En cherchant à abolir la prostitution, Najat Vallaud-Belkacem déclare la guerre aux travailleurs du sexe indépendants et renforce les réseaux mafieux<!-- --> | Atlantico.fr
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La ministre des Droits des femmes s'est prononcée une nouvelle fois sur la prostitution, qu'elle souhaite faire abolir.
La ministre des Droits des femmes s'est prononcée une nouvelle fois sur la prostitution, qu'elle souhaite faire abolir.
©Reuters

Plus vieux métier du monde

La ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud Belkacem, se pose en abolitionniste de la prostitution. Dans le même temps, les Espagnols lancent des cours du plus vieux métier du monde. Comment concilier, en France, droit des femmes et liberté des travailleurs du sexe ?

Cloé Navarro

Cloé Navarro

Cloé Navarro est une travailleuse du sexe, membre du STRASS : syndicat du travail sexuel.

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Atlantico : Najat Vallaud Belkacem s'est prononcée une nouvelle fois sur la prostitution, qu'elle souhaite faire abolir. Que pensez-vous d'une telle prise de position de la part de la ministre des Droits des femmes ?

Cloé Navarro : Najat Vallaud Belkacem va devoir comprendre qu’elle n’est pas détentrice du pouvoir suprême sur la prostitution, elle n’a aucune légitimité. Selon moi, elle est vraisemblablement « putophobe ». Elle défend un idéal des droits de la femme qui ne correspond qu'à ses propres critères subjectifs.

Je ne comprends pas l’acharnement de Madame Vallaud-Belkacem sur le travail sexuel. Quand la ministre utilise le mot abolition, c'est simplement afin de donner plus de crédibilité à son propos en faisant référence à l'abolition de l'esclavage. Mais sa position est purement prohibitionniste. Malheureusement, je pensais que la France avait compris depuis longtemps que la répression n'était pas la solution.

Aujourd’hui, Madame Vallaud-Belkacem fait le jeu des mafias et cela est purement criminel à mon avis.

En parlant d’abolitionnisme, ne risque-t-elle pas de pénaliser les travailleurs du sexe indépendants ?

Tout à fait. J’essaye toujours de me mettre à la place de l’exploité. Il y a plusieurs réseaux de prostitutions où l’on envoie des femmes sur des trottoirs, mais ce système n’est pas propre à ce domaine. En effet, il existe aussi des réseaux de maçonnerie, d’hôtellerie où des individus sont exploités sans avoir de papier. Si la ministre veut faire une loi contre la prostitution, elle doit faire la même sur les autres réseaux qui touchent aussi les femmes… Il faut protéger toutes les personnes qui souffrent de la traite des êtres humains.  

Dans un deuxième temps, si on est indépendant, avec la loi de Mme Vallaud-Belkacem, on va devoir reculer pour trouver des clients si on travaille dehors ou se mettre à travailler sur Internet, ce qu'on refuse pour des questions de sécurité.

Ce type de loi pourrait nous marginaliser de la société et nous isoler des associations capables de nous aider. La ministre va exporter le problème en province, là où les policiers n’ont pas les moyens de faire leur travail. Les travailleurs du sexe vont être encore plus en danger et ça, beaucoup de rapports le prouvent.

Comment à la fois promouvoir la liberté des travailleurs du sexe et les protéger des proxénètes et du trafic de femmes ?

Je tiens à le souligner, les femmes comme les transsexuels peuvent être victimes de ces réseaux. On a besoin aujourd’hui d’une vraie loi sur la traite des êtres humains pour tout le monde. Il faut aussi arrêter de donner pignon sur rue à des extrémistes religieux afin de laisser les prostitués travailler en toute tranquillité et être efficace avec celles qui souhaitent se lancer dans une autre carrière professionnelle.

De plus, la loi devrait être un peu plus souple pour les étrangères qui sont sous la coupe des proxénètes et qui sont obligées d’attendre deux ans pour avoir un visa de séjour, et non de travail.

Le plus vieux métier du monde à la part belle en Espagne où l'on propose une formation d'un nouveau genre pour s'y former. Le gouvernement français est-il à contre-courant des attentes des femmes et des clients ?

C’est l’exemple type des dérives qui favorisent la stigmatisation de la prostitution. En donnant une formation, on va faire croire à une professionnalisation du métier, ce qui est totalement faux. J’aurais aimé savoir qui délivre réellement ces cours ? Allez savoir, c’est peut être un proxénète espagnol…

Notre communauté a la chance de travailler à l’extérieur. On a une facilité d’échange entre nous qui n’existe peut-être pas dans les autres métiers. On s’échange nos expériences, on se donne des conseils, il y a un réel échange de savoir. Entre nous, il y a une grande solidarité, malgré les lois qui font tout pour la casser.

Selon vous, la prostitution peut-elle vraiment être un choix ?

Oui je le crois. Personnellement, j’ai choisi la prostitution, même si je fais autre chose à côté. J’ai décidé de faire des études pour tout simplement revendiquer une certaine liberté. Malgré les souffrances de certaines sœurs, beaucoup de personnes que je connais sont très contentes de faire ce travail.

Mme Vallaud-Belkacem passe à côté du pouvoir que nous nous sommes octroyés en faisant ce métier. Si on interdit aujourd'hui aux femmes d’utiliser leur corps comme elles l’entendent, ce serait 50 ans foutus à la poubelle.

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