Energie : la guerre en Ukraine renforce l’addiction mondiale au charbon<!-- --> | Atlantico.fr
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Une photo prise le 5 avril 2022 montre le site de stockage de houille pour la centrale électrique au charbon du fournisseur d'énergie allemand Steag à Duisburg, dans l'ouest de l'Allemagne.
Une photo prise le 5 avril 2022 montre le site de stockage de houille pour la centrale électrique au charbon du fournisseur d'énergie allemand Steag à Duisburg, dans l'ouest de l'Allemagne.
©Ina FASSBENDER / AFP

Effet domino

Alors que l'invasion russe a provoqué une pénurie de gaz naturel, la dépendance mondiale au charbon est plus forte que jamais.

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec est un spécialiste de l’énergie et en particulier du pétrole et professeur à l’Ecole du Pétrole et des Moteurs, où il a dirigé le Centre Economie et Gestion. 

Il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur des sujets touchant à l’économie et à la géopolitique de l’énergie et en particulier Exploitation et Gestion du Raffinage (français et anglais), Recherche et Production du Pétrole et du Gaz (français et anglais en 2011), l’Energie à Quel Prix ? (2006) et Géopolitique de l’Energie (français 2009, anglais 2011).

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Atlantico : Alors que la guerre en Ukraine a provoqué une pénurie mondiale de gaz naturel, elle renforce également la dépendance mondiale au charbon. En Allemagne et en Italie, on envisage ainsi de donner une seconde vie à des centrales électriques au charbon qui avaient été mises hors service. Comment expliquer cette hausse de la demande de charbon ?

Jean-Pierre Favennec : Les tensions sur le marché international du gaz naturel sont apparues en 2021 avec une multiplication par six du prix du gaz entre le début et la fin de l’année. Le prix du gaz est resté très élevé sur les marchés internationaux, conduisant par exemple le gouvernement français à plafonner le prix du gaz depuis le fin 2021 pour éviter que les consommateurs ne soient asphyxiés par cette augmentation du prix. Cette augmentation du prix du gaz est liée à une insuffisance des investissements dans la production de gaz alors que la progression de le demande est forte du fait de la forte reprise économique et de la volonté, en Chine par exemple, de remplacer le charbon très polluant par du gaz naturel, moins polluant, pour la production d’électricité. 

La guerre en Ukraine n’a pas accru le prix du gaz mais empêche une baisse des prix que les spécialistes espéraient au printemps du fait de la baisse traditionnelle de la demande à cette époque. Les risques d’embargo sur les exportations russes ou de décision risse de réduire leurs exportations en rétorsion aux sanctions européennes expliquent que les prix restent à des niveaux très élevés. 

Les importations de gaz russe représentent 40 % de la consommation européenne. L’Union Européenne a pris des mesures pour réduire les importations russes mais il est difficile de remplacer rapidement toutes les importations russes 

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L’Europe est relativement dépourvue de gaz – et de pétrole – mais la Pologne et l’Allemagne disposent de réserves très  considérables de charbon. L’embargo sur les importations de charbon russe et les menaces sur les approvisionnements de gaz russe vont donc conduire les pays européens à augmenter la production de charbon et à augmenter les importations depuis les  pays exportateurs de charbon comme par exemple la Colombie et l’Afrique du Sud. Cela se fera bien entendu au détriment des émissions de CO2.

Alors que l’Union Européenne cherche à réduire sa dépendance à la Russie, le charbon russe représente 20% des importations et la houille plus de la moitié. L’Union Européenne peut-elle se passer du charbon russe ?

L’Europe a décidé un embargo sur les importations de charbon russe au titre des sanctions consécutives à la guerre en Ukraine. A moyen terme ii est possible pour l’Europe de remplacer les importations russes, par une production locale accrue et par des importations plus importantes d’autres pays producteurs que la Russie

Sommes-nous en train de remplacer une dépendance au gaz par une dépendance au charbon, au moins aussi problématique ?

La dépendance au gaz russe est forte car pour l’essentiel ce gaz vient de la Sibérie par des gazoducs de plusieurs milliers de kilomètres qui traversent l’Ukraine, la Biélorussie voire la Turquie avant d’arriver en Europe. Il est impossible de mettre un gaz autre que russe dans ces tuyaux.

Les approvisionnements en pétrole et en charbon, sources alternatives d’énergie ; se font par bateaux et sont donc beaucoup plus souples. Mais dans un premier temps et avant que les mesures qui vont permettre de réduire la dépendance au gaz russe (par une meilleure efficacité énergétique et par le recours à de nouvelles sources d’approvisionnement) se mettent en place, une utilisation accrue du charbon, européen ou importé d’autres pays, semble inévitable

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Quelles peuvent être les conséquences de cette nouvelle stratégie sur le plan écologique ? Le charbon était-il la seule option possible face à la pénurie de gaz ?

Les modifications de la production et de la consommation d’énergie nécessitent de nombreuses années avant de se mettre en place. A titre d’exemple un arrêt complet des importations de gaz russe aurait des conséquences désastreuses à court terme pour l’économie allemande. Il faut donc inciter en priorité à une réduction des consommations (sobriété énergétique, efficacité énergétique) en isolant les locaux, réduisant le chauffage, améliorant les rendements des centrales thermiques et des équipements industriels. Ces mesures ne peuvent porter leurs fruits qu’au bout de nombreux mois. Le charbon est une option parmi d’autres pour faire face à une pénurie de gaz. Mais cette option est très polluante et doit inciter l’Europe à plus de sobriété et plus d’efficacité dans la consommation d’énergie.

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