Wilde à Denis Baupin" aux Editions du Cerf

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